• Dormir ? Quand vous serez morts !
    http://www.lemonde.fr/livres/article/2014/06/12/dormir-quand-vous-serez-morts_4436476_3260.html

    A propos de 24/7. Le Capitalisme à l’assaut du sommeil (24 juillet. Late Capitalism and the Ends of Sleep), de Jonathan Crary, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Grégoire Chamayou, Zones, 140 p., 15 €.

    Nous vivons, pour l’auteur, amateur d’humour postmoderne, dans « un univers dont toutes les ampoules auraient été allumées sans plus aucun interrupteur pour les éteindre ».

    Seuil de sollicitude

    C’est finalement notre humanité qui est en jeu. Préserver le sommeil d’autrui, c’est en effet l’acte de sollicitude par excellence, un moment « d’oubli du mal », selon la formule de Roland Barthes. Pour Crary, « le sommeil représente la durabilité du social et[il est] en cela analogue à d’autres seuils sur lesquels la société pourrait s’accorder pour se défendre et se protéger elle-même. En tant qu’état le plus privé, le plus vulnérable et commun à tous, le sommeil dépend crucialement de la ­société pour se maintenir ». L’ingéniosité avec laquelle les espaces publics – à l’image des bancs que l’on y trouve – sont conçus pour empêcher le sommeil de ceux qui n’ont plus d’autre endroit où habiter indique bien le seuil très bas de sollicitude que nous avons atteint.

    A l’évidence, ce livre paraîtra souvent glisser trop vite d’un sujet à l’autre et s’appuyer sur des matériaux plus souvent littéraires que scientifiques. Mais il a le grand mérite de renouveler profondément notre conception du sommeil et, par ricochet, de l’attention. Chez les défenseurs de la raison, comme chez les penseurs critiques qui ont souvent comparé l’aliénation à une forme de somnolence de masse, le sommeil s’oppose à la conscience. « La plupart des théories sociales dominantes exigent que les individus modernes vivent et agissent (…) dans des états dont on souligne à l’envi que tout les sépare du sommeil – des états de pleine autoconscience ». Pour Jonathan Crary, a contrario, l’attention forcée au monde n’est pas la solution mais bien le problème de nos sociétés.

    Tous ceux qui rêvent encore que leurs nuits puissent être plus belles que les jours promis par le capitalisme moderne verront dans ce livre une immense consolation. Trouver l’interrupteur qui commande les néons de la société leur sera peut-être plus difficile…

    Cette métaphore des lumières et des interrupteurs est loin d’être anodine, et renvoie aux enjeux écologiques et énergétiques de cette veille forcée.
    #énergie #capitalisme #sommeil

  • Geeks et gangs de Neal Stephenson
    http://www.lemonde.fr/livres/article/2014/06/05/geeks-et-gangs-de-neal-stephenson_4432537_3260.html

    Ma foi, quand on porte le nom de l’inventeur, en 1829, de la «  Rocket  », digne ancêtre de la locomotive à vapeur, que l’on naît aux Etats-Unis, à Fort Mead[e], riante bourgade du Maryland où siège la #NSA, alias Big Sister – La Grande Indiscrète –, et se visite le Musée national de cryptologie, qui plus est en 1959, l’année de La Mort aux trousses, et ce dans une famille où les sciences dures (physique, biochimie, génie électrique) sont de tradition, il n’est rien d’étonnant à ce que l’on devienne un des sombres messies de la #science-fiction actuelle. Dont acte avec le romancier et essayiste Neal Stephenson, œil de mage, crâne ras et bouc gris acier, dont Sonatine publie Les Deux Mondes, un opulent techno-thriller accusant 1 200 pages sous la toise. Tout juste parue, la première partie, titrée Le Réseau, narre par le menu un ­affrontement planétaire, dans le monde des jeux vidéo, entre mafia russe et hackers asiatiques ; le tome II, La Frontière, sortira le 21 août.

    #livres