• L’état d’urgence (1955-2005). De l’#Algérie coloniale à la #France contemporaine : destin d’une loi

    Cet article étudie la création et les usages de la loi d’état d’urgence entre 1955 et 2005. Cette loi porte la marque de la guerre d’Algérie, pendant laquelle elle fut élaborée et modifiée. Au final, elle se présente comme l’équivalent d’un état de siège contournant l’armée. L’état d’urgence fut déclaré cinq fois : en Algérie en 1955, en France en 1958 puis de 1961 à 1963, en Nouvelle-Calédonie en 1985, puis de nouveau en France en 2005. Alors que les débats contemporains la dénoncent comme une loi coloniale, c’est pendant la période gaulliste qu’elle connut sa durée d’application la plus longue et la moins contrôlée. Ainsi, elle s’enracine doublement dans l’histoire de France : comme une loi conçue pour répondre aux insurrections indépendantistes, mais aussi comme une loi de répression politique, lorsque la République doit faire face à ses « ennemis », depuis les « hors la loi » de la période révolutionnaire jusqu’aux communistes au XXe siècle.

    http://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-2007-1-page-63.html

    #état_d'urgence

  • Vente... légitime
    http://www.greekcrisis.fr/2015/12/Fr0482.html

    Cependant, certains sujets de conversation leur sont communs, et en ce moment ils sont essentiellement deux : d’abord, le dernier crime politique et économique en date commis par le gouvernement Tsipras, s’agissant de “l’acquisition” de pratiquement de l’ensemble du système bancaire grec par les fonds vautours internationaux à 2% de sa valeur, et ensuite, la récente victoire du Front National en France. Source : greek crisis

  • Face au capital bureaucratique européen. Entretien avec Sylvain Laurens | Contretemps
    http://www.contretemps.eu/interviews/face-capital-bureaucratique-européen-entretien-sylvain-laurens

    L’approche en termes de capital bureaucratique permet d’emblée de poser la question du rôle structurant que jouent les administrations à l’égard des marchés. Pas de marché sans structure juridique nous rappelle Bourdieu dans les Structures sociales de l’économie (un de ses livres que je trouve sous-exploité). Un droit de la propriété, un droit de la concurrence et un droit des affaires européens continuent d’enserrer l’accélération de l’internationalisation des échanges. Le marché ne peut fonctionner comme structure rationnelle pour les acteurs (une structure où l’on peut évaluer les coûts et bénéfices, avoir des stratégies formelles voire mathématisées) que dans la mesure où une administration garantit la prévisibilité des activités économiques. « Le capitalisme requiert la bureaucratie » écrivait Weber. L’approche en termes de capital bureaucratique invite à considérer que l’administration en général et l’administration européenne en particulier ne sont pas seulement des outils de commandement politique aux mains de la classe dominante. L’administration est une forme d’organisation sociale qui rend possible le fonctionnement du capitalisme, qui assure la production et l’actualisation des structures juridiques minimales qui encadrent les relations de production.

    #capital_bureaucratique #Union_européenne #capitalisme #Etat #administration

  • Les Inrocks - “L’abstention des classes populaires est tout à fait logique”
    http://www.lesinrocks.com/2015/12/03/actualite/labstention-des-classes-populaires-est-tout-à-fait-logique-11791601

    En règle général le score du FN augmente en proportion en raison de l’abstention. Brandir ce risque pour appeler au vote, voire à la fusion des listes de droite et de gauche dans le Nord, est-il encore efficace ?

    Il est vrai que l’abstention provoque une augmentation des pourcentages du FN. On commente d’ailleurs trop souvent ces chiffres impressionnants sans les rapporter à l’ensemble du corps électoral, ce qui conduit à des constats erronés du type “un Français sur trois vote Front national”. En réalité, la colère et le désespoir des Français conduisent bien plus vers l’abstention que vers le vote Front national !

    On peut s’interroger sur le soin qui est déployé par les responsables politiques socialistes et Républicains, et maintenant le président du Medef, à exagérer le poids du Front national. Pour les partis dominants, c’est une façon efficace de renvoyer la critique de leurs politiques à une colère fascisante qu’il faudrait à tout prix fuir. Le ras-le-bol vis-à-vis de la classe politique, qui n’a pourtant rien d’irrationnel, est ainsi associé à une rhétorique du “tous pourris”, intrinsèquement liée au FN, et donc forcément honteuse. Ensuite, la menace leur permet de s’ériger en représentants de la stabilité contre le chaos. Ils incarneraient en quelque sorte le moindre mal, à défaut de proposer le mieux. Cette stratégie est ainsi devenue le noyau central du Parti Socialiste. On peut d’ailleurs tout à fait penser que si Manuel Valls brandit en permanence la menace FN, c’est pour rester maître du jeu à gauche et empêcher la naissance d’alternatives à sa politique, au sein de son parti comme du côté de la gauche radicale. On dit aux électeurs : “toute dispersion ferait gagner le FN, alors restez dans les rangs.”

    Or, non seulement cette stratégie dissimule mal son hypocrisie, mais en plus elle crédite le Front national, pourtant un parti de notables qui n’a rien de révolutionnaire sur le plan économique, d’une aura subversive et “anti-système”. En s’alliant à Pierre Gattaz, le président du Medef, pour dénoncer l’inanité du programme de Marine Le Pen, Manuel Valls lui a fait un formidable cadeau : devenir l’ennemie déclarée des élites politico-économiques.

    Les jeunes et les classes populaires sont souvent les catégories qui s’abstiennent le plus massivement. Pourquoi ?

    L’abstention des jeunes est un sujet de préoccupation pour les politiques, parce qu’obtenir le vote des jeunes c’est se donner une image moderne et dynamique. Les taux d’abstention spectaculaires chez les jeunes (aux Européennes de 2014 les trois quarts des jeunes n’ont pas voté) sont souvent mis sur le compte d’un prétendu individualisme. C’est le cliché du jeune rivé sur son smartphone, plus préoccupé de la satisfaction de ses plaisirs égoïstes que du bien commun. C’est évidemment faux.

    Si les jeunes votent moins c’est avant tout parce qu’ils se sont émancipés par rapport au légitimisme du vote : quand les candidats ou les programmes ne conviennent pas, ils n’hésitent pas à s’abstenir. Chez leurs aînés il y a encore un attachement sentimental à certains partis et une forme d’habitude ancrée avec les années. Les jeunes jugent davantage sur pièce. Or les politiques menées ne leur sont pas favorables : leurs conditions de vie se sont dégradées, le passage à l’âge adulte et la prise d’autonomie sont de plus en plus difficiles. De ce point de vue, les jeunes ont une attitude très rationnelle vis-à-vis du vote, ce qui explique qu’ils décrochent plus vite que leurs aînés quand ça ne va pas.

    Quant aux classes populaires, qui effectivement s’abstiennent bien plus que les classes supérieures, leur attitude est tout à fait logique au regard des politiques menées depuis trente ans et plus particulièrement ces dix dernières années. Ces politiques ont toutes eu des effets contraires aux intérêts des plus pauvres. D’abord, leur incapacité à endiguer le chômage massif qui ravage notre pays depuis les années 1990 a surtout nuit aux ouvriers et aux employés. Ensuite, ils sont les grands perdants de l’augmentation des inégalités que les gouvernements successifs ont provoquée.

    Sous prétexte de compétitivité et de politique de croissance, ils ont appauvri et précarisé les salariés et offert un soutien sans faille aux grandes entreprises et à l’actionnariat français avec des effets bien réels. Ainsi, entre 2008 et 2012, alors que les 10 % les plus riches ont vu leurs revenus annuels augmenter, ceux des 40 % du bas de l’échelle ont connu une baisse annuelle de 400 à 500 euros.

    Or, cette montée des inégalités n’est pas un simple dommage collatéral ou un accident de parcours : La plupart des partis politiques institutionnels entretiennent sciemment un clientélisme oligarchique qui comporte deux volets. Un volet rhétorique qui consiste en la valorisation systématique des plus riches, entrepreneurs et actionnaires, sous prétexte de leur contribution décisive à la croissance, tandis que sont dévalorisés les plus pauvres, salariés et chômeurs, qui sont décrits comme “assistés” ou rétifs aux innovations.

    Et un volet pratique qui est la mise en place de manière plus ou moins visible d’une redistribution des richesses vers le haut et d’une destruction du modèle social et de services publics au bénéfice des grandes entreprises. On parle souvent des bénéfices des privatisations en termes d’allégement de la dette publique, mais on parle moins de ce qu’elles rapportent aux grandes entreprises qui s’en partagent les plus beaux morceaux, comme dernièrement avec les autoroutes françaises

    Face à un tel constat, comment s’étonner que les classes populaires majoritaires décident de ne plus créditer de leurs voix des partis politiques dominants qui appliquent tous des politiques contraires à leurs intérêts ? Quant aux alternatives possibles, elles ne sont guère convaincantes : le Front National ne se démarque pas fondamentalement de la doxa économique dominante et la gauche radicale reste chroniquement divisée. Il semble donc qu’à l’heure actuelle, l’abstention reste, hélas, un choix tout à fait rationnel pour tous les perdants des politiques oligarchiques, c’est-à-dire la grande majorité des Français.

    #abstention #élection

    • Unmaking War, Remaking Men: How Empathy Can Reshape Our Politics, Our Soldiers and Ourselves par #Kathleen_Barry (2010)

      One day at a beach Kathleen Barry witnessed an accidental death. Seeing how empathy drew together the bystanders – strangers until that moment – in shared human consciousness, she asked: ’Why do we value human lives in everyday moments but accept the killing in war as inevitable?’

      In Unmaking War, Remaking Men , Kathleen Barry explores soldiers’ experiences through a politics of empathy. By revealing how men’s lives are made expendable for combat, she shows how military training drives them to kill without thinking and without remorse, only to suffer both trauma and loss of their own souls. She turns to her politics of empathy to shed new light on the experiences of those who are invaded and occupied and shows how resistance rises among them.

      And what of the state leaders and the generals who make war? In 2001, a fateful year for the world, George W. Bush became President of the US; Ariel Sharon became Prime Minister of Israel; and Osama bin Laden became the de facto world terrorist leader. Analyzing their leadership and failure of empathy, Unmaking War, Remaking Men reveals a common psychopathology of those driven to ongoing war, first making enemies, then labeling them as terrorists or infidels.

      Kathleen Barry asks: ‘What would it take to unmake war?’ She scrutinizes the demilitarized state of Costa Rica and compares its claims of peace with its high rate of violence against women. She then turns to the urgent problem of how might men remake themselves by unmaking masculinity. She offers models for a new masculinity drawing on the experiences of men who have resisted war and have in turn transformed their lives into a new kind of humanity; into a place where the value of being human counts.

      http://www.kathleenbarry.net/books.htm

  • « Il faut être clair : un monde a pris fin, il n’y aura pas de retour en arrière »
    http://www.bastamag.net/Il-faut-etre-clair-un-monde-a-pris-fin-il-n-y-aura-pas-de-retour-en-arrier

    Pour combattre efficacement l’Etat islamique et son offre #Politique de mort et de désespoir, « nous devons réfléchir à la révolte qui est à la racine de ces crimes », suggère l’anthropologue Alain Bertho, qui prépare un livre sur « les enfants du chaos ». A la racine du mal, la fin des utopies, enterrée avec l’effondrement de tous les courants politiques progressistes. Le XXIe siècle aurait oublié l’avenir au profit de la gestion du risque et de la peur, indifférent à la colère des jeunes générations. Entre (...)

    #Décrypter

    / A la une, Politique, #Altermondialisme, Indignés de tous les pays..., #Entretiens, #Classes_populaires, Guerres et résolution des (...)

    #Indignés_de_tous_les_pays... #Guerres_et_résolution_des_conflits

    • Tous connaissent un déclic commun : une conversion, une rupture et la découverte d’une autre discipline de soi pour redonner un sens à leurs vies.
      La réussite d’une telle offre politique, celle de l’État islamique, tient au fait que, pour des gens déstabilisés, elle donne du sens au monde et à la vie qu’ils peuvent y mener. Elle leur donne même une mission.(...)
      Comme dit Slavoj Zizek : « Visiblement, il est plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme. » Pour les djihadistes, cette fin est proche dans un monde de chaos politique, moral, économique ou climatique. Le projet politique de Daech donne du sens à leur chemin vers la mort. Il leur propose un destin. À l’espoir de la #libération_individuelle_et_collective qui portait les mobilisations passées, ils ont substitué une problématique de fin du monde et de jugement dernier.
      Leur libération, c’est de mourir en martyr ! (...) « Il n’y a que les martyrs pour être sans pitié ni crainte et, croyez-moi, le jour du triomphe des martyrs, c’est l’incendie universel » , prophétisait Jacques Lacan en 1959. Nous y sommes.(...)

      Ils ne font pas la guerre pour créer un État, comme lors d’une lutte pour l’indépendance : ils créent un « État » pour faire la guerre. L’État islamique n’a aucune vision de la paix sinon le triomphe final du califat contre des ennemis de plus en plus nombreux. Mais depuis 2001, l’idée de « paix comme but de guerre » (vieille conception clausewitzienne) n’a déjà plus cours chez les grandes puissances embarquées dans une « guerre sans fin » contre le terrorisme. Quels sont les buts de guerre ou les objectifs de paix de la coalition en Syrie ou en Irak ? On n’en sait rien. Le djihadisme nous a entraînés sur son propre terrain.(...)
      Avec l’effondrement du communisme et la clôture de toute #perspective_révolutionnaire, c’est l’avenir qu’on a perdu en route. C’est l’idée du possible qui s’est effondrée. Nous ne sommes plus dans une démarche historique. On ne parle plus d’#avenir mais de #gestion du risque et de probabilité. On gère le quotidien avec des responsables politiques qui manipulent le risque et la peur comme moyens de #gouvernement(...)
      A-t-on bien réfléchi à ce que pouvait être la figure d’une révolte sans espoir ? Ces rages radicales sont aujourd’hui devant de telles impasses qu’elles ouvrent la porte à des offres politiques de mort (...)
      La classe politique est complètement investie dans l’espace du pouvoir et de l’#État et coupée du reste de la société, en décalage total, quel que soit le parti. La #politique n’est plus une puissance subjective capable de rassembler et d’ouvrir des possibles.
      Le poids et la force du mouvement ouvrier reposaient sur sa capacité à agréger des populations variées, notamment immigrées, dans un espoir commun. La fin des #collectifs, de la notion de classes sociales, de l’idée qu’il existe un « nous » a presque fait disparaître la conscience commune d’une action encore possible. (...)
      C’est la politique comme mobilisation populaire et construction du #commun que nous avons perdue et qu’il nous faut retrouver. Quitte à provoquer un peu, je dirai que l’urgence, aujourd’hui, c’est moins la « déradicalisation » et l’hégémonie des marches militaires sur le débat politique que la montée d’une autre radicalité, une radicalité d’espérance collective qui tarisse à la source le recrutement djihadiste. Il nous faut retrouver le sens du futur et du possible, et résister au piège de la mobilisation guerrière que nous tendent les terroristes.

      #Alain_Bertho

    • Nous avons un problème avec la clôture du XXe siècle et l’effondrement du communisme. La fin du communisme, ce n’est pas seulement la fin de régimes et d’institutions en Europe de l’Est et en Russie, c’est un ensemble de références culturelles qui s’écroule, communes à tous les courants politiques progressistes. Malgré la réalité policière et répressive des régimes communistes « réels », un changement de société était, à l’époque, encore perçu comme possible et s’inscrivait dans une démarche historique, une idée du progrès. L’avenir se préparait aujourd’hui. L’hypothèse révolutionnaire qui a ouvert la modernité (la Révolution française) a été une référence politique commune à ceux qui voulaient la révolution comme à ceux qui lui préféraient des transitions pacifiques et « légales » Avec l’effondrement du communisme et la clôture de toute perspective révolutionnaire, c’est l’avenir qu’on a perdu en route. C’est l’idée du possible qui s’est effondrée. Nous ne sommes plus dans une démarche historique. On ne parle plus d’avenir mais de gestion du risque et de probabilité [5]. On gère le quotidien avec des responsables politiques qui manipulent le risque et la peur comme moyens de gouvernement, le risque sécuritaire comme le risque monétaire (la dette), qui parlent beaucoup du réchauffement climatique mais sont incapables d’anticiper la catastrophe annoncée.

      Les jeunes, ceux qui incarnent biologiquement, culturellement et socialement cet avenir de l’humanité, font les frais de cette impasse collective et sont particulièrement maltraités. Les sociétés n’investissent plus dans leur futur, l’éducation ou les universités. La jeunesse est stigmatisée et réprimée. Des pays du monde entier, du Royaume-Uni au Chili en passant par le Kenya, sont ainsi marqués depuis des années par des mobilisations étudiantes parfois violentes contre l’augmentation des frais d’inscription dans les universités. Partout, des morts de jeunes impliquant des policiers génèrent des émeutes : regardez les émeutes de Ferguson ou de Baltimore, aux Etats-Unis ; les trois semaines d’émeutes en Grèce, en décembre 2008, après le meurtre par deux policiers du jeune Alexander Grigoropoulos ; ou les cinq jours d’émeutes en Angleterre après la mort de Mark Duggan en 2011. Pour ces quelques émeutes médiatiquement visibles, il y en a des dizaines d’autres (lire notre article « L’augmentation des émeutes : un phénomène mondial »). Une société qui n’arrive plus à s’inventer pousse les gens vers des mobilisations de désespoir et de rage.

  • #ALAIN_BADIOU : penser les #meurtres_de_masse

    Le lundi 23 novembre, Alain BADIOU était au Théâtre de la Commune. Le philosophe y a donné une conférence exceptionnelle suite aux #attentats du 13 novembre à Paris. Après la version vidéo, Là-bas si j’y suis publie en exclusivité le texte d’Alain BADIOU qui paraitra prochainement aux éditions Fayard sous le titre Notre mal vient de plus loin.


    http://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/alain-badiou-penser-les-meurtres-de-masse-du-13-novembre-version-texte

    • J’ai pas encor lu mais une rapide recherche m’indique qu’il n’y a aucune mention de genre, sexe, masculinité ni virilité dans cette analyse. Il y a une mention des femmes, une seule dans tout le texte qui fait 3 km, et elles sont comparé a des voitures. Et ce philosophe ne fait aucune remarque la dessus, comme si en matière de sexe et de genre, il pensait comme Daech qu’on peu énumérés les femmes avec les voitures.

      Ce qui m’intéresse ici, c’est ce que cette subjectivité fascisante propose aux jeunes. Après tout les tueurs de janvier comme ceux de novembre sont des jeunes, ce sont des jeunes d’ici. Ce sont des jeunes hommes entre vingt et trente ans, majoritairement issus de l’immigration ouvrière, à la deuxième ou troisième génération. Ces jeunes se considèrent comme sans perspective, sans une bonne place qu’ils pourraient occuper. Même ceux qui sont un peu éduqués, qui ont le bac, sont dans cette vision des choses : pas de place pour eux, pas de place en tout cas conforme à leur désir. Ces jeunes se voient donc à la marge à la fois du salariat, de la consommation et de l’avenir. Ce qu’alors leur propose la fascisation (qu’on appelle stupidement, dans la propagande, une « radicalisation », alors que c’est une pure et simple régression) est un mélange d’héroïsme sacrificiel et criminel et de satisfaction « occidentale ». D’un côté, le jeune va devenir quelqu’un comme un mafieux fier de l’être, capable d’un héroïsme sacrificiel et criminel : tuer des occidentaux, vaincre les tueurs des autres bandes, pratiquer une cruauté spectaculaire, conquérir des territoires, etc Cela d’un côté, et de l’autre, des touches de « belle vie », des satisfactions diverses. Daech paye assez bien l’ensemble de ses hommes de main, beaucoup mieux que ce qu’ils pourraient gagner « normalement » dans les zones où ils vivent. Il y a un peu d’argent, il y a des femmes, il y a des voitures, etc. C’est donc un mélange de propositions héroïques mortifères et, en même temps, de corruption occidentale par les produits. Et ça, c’est un mélange consistant qui a toujours été au fond, l’une des caractéristiques des bandes fascistes.

      Je ne pense pas que je vais perdre mon temps avec la lecture de ce texte qui sent fort le vieux patriarche prostatique. Comme d’hab 50% de l’humanité est un impensé. Marre de la #phallosophie

    • Il ne s’agit pas de révérer Badiou (oh non, jamais), et ce texte lui même n’est pas exempt de difficultés (...) mais je te signale @mad_meg qu’il cite la formule de DSK et ses amis, sans la lui attribuer explicitement, de « matériel humain », avec les "" après avoir évoqué la fonction politique du PS. C’est malgré tout l’un des textes (ici transcrit, c’est beaucoup moins chiant que l’audition)
      http://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/alain-badiou-penser-les-meurtres-de-masse-du-13-novembre-version-texte

      les plus utile pour comprendre ce qui ce passe, avec celui de Bertho, il me semble. Même si, l’esquisse d’approche en terme de pulsion et de #subjectivité qu’il propose loupe totalement la réassurance virile, et le (re)partage des sexes sous l’égide d’une réaffirmation de la domination masculine qui est aussi en cause ici, de part et d’autre.
      Et puis, il y a Phèdre :)

  • Des ouvrières rescapées du Rana Plaza créent leur propre coopérative textile - Basta !
    http://www.bastamag.net/Des-ouvrieres-rescapees-du-Rana-Plaza-creent-leur-propre-cooperative-texti
    http://www.bastamag.net/IMG/arton5198.jpg?1445944979

    Des ouvrières rescapées du Rana Plaza créent leur propre coopérative textile

    par Axelle de Russé, Elsa Fayner 13 novembre 2015

    Il y a eu les 1 135 morts et les milliers de blessés de l’effondrement du Rana Plaza, au Bangladesh. Puis les engagements des multinationales de l’habillement, leurs codes de conduite et leurs chartes éthiques. Enfin, des centaines d’inspections aboutissant à la fermeture de nombreux ateliers textiles aux conditions de travail indignes. Une quarantaine d’ouvrières et d’ouvriers, traumatisés par le drame, ont décidé de ne pas en rester là et de créer leur propre coopérative textile : Oporajeo, les invincibles, en bengali. Mais les clients européens en quête de fournisseurs alternatifs sont rares, et la coopérative peine à remplir son carnet de commandes. Reportage à Dacca.

    Shirin pensait ne plus jamais pouvoir retravailler après l’effondrement du Rana Plaza. Non pas à cause de sa blessure au thorax, qui l’étreint toujours, mais parce qu’elle avait peur. Peur de tout : du simple bruit des machines à coudre, de la seule évocation des termes « travail », « immeuble », raconte la fine jeune femme au regard franc dans son sari bleu. À 18 ans, elle aurait pu rester prostrée chez elle, dans ce quartier de Savar où vivent la plupart des rescapés, tous ces voisins qui, autrefois, se rendaient au matin dans cette grande usine qui bordait la route, ce haut bâtiment dans lequel œuvraient cinq sous-traitants pour des dizaines de marques occidentales. Sur les 3 000 ouvriers qui travaillaient là, en majorité des femmes, plus de 1 000 sont morts, et 2 000 ont été blessés (voir le dossier qu’y consacre notre Observatoire des multinationales).

    En juin 2015, le Comité de coordination du Rana Plaza (CCRP), présidé par l’Organisation internationale du travail (OIT), a annoncé avoir levé les fonds nécessaires pour verser l’intégralité des indemnités dues aux victimes. Des actions de formation et de reclassement ont été entamées. Mais tous les survivants n’en ont pas profité, trop atteints dans leur corps ou trop déprimés. D’ailleurs, quand Shirin a entendu parler d’Oporajeo, elle a d’abord écarté la possibilité avec lassitude. Plus de force. Puis, en se laissant le temps d’y réfléchir, elle a décidé de s’y rendre « une journée, pour voir ». Un détail la rassurait : le bâtiment ne comportait que un étage, il risquait moins de s’écrouler. Elle y est finalement restée pour la « bonne ambiance » et pour « l’administration sympathique ».

  • Allen Toussaint est mort
    http://entrelesoreilles.blogspot.fr/2015/11/elo208-marche-de-la-dignite-et-contre.html

    On nous avait déjà fait le coup de nous consoler de la mort de Eddy Louiss en nous annonçant celle de Charles Pasqua. Voici que le Sarkozyste André Glucksmann casse sa pipe juste pour nous faire rigoler.... mais nous n’avons pas le coeur à rire après la disparition de l’un des plus grand compositeurs du XXème siècle, le Néo-Orléanais Allen Toussaint... Récemment, on avait pu apercevoir son élégance et son toucher de piano dans la série Tremé. En tournée en Europe, il avait donné un concert à Madrid lundi soir, et il est mort juste après, à tout juste 77 ans...

    Quelques heures avant de mourir, il avait l’air en forme :

    Get Out of My Life, Woman :
    https://www.youtube.com/watch?v=HMCk-fW67K8

    Play Something Sweet (son dernier morceau) :
    https://www.youtube.com/watch?v=5FwBfimGbPU

    Après avoir écrit pour les autres (il a publié sous son nom aussi, mais avec moins de succès) une floppée des meilleurs titres de la Nouvelle Orléans ("Ruler of My Heart," "Working in the Coal Mine," "Ride Your Pony," "Fortune Teller," "Southern Nights," "Get Out of My Life, Woman," "Sneaking Sally Through the Alley", "Mother-in-Law", "Who’s Gonna Help Brother Get Further ?", "From A Whisper To A Scream", "Yes We Can Can", “Everything I Do Gonh Be Funky (From Now On)”, "A Certain Girl," "Tain’t it the Truth," "Te-Ta-Te-Ta-Ta", "I Like it Like That," "All These Things," "Lipstick Traces", "It’s Raining", "Working in the Coal Mine", "Holy Cow"...), en avoir produit des tonnes (pour Irma Thomas, Aaron Neville, Art Neville, the Neville Brothers, Labelle, Dr. John, the Meters, The Wild Tchoupitoulas, Paul McCartney, Joe Cocker, Glen Campbell, Ernie K-Doe, Chris Kenner, Lee Dorsey, Jessie Hill, Benny Spellman, Al Hirt, Elvis Costello, Eric Clapton...), avoir arrangé des lignes de cuivres historiques (pour The Band, Paul Simon, Elvis Costello, Hugh Laurie...), avoir découvert des musiciens fabuleux, l’ouragan Katrina l’avait chassé de sa ville.

    Temporairement réfugié à New-York, il en profitait pour donner un récital de ses morceaux préférés, qu’il interprètait seul au piano, et ça m’a permis de découvrir aussi un excellent interprète, d’une gentillesse exquise entre les morceaux... Voici "Who’s Gonna Help Brother Get Further ?", extrait de ce Songbook Live, l’un de ses titres les plus engagés politiquement :

    https://www.youtube.com/watch?v=VBvolXWOaxs

    Allen Toussaint a arrangé les cuivres pour The Band, faisant passer leur musique à un niveau supérieur. Pour leur dernier concert, The Last Waltz, il ré-arrange même les cuivres pour leurs vieux morceaux :

    Don’t Do It (de Marvin Gaye), par The Band en 1976, cuivres arrangés par Allen Toussaint, le dernier morceau jamais joué live par le Band au complet :
    https://www.youtube.com/watch?v=feEBEpDLTKI

    Allen Toussaint n’a pas eu autant de succès avec ses propres interprétations qu’avec celles qu’il a offertes aux autres. Pourtant on trouve des perles, comme ce funk lent avec sa voix de velours :

    Fingers and Toes
    https://www.youtube.com/watch?v=J0dUQ36tKK8

    Repris en acoustique par Eli Paperboy Reed pour lui rendre hommage :
    https://www.youtube.com/watch?v=pkpNF14fw3Q

    Une heure sur Allen Toussaint à la BBC :
    https://www.youtube.com/watch?v=mLMI5Oag1nY

    Quelques articles en français :
    http://seenthis.net/messages/427176
    http://www.soulbag.fr/news/index/type/news/id/3282
    http://next.liberation.fr/musique/2015/11/11/allen-toussaint-fermeture_1412668

    En anglais (par David Simon, l’un des créateurs de la série Tremé) :
    http://seenthis.net/messages/427134

    Allez, et un petit dernier, From A Whisper To A Scream, écrit par Allen Toussaint, et chanté par Esther Phillips :
    https://www.youtube.com/watch?v=vctkqYSLLLU

    #Allen_Toussaint #Musique

  • Allen Toussaint (1938-2015)
    http://davidsimon.com/allen-toussaint-1938-2015

    I woke this empty morning to the sudden departure of a great and good man. There will be many better, more comprehensive tributes today from musicians, music lovers and New Orleanians who knew him well, so don’t stop here without going further to celebrate Allen Toussaint’s life. I met him on only a handful occasions and then only in a professional setting; others can attest to so much more. But there are a couple of warm anecdotes that I treasure and that ought to be added to the day’s reflections on a gentle, giving soul and one of the finest composers who ever created American music. Source: The Audacity of (...)

    • New Orleans songwriter, musician Allen Toussaint dead at 77 - World Socialist Web Site

      http://www.wsws.org/en/articles/2015/11/12/tous-n12.html

      New Orleans songwriter, musician Allen Toussaint dead at 77
      By Hiram Lee
      12 November 2015

      The influential New Orleans songwriter and record producer Allen Toussaint died November 10 at the age of 77. On tour at the time of his death, Toussaint suffered a heart attack following a performance at the Teatro Lara in Madrid, Spain.

      Active since the late 1950s, Toussaint had experienced a career revival in recent years. He was touring and recording regularly and, after a lifetime behind the scenes, had begun to receive greater public recognition. A 2006 album with Elvis Costello, The River in Reverse, was a strong outing. The Bright Mississippi (2009) was an impressive tribute to (mostly) early New Orleans jazz. In 2013, he released Songbook, featuring new recordings of many of his classic rhythm and blues songs.

    • La France qui va mal est populaire et celle dont on entend la plainte est aisée. Elle croule sous l’« assommoir fiscal », paraît-il. En réalité, les impôts ont augmenté entre 2011 et 2013, dans une proportion très inférieure à la baisse enregistrée entre 2000 et 2010 [7]. L’opération de construction du ras-le-bol fiscal a réussi au-delà des espérances de ses promoteurs avec le soutien de la majeure partie des journalistes français [8]. La démagogie des baisses d’impôts n’a pas attendu longtemps avant de faire son retour, faisant passer au second plan la réponse aux besoins sociaux.

      Le Monde : retour du ras-le-bol fiscal ?
      http://www.arretsurimages.net/breves/2014-09-09/Le-Monde-retour-du-ras-le-bol-fiscal-id17897

      Finalement, on découvre que le nombre de foyers qui ont vu leurs impôts augmenter cette année a baissé : ils sont 37% contre 44% l’an passé. À l’inverse, précise le quotidien, « 35 % ont vu leur impôt baisser, contre 24,5 % en 2013. Au total, 8 % des foyers fiscaux imposables en 2013 ne le sont plus en 2014, tandis que 4 % des foyers non imposés en 2013 le sont devenus ». Mais ces contribuables n’ont – pas encore – été interrogés par Le Monde.

  • #MSF : « L’attaque de #Kunduz avait pour objectif de tuer et de détruire » - Libération
    http://www.liberation.fr/planete/2015/11/05/msf-l-attaque-de-kunduz-avait-pour-objectif-de-tuer-et-de-detruire_141140
    http://md1.libe.com/photo/814113-000_del6449086.jpg?modified_at=1446724015&width=750

    L’ONG a compilé les informations recueillies sur place avant, pendant et après l’attaque auprès de son personnel. Ce rapport chronologique (reproduit en intégralité ci-dessous) détaille, « du point de vue de la victime », la vie quotidienne du centre hospitalier spécialisé dans le traitement des traumatismes violents, qui s’occupait d’une centaine de patients, combattants talibans compris. Deux d’entre eux semblaient être d’un rang important dans la hiérarchie talibane. « Cette attaque a détruit nos capacités à traiter des patients au moment où ils en avaient le plus besoin », déplore le Dr Joanne Liu, présidente internationale de MSF.
    Les Américains étaient informés

    L’ONG, inquiète de la recrudescence des combats autour de Kunduz, avait pourtant bien communiqué à nouveau, le 28 septembre, soit cinq jours avant l’attaque, ses coordonnées GPS aux gouvernements afghan et américain, rappelant l’obligation de respecter les structures médicales.

    Puis, le vendredi 2 octobre, les employés accrochaient deux nouveaux drapeaux sur le toit. Le samedi, après une soirée calme, sans aucun combat dans les environs, « les frappes américaines ont commencé entre 2 heures et 2h08 du matin ». Pendant une heure, l’hôpital alerte en vain les autorités afghanes et américaines. L’attaque prendra fin peu après 3 heures, laissant plus de trente morts dans les décombres.

    Le rapport de MSF sur l’attaque de Kunduz, à lire ci-dessous (en anglais).

    #assassinat #crimes_de_guerre

  • The latest sign of Greece’s decay: children’s teeth
    http://www.reuters.com/investigates/special-report/greece-teeth

    Greek children now have some of the worst dental health in Europe. It is a measure of the country’s economic depression [sic], and could be storing up more problems for the future

    #santé_dentaire #grèce #inégalités merci l’#europe

  • The Fallout From The Greek Crisis Threatens European Democracy - Forbes
    http://www.forbes.com/sites/francescoppola/2015/10/24/the-portuguese-presidents-decision-shows-the-eu-is-becoming-like-the-soviet-union/3

    A propos du Portugal et de la Grèce

    Such dramatic collapses are greeted with joy at the time, but history teaches us that the fall of empires is inevitably followed by traumatic economic and political restructuring. It can be many decades – or even centuries – before peace and prosperity are restored.

    Those who want to believe that systematic denial of democracy in European states will eventually lead to the creation of a peaceful and democratic United States of Europe are deluding themselves. Denial of democracy cannot possibly bring about democracy. Nor can it create peace. When the Euro eventually fails – as it must – Europe will be once again plunged into chaos. And the longer the Euro takes to fail, and the more repressive the institutions dedicated to preserving it become, the more disastrous its eventual failure will be.

    We should wind this monstrosity up. Now. Before it destroys us all.

    #Portugal #Grèce #Tchécoslovaquie #URSS #Union_européenne #euro

  • Mort de Rémi Fraisse : l’enquête bâclée de la gendarmerie
    http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2015/10/23/mort-de-remi-fraisse-l-enquete-baclee-de-la-gendarmerie_4795289_1653578.html

    Les enquêtes sur les violences policières avancent souvent lentement. Pour celle sur la mort de Rémi Fraisse, 21 ans, tué il y a un an par un gendarme à Sivens (Tarn), c’est pire : elle recule. Le Monde a pu prendre connaissance du retour de commission rogatoire déposé en mars par l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) sur le bureau de la juge Anissa Oumohand, chargée de l’instruction ouverte pour « violences par une personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».

    Pour l’essentiel, les gendarmes n’ont pas enquêté sur les faits, mais sur le climat qui régnait sur la ZAD (zone à défendre) du projet de barrage de Sivens dans les semaines qui les ont précédés – dont la violence justifierait la réplique de la nuit du 25 au 26 octobre – et sur la personnalité de la victime – totalement et irrémédiablement pacifique.

  • #Privatisations grecques : les entreprises françaises à l’affût
    http://multinationales.org/Privatisations-grecques-les-entreprises-francaises-a-l-affut

    Le président français François Hollande est en visite officielle en #Grèce, avec dans ses bagages les dirigeants d’Alstom, #Vinci ou encore #Suez_environnement. Autant d’entreprises intéressées à profiter du programme de privatisations imposé au pays cet été par ses créanciers. Cet été, durant les négociations entre la Grèce et ses créanciers, François Hollande et le gouvernement français ont affiché avec beaucoup de complaisance le « soutien » qu’ils apportaient au gouvernement d’Alexis Tspiras, en cherchant à (...)

    Actualités

    / #Le_Monde, Grèce, #France, Suez environnement, Vinci, #Alstom, Privatisations, #Eau_et_assainissement, #BTP, #Eau, #privatisation, #influence, #infrastructures, (...)

    #eau
    « http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/10/23/la-france-convoite-la-manne-des-actifs-publics-grecs_4795585_3234.html »
    « http://www.bastamag.net/Quand-Francois-Hollande-encourage »

  • Rendre visible la révolution sociale, Samuel Hayat
    http://www.liberation.fr/debats/2015/10/22/rendre-visible-la-revolution-sociale_1408141

    Pour faire pièce aux discours conservateurs, il ne suffit pas de faire valoir la possibilité d’une insurrection à venir : ce n’est plus le fait révolutionnaire en tant que tel qui est nié, mais son pouvoir émancipateur, sa capacité à modifier en profondeur la société. Cependant, tout le problème, pour qui veut retrouver le sens de la #révolution_sociale et la rendre à nouveau désirable, est que la révolution sociale n’a ni la même temporalité ni le même sujet que la révolution politique. Une révolution politique est réalisée par des acteurs bien définis et dans un temps donné, celui du renversement d’un gouvernement puis de la réorganisation de l’appareil d’Etat. Au contraire, la révolution sociale est le résultat d’un certain travail de la société sur elle-même, de ce que Cornelius Castoriadis appelle un mouvement d’auto-institution de la société. Ce mouvement n’est pas toujours visible, bien qu’il s’incarne dans l’action concrète de femmes et d’hommes. La révolution sociale peut même parfois ne pas passer par le renversement d’un gouvernement : on peut penser au féminisme, par exemple, qui a entièrement reconfiguré (et modifie encore) les rapports de genre, sans pourtant être passé par un épisode insurrectionnel - ce qui rend son caractère révolutionnaire d’autant plus facile à nier pour les défenseurs du patriarcat. Penser la révolution sociale contre les discours conservateurs, c’est donc avant tout donner à voir les mouvements, parfois considérés comme mineurs, qui tentent de mettre en échec les rapports de domination existants, en particulier (mais pas seulement) lorsque ces mouvements deviennent suffisamment intenses et convergents pour faire tomber des gouvernements - une étape dans le processus révolutionnaire et non son aboutissement.

  • Eurozone crosses Rubicon as Portugal’s anti-euro Left banned from power - Telegraph
    http://www.telegraph.co.uk/finance/economics/11949701/AEP-Eurozone-crosses-Rubicon-as-Portugals-anti-euro-Left-banned-from-po

    Après l’écrasement de l’essai grec, tuer dans l’œuf les moindres velléités portugaises - le néo-libéralisme en mode post-démocratique - autoritaire

    Mr Cavaco Silva is effectively using his office to impose a reactionary ideological agenda, in the interests of creditors and the EMU establishment, and dressing it up with remarkable Chutzpah as a defence of democracy.

    The Portuguese Socialists and Communists have buried the hatchet on their bitter divisions for the first time since the Carnation Revolution and the overthrow of the Salazar dictatorship in the 1970s, yet they are being denied their parliamentary prerogative to form a majority government.

    This is a dangerous demarche. The Portuguese conservatives and their media allies behave as if the Left has no legitimate right to take power, and must be held in check by any means.

    These reflexes are familiar – and chilling – to anybody familiar with 20th century Iberian history, or indeed Latin America. That it is being done in the name of the euro is entirely to be expected.

    Greece’s Syriza movement, Europe’s first radical-Left government in Europe since the Second World War, was crushed into submission for daring to confront eurozone ideology. Now the Portuguese Left is running into a variant of the same meat-grinder.

    Europe’s socialists face a dilemma. They are at last waking up to the unpleasant truth that monetary union is an authoritarian Right-wing enterprise that has slipped its democratic leash, yet if they act on this insight in any way they risk being prevented from taking power.

    Brussels really has created a monster.

    #euro #Union_Européenne #Portugal #dette

  • Bernard Aspe, Partage de la nuit - Deux études sur Jacques Rancière
    http://www.editions-nous.com/aspe_partagedelanuit.html

    Si Jacques Rancière est aujourd’hui l’un des philosophes les plus lus et traduits, il n’existe à ce jour que de rares #livres sur son œuvre, presque tous publiés à l’étranger. En articulant les deux axes fondamentaux de sa pensée — politique et esthétique — Partage de la nuit propose une analyse aussi claire que radicale des enjeux de la philosophie de #Jacques_Rancière, avec laquelle le travail de #Bernard_Aspe ne cesse de dialoguer.

    • Sans doute aujourd’hui ne le voyons-nous plus clairement, mais pendant bien longtemps, la nuit était ce moment où, l’activité laborieuse enfin interrompue, il devenait possible de se consacrer à des activités auxquelles on n’était pas destiné — par exemple : écrire, ou peindre, alors qu’on était #ouvrier. Mais la nuit était aussi autre chose : ce temps délivré du travail contraint où l’on pouvait préparer une #lutte, formuler des revendications, ou cultiver le sentiment d’une camaraderie qui se renforce. L’œuvre de Jacques Rancière nous parle de cette nuit, qui mêle le combat #politique et la découverte de nouvelles formes de vie.

      Elle rend aussi indissociables la politique et l’#esthétique. Pour concevoir cette indissociabilité, il faut d’abord comprendre que la politique n’est pas l’art de gouverner, et que l’esthétique n’est pas une discipline académique. L’art et la politique ont tous deux en leur cœur la mise au jour d’une vie qui serait délivrée de la soumission et de l’exploitation, et qui pourrait ainsi se tourner vers l’affirmation d’un bonheur égalitaire. On aurait tort cependant d’en conclure qu’ils peuvent se confondre — il faut au contraire garder en vue ce qui les distingue. Ainsi seulement pouvons-nous saisir que le nouage le plus profond entre l’esthétique et la politique est leur caractère proprement #révolutionnaire.

      Les 15 premières page de ce #livre :
      http://www.editions-nous.com/pdf/aspe_partage.pdf

      D’autres textes de Bernard Aspe, dont des livres disponibles en ligne, car il me semble que les tags sur son nom fonctionnent moyennement.

      http://seenthis.net/messages/276216
      http://seenthis.net/messages/250604
      http://seenthis.net/messages/229959
      http://seenthis.net/messages/154162
      http://seenthis.net/messages/62993

  • https://www.facebook.com/KalpHerZamanSoldanAtarr/videos/917872208260652

    Le leader du parti d’opposition de gauche, Selahattin Demirtaş, pose quelques questions très simples, extraits :

    « Pourquoi la police a-t-elle lancé du gaz lacrymogène, sur la place, sur les blessés, sur les survivants ? Pourquoi a-t-elle fait usage des canons à eau, juste après l’explosion ? Quel est cet Etat, quel est ce gouvernement qui lance du gaz sur des personnes blessées, des personnes tuées, des personnes déchirées en mille morceaux ? Vous avez matraqué les survivants, vous avez braqué vos canons à eau sur eux (…) Vous ne demandez pas pardon, vous nous assurez qu’il n’y avait aucune faille de sécurité (…) Vous êtes tout à fait capable d’identifier quelqu’un, venir l’interpeller à son domicile, le mettre illico en prison pour avoir écrit un tweet critiquant le président, pour avoir lancé un slogan contre le président. Vous savez très assurer votre propre protection. Mais quand il s’agit de protéger le peuple, vous n’êtes pas là, vous vous en fichez.

    L’autre jour à Rize (nord de la Turquie), il y a eu un meeting pour soutenir le président, organisé avec le soutien, l’aide des forces de l’Etat, c’était le meeting d’un leader de la mafia, extrêmement bien sécurisé par les forces de l’ordre. Et aujourd’hui, on nous dit « mais non, vous ne pouvez, vous ne devez pas critiquer l’Etat. Pourquoi ? Il est sacré l’Etat ? (...) Je suis désolé, mais les plus grands meurtriers du monde sont souvent les états. Des meurtriers en série. Très souvent les états commettent des crimes et camouflent leurs méfaits. Dire cela ne fait pas de nous des ennemis du peuple, au contraire. Cet Etat n’est pas sacré, il n’est pas descendu du ciel, on a le droit de le critiquer. Ce qui est sacré, c’est vous, c’est nous, c’est l’humain. »

    #HDP #S.Demirtas #Ankara #AKP

  • L’illusion de l’État social : entretien avec Joachim Hirsch
    http://revueperiode.net/lillusion-de-letat-social-entretien-avec-joachim-hirsch

    On assiste aujourd’hui à un regain d’intérêt pour les théories de l’État proposées par Gramsci ou Poulantzas. C’est cependant sur une autre tradition, largement méconnue en France, que revient ici Joachim Hirsch : celle de la « dérivation de l’État » – il s’agit d’aborder la forme politique spécifique que prennent la domination de classe et l’abstraction marchande dans la société bourgeoise. Contre toute illusion réformiste, Hirsch rappelle ainsi que l’État n’est pas un instrument neutre, mais un moment essentiel de l’accumulation capitaliste. À ce titre, il reste le lieu de conflits mettant en jeu la reproduction même de la société. 

    #Uncategorized #Etat #forme-valeur

    • [...] l’État n’est ni un sujet propre ni un instrument neutre qui puisse être utilisé à souhait par un groupe dominant ou une classe, comme l’ont affirmé par exemple les théories critiques du pluralisme ou encore la théorie du capitalisme monopoliste d’État. Il constitue plutôt une composante structurelle du rapport de production capitaliste lui-même, sa forme spécifiquement politique.

      Jusque là tout va bien, mais ça s’emberlificote juste après :

      Les rapports de classe et d’exploitation capitalistes sont constitués de telle sorte que la classe dominante sur le plan économique ne peut pas dominer directement sur le pan politique. Sa domination doit ainsi d’abord se réaliser par la médiation d’une instance relativement distanciée des rapports de classes : l’État. En même temps, l’État reste soumis à la logique structurelle et fonctionnelle de la société capitaliste. Il n’est pas une instance qui existerait hors du capital. L’État bourgeois est ainsi un État de classe sans être directement l’instrument d’une classe. Et c’est bien cette « particularisation » ou « relative autonomie » de l’État qui se trouve à la base de l’illusion étatique.

      Encore une fois, comme dans tout le marxisme traditionnel, le rapport capitaliste fondamental est rabattu sur un phénomène dérivé, une réalité certes fort désagréable et qui mérite d’être combattue, mais qui n’est que secondaire, dérivée : le rapport capitaliste fondamental, c’est la production marchande en soi, d’où émerge nécessairement des rapports conflictuels de classe, un antagonisme qui n’a de sens que parce que le rapport sous-jacent est en quelque sorte « naturalisé ». Cela explique plus surement la permanence de l’État et de son caractère « inutilisable » dans le cadre d’une lutte contre le capitalisme, que le fait que les bourgeois en tant que classe se cacheraient derrière un artefact dont la dynamique leur échapperaient plus ou moins partiellement.

      L’État dérive de la production marchande, de la même façon que la lutte des classes. Le rapport de dérivation ne peut être entre deux phénomènes eux-mêmes dérivés. Ça veut aussi dire que l’on ne peut parler d’État et de lutte des classes dans les sociétés pré-capitalistes sans faire une erreur logique et historique qui consiste à rétro-projeter les catégories spécifiquement capitalistes sur des sociétés passées qui ne l’étaient pas. Cette erreur est aussi un fondement de l’impossibilité de penser vraiment des issues au capitalisme puisqu’elle consiste à « éternaliser » ses catégories. On ne se donne ainsi pas non plus les moyens de penser la spécificité des dominations pré-capitalistes (qui pouvaient être tout aussi dégueulasses) et donc d’anticiper correctement le fait que la fin de la domination capitaliste (sans sujet, impersonnelle) pourrait faire advenir d’autres saloperies et ne pas être une voie vers l’émancipation.

  • Lettre d’un collectif d’enseignants du collège G. Budé sur la situation des migrants et réfugiés du lycée J. Quarré
    https://twitter.com/leclown/status/652090611856752640

    Monsieur Carenco, Madame Hidalgo, Monsieur Dagnaud,

    Il y a des moments où la situaton réclame que certains trent la sonnete d’alarme. En tant que voisins de l’ancien lycée Jean Quarré, témoins jour après jour de l’évoluton de la situaton des 750 #migrants et #réfugiés qui y habitent depuis le mois de juillet, situaton qui ne cesse de se dégrader et qui exige une acton d’urgence humanitaire. En tant qu’enseignants, qui tentons de transmetre au quotdien les valeurs qui fondent notre vie en commun et le sens que nous atribuons à la vie décente.
    Nous poussons à votre adresse un cri d’alarme, mêlé d’écœurement devant tant d’atentisme ; un cri de colère aussi, qu’on fasse si peu quand on a les moyens de faire tant, et d’inquiétude devant une situaton qu’on laisse pourrir et qui donne tous les signes de drames à venir.

    Quelques faits à porter à votre réfexion. Hier soir, lundi 5 octobre à 19h30 en sortant d’un conseil pédagogique, nous avons constaté qu’il n’y avait pas d’électricité dans le lycée. Nous avons vu aussi les poubelles accumulées. Et nous avons ensuite appris que la nourriture était manquante ce soir-là. Vous qui prévoyez de reloger 80 migrants, imaginez-vous ce que peut être une distributon de nourriture de 750 personnes sans aucune organisaton ? Les bonnes volontés citoyennes sur lesquelles la puissance publique dont vous avez la charge s’est défaussée depuis le début, au prétexte qu’il ne doit pas y avoir de regroupements de réfugiés visibles, ne sufsent plus manifestement.
    Qu’avez-vous fait pour subvenir aux besoins premiers de ces 750 nouveaux habitants du 19e arrondissement ? Avez- vous répondu à la demande de subventon d’ « Une Chorba pour tous » ? Avez-vous l’intenton de faire en sorte de rétablir l’électricité ? Avez-vous l’intenton d’installer des toiletes dans la cour ? Allez-vous rétablir le ramassage des poubelles ? Combien de collectes nous faudra-t-il organiser entre citoyens pour apporter un peu de nourriture aux réfugiés et sans- papiers du lycée ?
    Les associatons entrent et agissent, les bénévoles entrent et agissent, les voisins entrent et agissent, les enseignants entrent ; et la Mairie, que fait-elle ?
    A quel point faudra-t-il qu’ils aient faim pour que vous acceptez de faire face à l’Histoire ?
    Parce que nous constatons votre inacton chaque jour, nous sommes alarmés quant à la manière dont va se passer l’#expulsion des lieux prévue le 25 octobre. Nous vous rappelons que, tant au Conseil municipal du 14 septembre qu’à la réunion publique du 15 septembre et lors des rencontres avec le collectf Solidarité Migrants Place des Fêtes, vous avez pris l’engagement que personne ne serait mis dehors sans relogement. Que faites-vous aujourd’hui, M. Dagnaud, vous qui avez déclaré vouloir « organiser les bonnes volontés afn de les rendre, sur le terrain, le plus efficace possible » ?
    Qui sera responsable des conséquences dramatques de l’expulsion du 25 octobre qui sera la énième pour les réfugiés et qui s’annonce catastrophique si aucun #logement n’est proposé à ceux qu’on met dehors ?
    En tant qu’enseignants, une queston supplémentaire se pose à nous : quel message républicain transmetre à nos élèves alors même qu’en face de notre collège, des hommes et des femmes survivent abandonnés par l’État, soumis à des décisions administratves froides et sans perspectves ?
    Monsieur le Préfet, Madame la Maire, Monsieur le Maire, il y a urgence. Nous atendons une réacton à la hauteur de la situaton et de votre devoir de représentant de l’État et d’élu-E républicain-E.

  • Allez hop, moi aussi je ressors mon entretien avec Svetlana Alexievitch, réalisé en 2004 pour le magazine suisse "Femina".

    –-
    Depuis vingt-cinq ans, elle passe son temps à écouter et à restituer dans ses livres les souffrances endurées par les hommes et les femmes ordinaires de l’ex-URSS : la Seconde guerre mondiale et le stalinisme ("La guerre n’a pas un visage de femme"), la guerre d’Afghanistan ("Les Cercueils de zinc"), la catastrophe de Tchernobyl ("La Supplication")… On s’attendrait à rencontrer quelqu’un de mélancolique ; et on se retrouve face à une femme chaleureuse, à l’allure sereine et au sourire radieux.

    Citée depuis 2001 parmi les possibles lauréats du prix Nobel de littérature (même si ça n’aura pas encore été pour cette année), Svetlana Alexievitch, qui a grandi dans la Biélorussie de l’après-guerre, a inventé un genre qu’elle appelle le « livre de voix », ou la « chronique des petites gens » : « Flaubert se définissait comme un ″homme-plume″ ; moi, je suis une ″femme-oreille″. » Pendant des heures, parfois des jours, elle recueille les récits de ceux qui ont vécu un événement historique, avant de les retranscrire et de les agencer pour composer une polyphonie unique. « Sur cent pages de témoignage, je conserve peut-être l’équivalent de deux pages, explique-t-elle. Si quelqu’un d’autre interrogeait les mêmes personnes, il ne ferait pas le même livre. Tout ce qu’on lit est la vérité, mais vue à travers mon prisme à moi ; à travers ma vision du monde et ma plume à moi. Je nettoie, je cisèle mon matériau : c’est quasiment un travail d’orfèvrerie littéraire. Je me livre à un tissage compliqué, afin de trouver, dans la combinaison des différents témoignages, une vérité qu’ils ne contenaient pas individuellement, et dont leurs auteurs n’étaient pas conscients. »

    Alors que, dans le journalisme (sa profession de départ), les personnes interrogées sont des moyens de comprendre l’événement, chez elle, c’est l’inverse. Ce qu’elle veut saisir, dit-elle, c’est « l’être humain éternel », « l’homme nu sur la terre nue » ; les événements ne font que servir à ses livres de « pivots ». Elle précise : « Je ne recherche pas l’anecdote, mais ce qui se passe là où l’historiographie s’arrête : par exemple, quand un homme en tue un autre, que se passe-t-il dans sa tête quand il se réveille le lendemain matin ? Ou quand il contemple les yeux, ou les mains de celui qu’il tue ? »

    Cette méthode de travail, elle l’a utilisée dès son premier livre, "La guerre n’a pas un visage de femme", qui est aussi le plus récemment paru en français et qui, comme les autres, stupéfie et bouleverse à chaque page. On y entend la Seconde guerre mondiale racontée par quelques-unes des innombrables femmes soviétiques qui y ont pris part : de très jeunes filles, le plus souvent (l’une d’elles se souvient que ses dents de sagesse perçaient dans le train du retour), qui partaient au front et devenaient aussi bien tireuses d’élite qu’infirmières. L’une raconte comment, courant sous le feu ennemi et ayant perdu son couteau alors qu’elle tentait de ramener un blessé sur son dos, elle a dû sectionner avec ses dents son bras à moitié arraché ; une autre, comment, après la fin de la guerre, elle a eu une violente éruption cutanée le jour où elle a mis un vêtement rouge, au point de ne plus jamais pouvoir en porter, parce qu’elle avait vu trop de sang…

    « Je me suis rendu compte que les femmes avaient une tout autre manière de parler de la guerre que les hommes, observe Svetlana Alexievitch. Les hommes – y compris dans ma famille – parlaient de gloire, d’héroïsme, de victoires ; les femmes, de pitié, de meurtre, de chagrin… Une infirmière me disait que, quand elle fouillait parmi les cadavres, après la bataille, pour rechercher d’éventuels survivants, elle avait autant pitié des morts allemands que des russes. Ce n’était pas le même texte que les hommes ; et comme, en tant qu’écrivaine, c’est le texte qui m’intéresse, cela m’a donné envie d’écrire ce livre. » En l’accueillant chez elle, une ancienne combattante lui confie qu’avant son arrivée, son mari lui a bien recommandé de parler comme il le lui a appris, « sans larmes ni détails idiots » ; et que, pour plus de précaution, il a passé la nuit à potasser avec elle l’"Histoire de la Grande Guerre patriotique" ! Dans l’univers saturé d’idéologie qu’est l’Union soviétique, La guerre n’a pas un visage de femme fait scandale. On accuse son auteur de « pacifisme » et de « naturalisme » – parce qu’elle évoque les difficultés très prosaïques rencontrées par les femmes-soldats, comme celle d’avoir ses règles à la guerre, par exemple… Ce n’est qu’avec l’arrivée au pouvoir de Gorbatchev que la censure du livre sera levée.

    Toutes ces femmes se sont engagées avec enthousiasme : elles voulaient défendre la patrie, repousser l’ennemi nazi. Certaines ont triché sur leur âge, ou se sont cachées dans des transports de troupes quand on leur avait refusé l’incorporation. « Il y avait une part de conditionnement idéologique, bien sûr, commente Svetlana Alexievitch. J’ai rencontré une femme dont le père et le mari avaient été déportés en Sibérie. Sa fille et elle ont été mobilisées toutes les deux. La fille a protesté : ″Mais comment, maman, après ce qu’ils nous ont fait, nous allons partir nous battre ?!″ Et la mère lui a répondu : ″C’est vrai, nous souffrons, mais il faut mettre nos griefs entre parenthèses jusqu’à la victoire.″ C’était ça, la mentalité de l’époque ! Les gens étaient endoctrinés, mais en même temps, ils se dévouaient sincèrement. Ils avaient vraiment le désir de débarrasser l’Europe du nazisme, ils étaient conscients de leur responsabilité. Et puis, le peuple russe a toujours été très combatif : toute la population a pris part à la guerre contre les armées de Napoléon, par exemple… »

    Elle se dit « très énervée » de constater qu’on oublie aujourd’hui, soixante ans après, que l’Europe a aussi été libérée par l’Est, et qu’on attribue la victoire sur le nazisme au seul débarquement américain : « On réécrit l’Histoire de façon inacceptable. De manière générale, on minimise le rôle qu’a joué la Russie au XXe siècle ; on la traite comme un pays mineur. Mais qu’on pense seulement à son influence sur les intellectuels communistes du monde entier… Certes, en Russie, le communisme a pris une forme sanglante, mais je crois très naïf d’imaginer que l’idée de communisme peut tomber en désuétude pour autant. Elle était déjà là à l’époque des cavernes, quand l’un de nos ancêtres se demandait pourquoi son voisin avait un plus gros morceau de viande que lui ! On n’éradiquera jamais l’idée que le monde est injuste, et qu’il faut lutter contre cette injustice. »

    Cette idéologie soviétique dont était pétrie la génération de La guerre n’a pas un visage de femme, Svetlana Alexievitch en a vu le déclin, dans les années quatre-vingt, lors de l’occupation de l’Afghanistan, qu’elle a fait raconter par ses protagonistes – et surtout par les mères de soldats – dans "Les Cercueils de zinc". « Il aurait été malhonnête de ma part de ne pas aller me rendre compte par moi-même, puisque cette fois, je traitais d’une guerre contemporaine, raconte-t-elle. J’ai passé un mois en Afghanistan. Un jour, je suis montée dans un hélicoptère, et, au-dessous de nous, les cercueils de zinc contenant les corps des soldats tués, alignés par dizaines sur le sol, étincelaient au soleil. Le pilote m’a dit : ″A chaque fois que nous décollons, c’est le paysage que nous découvrons… Et nous ne savons pas pourquoi.″ C’était ça, la grande différence entre cette génération et les précédentes : leurs aînés, eux, savaient pourquoi… » Maintenant que les anciens repères ont complètement disparu, elle prépare, pour clore son projet littéraire, « un livre sur l’amour et un autre sur la mort, parce que c’est tout ce qui reste aux gens ».

    "Les Cercueils de zinc" lui a valu un procès. Plus tard, "La Supplication" a suscité l’ire des autorités biélorusses, qui faisaient tout pour dissimuler l’ampleur de la catastrophe de Tchernobyl – et leur incapacité à protéger leur population. Il y a trois ans, Svetlana Alexievitch a dû quitter Minsk pour s’installer en Italie, puis en France.

    Avec La guerre n’a pas un visage de femme, elle rêvait « d’écrire un livre sur la guerre qui donnerait la nausée même aux généraux ». Aujourd’hui, la constante réédition de ses livres, traduits dans une vingtaine de langues, ne lui apporte qu’une faible consolation : « L’humanité semble régresser plutôt qu’avancer. Nous n’avons pas tiré les leçons du XXe siècle. Voyez comment le nouveau commence… On envahit et on pilonne l’Irak, l’Afghanistan, la Tchétchénie ; on continue à croire qu’on peut résoudre les problèmes par des bombardements, alors que c’est moins vrai que jamais. On dit que les Etats-Unis sont une ″superpuissance″, mais qu’est-ce qu’une superpuissance sans une grande idée ? A quoi rime une superpuissance qui n’est rien d’autre qu’un gourdin très perfectionné ? »

    Mona Chollet

    Svetlana Alexievitch, "La guerre n’a pas un visage de femme", Presses de la Renaissance ; "Les Cercueils de zinc", Christian Bourgois ; "La Supplication", Lattès/10/18 ; "Ensorcelés par la mort", Plon.

    #Nobel #littérature #femmes #archives

    • Nonfiction Wins a Nobel
      http://www.newyorker.com/culture/cultural-comment/nonfiction-wins-a-nobel

      Almost immediately after the Chernobyl nuclear plant went into meltdown, she went to Chernobyl. “I saw dozens, if not hundreds, of journalists there,” she recalled in New York. “And I said to myself, Those guys are going to put their books out really fast, but the book that I’m going to write will take years.” In fact, “Voices from Chernobyl” took her a decade. Why? Because, just as Roth observed, nobody can get their mind adequately around what’s overwhelming them as it overwhelms them. “For the first seven days after the disaster,” Alexievich went on, “the bees did not fly out of their hives and the worms burrowed down into the earth. The smallest creatures that creep and crawl on the earth understood what to do and that something was wrong, but we human beings, what did we do? We watched TV, we listened to Gorbachev, and we watched soccer. And we who work in the world of culture, we weren’t prepared either; we didn’t know how to tell people about what was happening, and people didn’t even know how to talk to each other about it.”

  • Pourquoi l’Allemagne doit se réformer d’urgence
    http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/pourquoi-l-allemagne-doit-se-reformer-d-urgence-511936.html

    En France, on présente souvent ce modèle comme un exemple de libéralisme réussi. C’est en réalité une forme contemporaine de mercantilisme qui a été renforcée par les « réformes » de Gerhard Schröder. Ces dernières, par une fiscalité bridant la consommation et un encouragement à la modération salariale et à la précarisation du travail, ont en effet comprimé la demande intérieure pour pouvoir renforcer la compétitivité externe.

    #Allemagne #exportations #lois_Hartz