Le Monde.fr : Actualit la Une

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  • « Tout ne s’explique pas par la grille anti-impérialiste et décoloniale », par les rédchefs de la Revue du crieur
    http://lemonde.fr/idees/article/2016/10/05/islamisme-il-y-a-une-place-pour-la-comprehension-fine-de-ce-qui-advient-aujo

    « Contre l’#islamisme, ni Causeur ni Crieur » est le titre d’une tribune parue dans Le Monde du dimanche 2-3 octobre appelant à sortir de « l’alternative entre les républicains patriotes et les islamo-gauchistes » qu’elle s’évertue elle-même à construire. Le titre et la proposition font beaucoup d’honneur à la Revue du crieur, présentée comme incarnant une gauche « amie des musulmans » refusant de « considérer ce qu’il y a de neuf dans la séquence historique » ouverte par le terrorisme islamiste.

    [tribune citée ici : https://seenthis.net/messages/529943]

    Cette tribune pose au fond très mal des questions très importantes qui travaillent et divisent la gauche. Nous avons besoin d’une plus grande intelligence du présent que ce genre de polarités factices qui ne recouvrent pas l’état réel du rapport de force intellectuel et politique en France, marqué aujourd’hui par l’hégémonie du discours identitaire réactionnaire. A celui-ci, une partie de la gauche, drapée de républicanisme autoritaire, contribue tous les jours à donner des gages de respectabilité, tandis que tout autre discours peine à se faire entendre.

    Ce n’est pourtant pas faire preuve de complaisance avec le djihadisme que de tenter de comprendre pourquoi de jeunes Français musulmans se retrouvent à faire le choix du terrorisme. Ce n’est pas minorer la dérive violente de ceux qui utilisent la religion musulmane à des fins criminelles que de ne pas tomber dans l’amalgame consistant à tracer une continuité entre l’islam, l’islamisme, le salafisme et le fondamentalisme meurtrier de Daech.

    Entre le rien à voir avec l’islam et le tout à voir avec la religion, il y a une place pour une compréhension fine de ce qui advient aujourd’hui, surtout lorsqu’on mesure combien un discours réducteur sur l’islam peut avoir des conséquences politiques concrètes dévastatrices.

    Ce n’est pas, non plus, épouser à tout prix la cause des damnés de la terre que d’observer que les partisans d’une laïcité agressive alimentent une islamophobie politique, médiatique et populaire, à moins de considérer que tous ceux qui s’en démarquent, tels le pape François ou Emmanuel Macron, appartiennent aussi au camp des dangereux « islamo-gauchistes », une catégorie d’analyse aussi floue qu’indigente. Ce n’est pas être de naïfs « amis des musulmans » que d’insister sur la nécessité de lutter contre le danger terroriste sans pour autant céder à l’invention récurrente d’ennemis imaginaires ayant les traits de ces jeunes filles voilées à l’université ou de ces mères de famille en burkini sur la plage.

    Certes, et c’est compréhensible dans ce contexte de stigmatisation des populations de croyance et/ou de culture musulmanes dans lequel nous baignons, une partie de la gauche radicale a choisi de faire de la question « raciale » une cause prioritaire. De même, une fraction du camp indigéniste s’est engagée dans un raidissement identitaire explicable face au rouleau compresseur réactionnaire. Ce choix, nous pouvons le lui reprocher car il engage un type de combat qui la condamne à une impasse stratégique en ce qu’il force ses défenseurs à demeurer plus que minoritaires et inaudibles dans l’opinion.

    Le risque, à terme, est l’enfermement dans un entre-soi ou dans un #gauchisme de campus bien connu des universités nord-américaines, qui alimente sans fin l’autoflagellation et le narcissisme des petites différences à coups d’argumentaires abscons. Une telle position, détachée de toute base sociale, prend le risque de légitimer les sarcasmes des pseudo-républicains ultralaïques prenant pour cible les multiculturalistes angéliques.

    Un minimum d’honnêteté intellectuelle est suffisant pour entendre que tout ne s’explique pas par la grille anti-impérialiste et décoloniale : le Moyen-Orient est aujourd’hui plongé dans une guerre civile et religieuse qui n’est réductible ni aux effets de nos guerres passées et présentes ni à la question des enjeux pétroliers. Et il existe, par ailleurs, suffisamment d’articulations réelles entre question sociale et question « raciale » pour que nous n’ayons pas à choisir entre la défense des ouvriers blancs et celle des « Arabes » musulmans.

    Mais la lucidité, aujourd’hui, ne consiste pas en la recherche d’un équilibre bancal, à la manière de l’hypocrite « identité heureuse » promue par Alain Juppé, des coups de menton suivis de piteuses reculades d’un Manuel Valls, ou d’un François Hollande tentant toujours de ménager la chèvre et le chou jusqu’à l’absurde, comme lorsqu’il proposa que Léonarda, adolescente kosovare expulsée à la descente de son car scolaire, obtienne le droit de revenir en France, « mais sans sa famille ». Sortir de l’impasse où nous sommes tous suppose une réflexion plus profonde que cette pensée tiède et mauvaise qui fait reculer le débat plus que tout autre chose.

    Renvoyer dos-à-dos, au prix d’un exercice d’équilibriste de ce type, la fièvre identitaire d’une droite et d’une gauche durcies par l’échéance électorale prochaine, et les crispations d’une fraction de la gauche radicale et du camp décolonial, c’est d’abord mal mesurer l’écart de puissance et d’influence, incommensurable, qui les sépare, et faire ainsi le jeu de la première. C’est aussi avaliser la posture d’une gauche prétendument tempérée qui refuse de prendre sa responsabilité dans le marasme qui nous est imposé. La raison n’est pas du bord de ceux qui font semblant de chercher une voie moyenne, plus juste, plus raisonnable, en réalité seulement plus frileuse et plus sotte.

    De même qu’une gauche d’antan soi-disant « responsable » avait voulu, hier, disqualifier la #gauche altermondialiste – jugée par elle naïve, archaïque et tiers-mondiste – sans parvenir pour autant à endiguer la dynamique néolibérale responsable de tant d’inégalités et de violences –, une gauche d’aujourd’hui qui se présente comme « réaliste » cherche à se démarquer d’une autre gauche, celle-là émancipatrice, qui condamne la construction récurrente d’un pseudo-problème musulman en guise de dernier masque posé sur les échecs profonds d’une société politique, toutes tendances confondues. Ce sont ces échecs qui constituent la plus grande menace pour la cohésion de notre société.

    #décolonisation #idées cc @mona @baroug

  • « De tous les grands sociologues de notre temps, Georges Balandier est certainement le plus secret et le plus difficile à cerner », écrivait Jean Ziegler au sujet de l’ethnologue, père de l’expression « tiers-monde » (utilisée pour la première fois par Alfred Sauvy). Militant des luttes africaines, il fut un témoin engagé de la décolonisation sur le continent, au sujet duquel il consacra trois articles dans nos colonnes au milieu des années 1960.

    Georges Balandier des autres, par Jean Ziegler
    http://www.monde-diplomatique.fr/1977/10/ZIEGLER/34431 #st

    Les articles de Georges Balandier dans « Le Monde diplomatique »
    http://www.monde-diplomatique.fr/recherche?auteurs%5B%5D=Georges%20Balandier

    Voir la nécrologie que lui consacre Jean Copans dans Le Monde des livres http://lemonde.fr/disparitions/article/2016/10/05/la-mort-de-georges-balandier-sociologue-specialiste-de-l-afrique_5008603_338

    Georges Balandier a d’abord été l’analyste original d’une double conjoncture : celle de la situation coloniale, de sa contestation et, par la suite, de la décolonisation. Sa pensée foisonnante, libre de toute ascendance ou cooptation, tout en s’affirmant engagée, restait prudente dans ses prises de position politiques ou sociétales.

    Sa science sociale, tout à la fois anthropologique et sociologique, a cherché par la suite, au cours d’une seconde carrière après son départ à la retraite en 1985, à affronter les « turbulences » du temps présent, les innovations de la « sur-modernité », ce qui l’a conduit à devenir l’explorateur des « nouveaux Nouveaux Mondes » (expressions forgées initialement par ses soins). Ces Nouveaux Mondes (des biotechnologies, des réseaux numériques, de la mondialisation, mais aussi de la dissolution du lien social et politique et d’un individualisme extrême) ne pouvaient être repérés que par le recours au Détour (sous-titré « Pouvoir et modernité », 1985), un détour aux vertus proprement anthropologiques tant sur les plans conceptuels que méthodologiques.

    Lire aussi « C’était quoi, le tiers-monde ? », par Immanuel Wallerstein
    http://www.monde-diplomatique.fr/2000/08/WALLERSTEIN/1946

    Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les anciennes colonies s’organisaient en « tiers-monde ». Courtisées par les deux Grands, elles entendaient échapper à la logique des blocs. En 1973, le relèvement du prix du pétrole va marquer leur apogée. Comment la roue a-t-elle pu tourner au point d’en transformer une partie en atelier de la délocalisation occidentale, une autre en zone d’appauvrissement ininterrompu ? Réalité sur laquelle les pays riches, réunis à Okinawa, viennent à nouveau de verser des larmes de crocodile.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/38613 via Le Monde diplomatique

  • Le démographe Patrick Simon à propos d’une enquête d’opinion de l’institut Montaigne sur les musulmans de France
    http://lemonde.fr/religions/article/2016/09/27/ce-que-l-on-fait-dire-aux-musulmans_5003823_1653130.html

    On comprend un peu mieux le problème quand on s’aperçoit que les attitudes des musulmans déclarés et des personnes de « culture musulmane » (mais qui ont dit qu’elles n’avaient pas de religion) sont finalement étrangement proches : si 30 % des musulmans sont dans le groupe des « rigoristes », c’est le cas de 21 % des non-musulmans. C’est-à-dire que des personnes sans religion adhèrent à des attitudes présentées comme le signe d’une forme de radicalisme religieux. Imaginons ce qui se serait produit si ces questions avaient été posées à l’ensemble de la population française.

    via @isskein cc @pguilli #radicalisation #islam

  • Cette tribune de Didier Fassin sur l’#état_d'urgence était étrangement absente de Seenthis, la voici (29/01/2016)
    http://lemonde.fr/idees/article/2016/01/29/une-mesure-discriminatoire-qui-accentue-les-fractures-francaises_4856067_323

    Au fil des sondages, les Français confirment leur large soutien à l’état d’urgence : ils étaient 91 % à se dire favorables à son instauration en novembre après les attentats, selon l’IFOP et le Journal du dimanche ; ils sont encore 77 % à se déclarer tels en janvier, selon YouGov et le Huffington Post. Les deux tiers n’hésitent du reste pas à s’affirmer prêts à « accepter une certaine limitation des libertés fondamentales des individus pour mieux garantir la sécurité de tous ».

    C’est qu’exprimer cette conviction leur est d’autant plus facile que, du moins pour la plupart d’entre eux, l’état d’urgence ne les affecte pas plus que les atteintes aux droits fondamentaux. Hormis la présence dans les lieux publics de militaires surarmés qui peuvent leur donner l’impression d’être protégés, rien n’est changé pour eux. Leur vie continue comme avant. Pas de couvre-feu, pas de restriction à leur circulation, pas de censure de leurs moyens de communication.

    S’il en est ainsi, c’est que l’état d’urgence, bien qu’il concerne en principe l’ensemble du territoire national et donc toute la population, n’y est appliqué que dans certains espaces et pour certaines catégories : il est une suspension circonscrite de l’état de droit. Les perquisitions administratives nocturnes par des policiers qui enfoncent la porte de l’appartement, plaquent au sol le suspect allégué et terrorisent sa famille – admettant parfois ensuite s’être trompés de domicile, bien que, même dans ces cas, aucun dédommagement ne soit opéré – ne visent que certains quartiers populaires et certains habitants, pour la plupart musulmans ou présumés tels.

    Il en est de même des assignations à résidence avec leur obligation de se présenter au commissariat plusieurs fois par jour qui empêche toute activité, que l’on soit travailleur ou étudiant, et des contrôles d’identité réalisés dans les gares ou dans la rue sur la seule apparence des personnes, indépendamment de toute infraction ou même soupçon d’infraction : seule une faible part des personnes résidant en France est touchée.

    La frustration de voir son logement dévasté sans explication ni recours, de se faire malmener devant ses enfants traumatisés et de découvrir les regards fuyants de voisins devenus suspicieux, l’immense majorité ne l’éprouvera pas, et même n’en saura rien. L’humiliation de se savoir distingué par sa couleur de peau et ses traits physiques au milieu d’une foule d’usagers du métro ou de piétons d’un centre-ville et de devoir subir, sur la base de cette discrimination supposée statistique, un interrogatoire, une fouille au corps, une vérification de ses documents et de son téléphone, seule une minorité en fera l’expérience douloureuse devant des passants qui, gênés ou indifférents, détourneront le regard.

    Quant à la vandalisation de leurs lieux de culte, en Corse ou ailleurs, par des groupes rarement identifiés et poursuivis, les musulmans ne manqueront pas d’en établir le rapprochement avec le saccage de leurs mosquées, à Aubervilliers et ailleurs, cette fois par les forces de l’ordre, au prétexte d’enquêtes, tandis que la majorité s’indignera vertueusement de la première tout en occultant son lien avec le second.

    Car quand bien même les Français finiraient par se rendre compte de la pente dangereuse sur laquelle le gouvernement les conduit, ils se rassureraient en pensant que la fin justifie les moyens et que l’éradication de l’ennemi, comme le dit leur président, suppose d’en passer par ces extrémités. Le discours officiel, auquel adhère plus de la moitié des personnes interrogées, est en effet que ces pratiques liées à l’état d’urgence, si elles ne sont pas sans poser quelques problèmes, n’en demeurent pas moins « efficaces pour lutter contre la menace terroriste ». A quoi bon, sinon, les perquisitions administratives, les assignations à résidence, les contrôles d’identité ciblés, les gardes à vue arbitraires ?

    Or, pour s’en tenir aux premières, censées permettre de prendre par surprise les individus dangereux, à peine plus d’une sur mille a débouché sur des enquêtes préliminaires ou une mise en examen par la section antiterroriste du parquet. Sur sept de ces brutales opérations d’exception, six s’avèrent sans objet et une permet de constater des infractions sans lien avec ce qui l’a justifiée – ce que d’aucuns appellent un « effet d’opportunité » ou encore « faire le ménage dans les cités ».

    L’efficacité ne se mesure en effet pas sur la lutte contre le terrorisme. Elle réside ailleurs. S’agissant des assignations à résidence, on a pointé qu’elles servaient notamment à brider la contestation politique, en particulier dans les milieux écologiste et gauchiste. Mais s’agissant de l’ensemble du dispositif, on a moins souligné combien il pesait sur les quartiers populaires, les communautés musulmanes et les minorités ethnoraciales.

    Cette pression n’est pas nouvelle : elle n’a cessé de s’accentuer depuis trois décennies. La méthode ne l’est pas entièrement non plus : les contrôles d’identité de même que les fouilles des individus et de leur véhicule sont déjà le plus souvent réalisés parmi ces populations de manière illégale, ce que les policiers et leurs supérieurs reconnaissent volontiers ; quant aux effractions dans les logements, même en temps normal, elles ne sont pas rares en dehors de toute procédure judiciaire, à la recherche d’un suspect par exemple.

    Ce que l’état d’urgence permet, c’est donc de régulariser des pratiques qui lui préexistaient. La loi en préparation, dont l’intitulé ne mentionne plus le terrorisme mais le renforcement de la procédure pénale, les pérennisera. C’est là un fait général dans la société contemporaine : plutôt que d’exiger des forces de l’ordre qu’elles respectent la loi, on modifie cette dernière pour l’adapter à leurs manières de faire.

    Dans ces conditions, le discours sur l’#Etat_policier, qui sert à certains pour dénoncer les dérives de l’état d’urgence, les menaces de la législation à venir et les abus de pouvoir des forces de l’ordre, manque partiellement sa cible. La grande majorité des Français ne s’y reconnaît pas, puisque non seulement elle ne subit nullement les effets des restrictions à l’Etat de droit, mais se laisse également convaincre par la rhétorique de l’efficacité de la lutte contre le terrorisme. Ce double aveuglement rend tolérable et même désirable au plus grand nombre des mesures d’exception dont le pouvoir comprend tout le parti qu’il peut tirer. Et cela sans s’embarrasser des contradictions dans lesquelles il s’enferme.

    Alors que la Commission des lois de l’Assemblée nationale préconisait de ne pas reconduire un état d’urgence qu’il jugeait inutile et dangereux, son président, Jean-Jacques Urvoas, longtemps pressenti pour la Place Beauvau mais finalement devenu garde des sceaux, va être chargé de l’accompagner : celui qui se disait il y a un an « opposé à tout texte d’exception » devra donc défendre la série de mesures d’exception – et non seulement d’urgence – voulues par le président de la République.

    Car loin de déboucher sur un Etat policier qui ferait peur à tous, l’état d’urgence, avec les projets de loi pénale et de révision constitutionnelle qui en banalisent les principaux éléments, est un état d’exception segmentaire. Il divise la population française entre ceux dont l’Etat prétend protéger la sécurité et ceux, déjà pénalisés par les disparités économiques et les discriminations raciales, dont il accroît un peu plus l’insécurité. Au nom de la défense de l’ordre public, c’est donc un certain ordre social inégal qu’il s’agit de consolider. Mais ce cynisme politique aura nécessairement un coût : l’expérience de l’injustice qu’il nourrit ne peut que générer un ressentiment dont la société tout entière devra un jour payer le prix.

  • NDDL : large « oui » en faveur de l’aéroport - Le Point
    http://www.lepoint.fr/societe/nddl-le-oui-en-tete-26-06-2016-2049901_23.php

    Les habitants de Loire-Atlantique ont massivement dit « oui » dimanche à la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes en votant à 55,17 % pour ce projet controversé, l’exécutif promettant dans la foulée de lancer les travaux à l’automne. Lors de cette consultation unique en France annoncée en février par le président de la République François Hollande pour débloquer un dossier vieux d’un demi-siècle, 51,08 % des électeurs de Loire-Atlantique se sont rendus aux urnes. Finalement, le « oui » l’a emporté avec 268 981 voix, soit 50 000 voix de plus que le « non ».

    Voilà un référendum qui va être respecté... pour une fois. Et sans tarder ! Vive la Démocratie !

  • Entretien avec Sébastien Louis après les affrontements entre hooligans anglais et russes samedi 11 juin 2016 à Marseille
    http://lemonde.fr/euro-2016/article/2016/06/13/euro-2016-les-hooligans-russes-ont-mene-un-raid-comme-un-commando-paramilita

    Sébastien Louis est historien spécialisé dans l’étude des supporteurs radicaux, coauteur notamment de Soutenir l’équipe nationale de football (Editions de l’Université de Bruxelles).

    Comment décririez-vous ces hooligans ?

    Nous avons affaire à une nouvelle génération de hooligans depuis la fin des années 90, venus des pays de l’Est, Russie et Pologne principalement : ce sont des gens qui font des #sports_de_combat, qui s’entraînent quotidiennement. Ils ne prennent pas de drogue, pas d’alcool, ils ont un mode de vie ascétique pour se dédier à ces affrontements. Ils organisent même des tournois en parallèle dans les bois, sur les parkings, des « fights » organisés à 15 contre 15. L’image du hooligan bedonnant qui buvait plus que de raison est dépassée. C’est aussi un problème géopolitique. Ces supporteurs radicaux ont une certaine liberté en Russie, ils sont parfois manipulés par les services secrets qui les encouragent à mener certaines actions violentes.

    (…)

    Cette situation est aussi le fruit d’une absence de stratégie de la part de la DNLH [Direction nationale de lutte contre le hooliganisme] et de *l’amalgame qui est fait entre #supporteurs, #ultras et #hooligans¨. Les interdictions de stade se sont multipliées – 218 cette année liées notamment à l’état d’urgence –, mais nous avons toujours été dans une politique répressive. Dire que ces incidents sont uniquement le fruit de la consommation d’alcool est une erreur. Il faut se confronter aux supporteurs, dialoguer avec eux, se former dans les conditions les plus difficiles. C’est bien beau de faire des répétitions avec les étudiants, mais quand on se retrouve face à des hooligans russes pratiquant le #MMA, c’est autre chose.

    #football #violence « #casseurs » cc @opironet

  • Les Bleus, l’équipe de quelle #France ? ou la victoire posthume (ah non pardon) de Finkielkraut
    http://lemonde.fr/euro-2016/article/2016/06/02/les-bleus-l-equipe-de-quelle-france_4930696_4524739.html

    Dans un article publié par les revues Plein Droit et @Vacarme, le maître de conférences en sciences politiques précise que « l’équipe de France de #football est bien devenue le réceptacle de tous les fantasmes sur l’affaiblissement du sentiment patriotique et sur la hantise de double-nationaux “traitres à la nation” ».

    M. Blanchard s’interroge plus longuement sur la sous-représentativité des footballeurs d’origine nord-africaine en sélection tricolore, rappelant notamment qu’entre 1962, date de l’indépendance de l’Algérie, et 1994, soit la première sélection de Zinédine Zidane, un seul joueur ayant des racines algériennes – Omar Sahnoun en 1977-1978 – a évolué sous le maillot bleu.

    « La France black-blanc-beur de 1998 est un mythe », insiste le chercheur. L’obsession actuelle de la classe politique pour le patriotisme ou l’exemplarité des joueurs n’en serait que l’autre versant.

    http://lemonde.fr/euro-2016/article/2016/06/01/la-france-black-blanc-beur-de-1998-est-un-mythe_4930556_4524739.html

    La France Black-blanc, par François Bégaudeau
    http://lemonde.fr/euro-2016/article/2016/05/19/black-blanc-par-francois-begaudeau_4922575_4524739.html

    Il n’est pas écrit que la sélection doive représenter les minorités. Ce qu’on lui demande, c’est de gagner, et tant pis si cela se fait avec un échantillon de joueurs non représentatif de la totalité de l’humanité.

    Mais justement les seuls critères sportifs auraient dû conduire Deschamps à retenir Benzema et Ben Arfa, les deux joueurs français les plus doués de leur génération, bien que le second n’ait pas fait preuve de l’exceptionnelle constance du premier, avant-centre titulaire du plus grand club du monde depuis six ans.

    D’autres paramètres ont prédominé. Ce n’est pas nous qui faisons une fixette sur le sujet, c’est eux. C’est Manuel Valls, qui, alors qu’on ne lui demandait rien, a fait savoir qu’il s’opposait à la participation de Benzema à la fête. C’est son impayable ministre des sports qui, entre une sortie sur les prières à la mi-temps dans les vestiaires de banlieue et une autre sur les footballeuses voilées, a jugé ­préférable que le néodélinquant madrilène restât à la maison en juin.

    #race #racisme #identité_culturelle #football

    Rappel (2005) :

    « On nous dit que l’équipe de France est adorée par tous parce qu’elle est “black blanc beur”, en fait aujourd’hui elle est “black black black”, ce qui fait ricaner toute l’Europe. Si on fait une telle remarque en France, on va en prison, mais c’est quand même intéressant que l’équipe de France de football soit composée presque uniquement de joueurs noirs. »

    http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2005-11-23-Qui-a-dit

    • Une petite nuance tout de même :
      le foot est un sport collectif, ce qu’on oublie trop souvent dans cette époque de glorification de la performance individuelle.
      Aussi bien savoir dribbler est une chose, mais l’apport global au groupe en est une autre.
      Cantona et Anelka, des joueurs les plus doués de leur génération, ont été écartés de l’équipe de France pour des problèmes disciplinaires. On peut parler de Ribéry aussi.
      Benzema est certes doué, mais a moins brillé en équipe de France que dans ses clubs. Et surtout il est impliqué dans une affaire de malveillance grave envers un coéquipier, ce qui dans un groupe peut nuire durablement au maintien d’un bon climat de confiance. Faudrait vérifier les stats, mais ce n’est peut être pas un hasard si l’Equipe de France marque plus de buts lorsqu’il ne joue pas.
      Ben Arfa avait aussi des problèmes de comportement dès le centre formation. Il s’est peut être assagi dans son club, mais les dernières polémiques sont encore assez récentes.
      J’apprécie pas spécialement Deschamps comme entraineur et j’ai pas envie de prendre sa défense. Mais son discours consistant à dire qu’il voulu construire une équipe sur la durée me semble cohérent et pertinent.
      Oui une bonne partie du pays est raciste (Valls en tête) et en veut viscéralement à Benzema de ne pas marquer son allégeance au drapeau français avec son attitude jugée nonchalante et en ne chantant pas la Marseillaise.
      Mais y a aussi une partie du pays qui est attachée aux valeurs collectives et qui comme moi ne comprendrait pas qu’on mette dans une équipe des individus qui ne vont pas dans le sens du collectif, juste parce qu’ils sont « techniquement » plus doués que les autres.

    • Et donc l’article d’Emmanuel Blanchard, « tenue correcte exigée »
      http://www.vacarme.org/article2896.html

      France, Euro 2016. Alors que les Bleus sont souvent présentés comme le modèle même de « l’intégration » française, une généalogie de l’équipe de France dévoile une toute autre réalité. Comme le remarque ici Emmanuel Blanchard, l’équipe de France n’a jamais été aussi « Black-Blanc-Beur » qu’on a voulu le dire.

      Sans oublier, @isskein, le « Plein droit » où est parue une première version de cet article, in. « Sportifs immigrés : le revers de la médaille »
      http://www.gisti.org/spip.php?article5308

      Et @mona a ressorti ce texte « La nation et la France postcoloniale »
      http://www.minorites.org/index.php/2-la-revue/1095-la-nation-et-la-france-postcoloniale.html

      La polémique sur « politique des quotas » envisagé par certains cadres de la Fédération Française de Football n’est pas terminée. L’équipe de France est, par nature, discriminante, puisque seul un petit nombre d’hommes peuvent y prétendre. Le milieu est fertile pour la ségrégation. Jusqu’au terme de « sélection nationale », qui évoque un cheptel labellisé qualité française au sein duquel le « sélectionneur » désigne les bêtes de concours les plus « méritantes ».

  • #NuitDebout, mouvement, convergence, horizontalité etc.

    Nuit debout, convergences, horizontalité, par Frédéric Lordon (Les blogs du Diplo, 25 avril 2016)
    http://blog.mondediplo.net/2016-04-25-Nuit-debout-convergences-horizontalite

    [Question inévitable de journal ibérique] Les élections 2017 approchent. Outre le fait que le paysage politique à gauche du PS ne semble pas se prêter à la création d’un nouveau parti, vous affirmez qu’envisager un Podemos à la française serait se méprendre. Pourquoi ?

    La #Constituante est aussi une réponse à cette question. Je crois qu’il nous faut sortir de ce que j’appellerai l’antinomie Occupy Wall Street (OWS) / 15M-Podemos. D’un côté #OWS, mouvement qui a malheureusement fait la démonstration de son improductivité politique directe (ceci dit sans méconnaître tous les effets de Occupy qui ont cheminé souterrainement, et à qui l’on doit sans doute, par exemple, la possibilité aujourd’hui d’un Bernie Sanders). De l’autre 15M qui n’est devenu productif qu’en se prolongeant sous la forme de Podemos… c’est-à-dire sous une forme qui en trahissait radicalement l’esprit des origines : un parti classique, avec un leader classique, classiquement obsédé par la compétition électorale, et décidé à en jouer le jeu le plus classiquement du monde : dans les institutions telles qu’elles sont et sans afficher la moindre velléité de les transformer. L’appel à une Constituante est une manière de sortir de cette contradiction de l’improductivité ou du retour à l’écurie électorale. Il faut que le mouvement produise « quelque chose » mais ce « quelque chose » ne peut pas être rendu au fonctionnement des institutions en place. Conclusion : le « quelque chose » peut consister précisément en la transformation des institutions.

    Contester sans modération, par Pierre Rimbert
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/05/RIMBERT/55467

    A cet égard, les idées mises au clou par la #gauche et réactivées par les #mouvements de ces dernières années prolongent une tradition universelle de révoltes égalitaristes. En avril, un panneau destiné à collecter les propositions des participants à la Nuit debout, place de la République à Paris, proclamait : « Changement de Constitution », « Système socialisé de crédit », « Révocabilité des élus », « Salaire à vie ». Mais aussi : « Cultivons l’impossible », « La nuit debout deviendra la vie debout » et « Qui a du fer a du pain » — aux accents blanquistes.

    Espoirs de #convergence

    Au-delà des #socialismes européens, utopique, marxiste ou anarchiste, un pointillé thématique relie les radicaux contemporains à la cohorte des silhouettes insurgées qui hantent l’histoire des luttes de classes, de l’Antiquité grecque aux premiers chrétiens, des qarmates d’Arabie (Xe-XIe siècle) aux confins de l’Orient.

    (…)

    La tâche, de nos jours, s’annonce assurément moins rude. Un siècle et demi de luttes et de critiques sociales a clarifié les enjeux et imposé au cœur des institutions des points d’appui solides. La convergence tant désirée entre classes moyennes cultivées, monde ouvrier établi et précaires des quartiers relégués ne s’opérera pas autour des partis sociaux-démocrates expirants, mais autour de formations qui se doteront d’un projet politique capable de faire briller à nouveau le « soleil de l’avenir ». La modération a perdu ses vertus stratégiques. Etre raisonnable, rationnel, c’est être radical.

    Quand sautera l’ultime verrou par François Cusset | Politis
    http://www.politis.fr/articles/2016/04/quand-sautera-lultime-verrou-34629

    Cette convergence, en revanche, même ponctuelle et bricolée, suppose trois conditions, nécessaires avant d’être suffisantes. Primo, la désignation d’un adversaire commun, autrement plus vaste qu’une seule loi El Khomri de destruction du code du travail, mais moins flou que l’hydre abstraite du Capital – car, des DRH aux élus zélés, ils ont des noms, des postes, des rôles précis. Secondo, le refus du mirage électoral, refus qu’on sent cette fois largement partagé, le roi (des urnes) étant bel et bien nu après des décennies de promesses bafouées et de serments foulés aux pieds. Tertio, et c’est là que le bât blesse : un accord a minima sur les moyens d’action, compte tenu de la réticence croissante aux logiques de la discussion, mais aussi du risque de scission interne porté par les virées nocturnes pour casser vitrines de banques ou agences de Pôle emploi. La marge d’action est étroite, mais le débat doit avoir lieu, après trente ans de tabou sur ces questions : sabotage ou résistance physique relèvent-ils de la « #violence » ?

    Et quels modes d’action effectifs opposer à la violence sourde du système, celle qui menace, épuise, assigne ou sacrifie des vies ? Ce dernier point est évidemment le plus difficile, l’ultime verrou qui n’a pas encore sauté. Quand il cédera, un mouvement uni déferlera en comparaison duquel Mai 68 et décembre 95 auront l’air d’innocentes parties de plaisir. C’est demain, après-demain – au pire la prochaine fois. Mais dès lors qu’ont été franchis tous les seuils du supportable, c’est pour bientôt. Sans aucun doute possible.

    « Nuit debout a attiré ceux qui pensent leurs intérêts particuliers comme universels, et a exclu les dominés », par Par Geoffroy de Lagasnerie http://lemonde.fr/idees/article/2016/04/26/nuit-debout-releve-d-une-conception-traditionnelle-de-la-politique_4909223_3

    D’où les scènes d’incompréhension qu’on a observées entre Nuit debout et les quartiers nord de Marseille, ou entre Nuit debout et les #syndicats. L’absence de ces groupes n’est ni un accident qu’on pourrait combler en allant tisser des liens (même si c’est souhaitable) ni un fait qui s’explique pour des raisons extérieures au mouvement. Elle est une conséquence logique de la construction symbolique du mouvement comme une sphère de citoyens qui refusent de revendiquer et se rassemblent pour débattre et écrire une nouvelle Constitution. Parce que Nuit debout s’est construit autour de la rhétorique du peuple et du commun, il a attiré à lui ceux qui pensent leurs intérêts particuliers comme universels et a exclu les dominés du mouvement. L’inclusion des uns est solidaire de l’exclusion des autres – et toutes sont une conséquence du dispositif social, institutionnel et conceptuel dont ce mouvement est le produit.

    Le secrétaire général de la CGT chez Nuitdebout, la révolution est dans les détails
    https://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=8707

    A part ça, Philippe Martinez était finalement, hier soir, à Nuit Debout, place de la République, à Paris. Je vous le dis, parce que les radios du matin ne l’ont pas dit, qui n’ont parlé qu’arrestations, voitures incendiées, gardes à vue, violence (la condamner ou pas ?), bref, qui ont réduit la journée de mobilisation et de manifs d’hier à un bilan policier. Pas seulement, d’ailleurs. Une radio a aussi découvert que « le mouvement se divise », en opposant une intervention de Lordon à la Bourse du travail ("nous n’apportons pas la paix"), déjà ancienne de plusieurs semaines, à l’interview d’un membre du « media center » de Nuit Debout. Il ne leur aura fallu qu’un mois pour réaliser qu’en effet, sur pratiquement tout, il y a quasiment autant d’opinions que de Nuitdeboutistes (comme d’ailleurs parmi les "Onvautmieuxqueça, qui viennent de scisionner sur la question des medias). Saluons l’exploit.

    Il faut donc lire la #presse, la bonne vieille presse écrite, pour apprendre que le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez s’est rendu place de la République. Bon, ce n’est pas encore la convergence totale. « La CGT se frotte à la Nuit Debout », titre Mediapart, tandis que Le Monde titre sur « la difficile convergence des luttes entre Nuit Debout et les syndicats ». Sur le contenu politique de l’épisode, les deux titres s’accordent à rapporter que Martinez a douché l’enthousiasme des Nuitdeboutistes pour le déclenchement d’une grève générale, en rappelant « qu’une grève ne se mène pas tout seul » (Le Monde), et qu’il « faut user de la salive pour aller convaincre les salariés » (Mediapart).

    S’il faut chercher des scissions, d’ailleurs, des écoles, des chapelles, on peut les chercher aussi dans les narrations journalistiques. Les deux compte-rendus du Monde et de Mediapart sont caractéristiques. Le reportage du Monde s’ouvre sur Martinez (qui, seul, a droit à sa photo). Le récit est centré sur lui, vedette de la soirée, son attente pendant deux heures, le fait que lui seul soit appelé par son nom entier. Les deux heures de prise de parole qui l’ont précédé n’arrivent qu’au troisième paragraphe du récit.

    A l’inverse, le reportage de Mediapart chamboule cette hiérarchie traditionnelle : Martinez (qui n’a droit qu’à la troisième des trois photos) doit patienter jusqu’au huitième paragraphe, derrière Manon et Elsa (coordination nationale étudiante), Fathi (Taxis debout), un représentant d’Infocom CGT (la fameuse affiche), la CGT Air France, la CGT gare d’Austerlitz, Gaël (Sud Postes), Eric Beynel (Solidaires), et deux émissaires de la CNT. Autrement dit, le récit du Monde épouse la hiérarchie traditionnelle, accordant la priorité aux institutions nationales reconnues (la CGT), tandis que celui de Mediapart épouse l’ahiérarchie édictée par l’institution émergente (l’AG de Nuitdebout). Question de point de vue, comme diraient les cinéastes. Où placer sa caméra ? La révolution, comme le diable, est dans les détails.

    cc @nicohaeringer @isskein

  • La professionnalisation des politiques, un verrou français, par Anne Chemin (« Le Monde », 10/03/2015)
    http://lemonde.fr/idees/article/2016/03/10/la-professionnalisation-des-politiques-un-verrou-francais_4880673_3232.html

    ft. Rémi Lefebvre : http://www.monde-diplomatique.fr/2009/10/LEFEBVRE/18193

    En ce jour d’automne 2015, Florent Hérouard affiche une barbe naissante et un sweat-shirt à capuche qui tranchent avec l’allure traditionnelle des hommes politiques. Invité de France Bleu Normandie, ce géographe qui a inventé un système d’attache pour les skateboards est tête de liste aux élections régionales dans le Calvados. Une position qu’il n’a pas conquise au terme d’un long parcours au sein des instances dirigeantes de son parti  : comme tous les candidats de Nouvelle donne, le mouvement de Pierre Larrouturou, Florent ­Hérouard a été désigné au terme d’un tirage au sort. Il est, affirme-t-il avec fierté, un «  candidat-citoyen  » qui rêve de «  faire de la politique autrement  ».

    Autrement  ? Comme un amateur éclairé qui croit en la chose publique sans vouloir pour autant en faire son métier. Une idée que les grands partis considèrent souvent avec un brin de condescendance, comme si elle relevait de l’aimable folklore de la ­démocratie participative. La contribution des profanes à la démocratie est pourtant une idée très ­ancienne  : dans l’Antiquité, les Grecs pratiquaient le tirage au sort et la rotation rapide des mandats afin, justement, de favoriser «  l’autogouvernement de tous par tous, chacun étant à tour de rôle gouvernant et gouverné  », souligne le politiste Yves Sintomer dans un texte publié en 2012 sur le site La Vie des idées.

    Cet usage a survécu dans la justice – les jurés d’assises sont, aujourd’hui encore, tirés au sort –, mais il a ­disparu dans le monde politique  : depuis le début du XXe siècle, et surtout depuis l’avènement de la ­Ve Répu­blique, la démocratie française est entrée dans l’ère de la professionnalisation. «  Aujourd’hui, la politique est un métier, constate Bruno Cautrès, chercheur CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po, le Cevipof. Les hommes politiques construisent des carrières longues  : ils occupent tour à tour des fonctions électives, des postes dans la haute fonction publique ou dans des cabinets, des responsabilités dans l’appareil des partis – et ce, parfois, pendant toute une vie. Le temps des néophytes issus de la société civile est terminé.  »

    Les chiffres sont sans ambiguïté  : à l’Assemblée ­nationale, l’entrée «  directe  » de citoyens dénués ­d’expérience politique est en voie de disparition. «  Les trajectoires menant au Palais-Bourbon impliquent un ­investissement professionnel précoce dans la politique et la détention préalable de plusieurs postes de pouvoir, ce qui implique un savoir-faire  », explique Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS (Cevipof), dans une étude sur le profil des députés élus en 2012. Un tiers des députés socialistes ont ainsi «  fait leurs premières armes au sein du PS, très souvent comme ­assistants parlementaires ou membres de cabinets municipaux ou régionaux  », poursuit-il, en soulignant une ­ «  certaine professionnalisation des députés  ».

    Des parcours qui se ressemblent

    Luc Rouban observe une même tendance chez les élus ­locaux des zones urbaines. «  La proportion d’hommes et de femmes d’appareil qui proviennent des entourages locaux (cabinets de maires, collaborateurs de conseils généraux ou régionaux ou d’intercommunalités) continue d’augmenter allègrement pour représenter, en 2014, le quart de tous les maires, constate-t-il dans une étude sur les villes de plus de 30 000 habitants. A cela, il faut ajouter la part croissante prise par les professions politiques dans lesquelles ont été ­intégrés les assistants parlementaires ou les collaborateurs d’élus au niveau national.  » Sa conclusion est sans appel  : «  La décentralisation a créé, en vingt-cinq ans, une élite ­urbaine fermée, professionnalisée et notabiliaire, qui a ­concentré le pouvoir local en accumulant les ressources ­partisanes et sociales.  »

    Avec la professionnalisation, les parcours des hommes politiques de ce début de XXIe siècle se ressemblent de plus en plus. «  Ils militent dans une organisation de jeunesse, ils intègrent un institut de sciences politiques, d’économie ou de droit, ils deviennent assistants d’élus, ils sont membres d’un cabinet, ils briguent un mandat, explique Rémi ­Lefebvre, professeur de sciences politiques à l’université Lille-II. C’est comme cela qu’ils apprennent les ficelles du métier – la capacité à faire campagne, à diviser ses adversaires et à acquérir le sens pratique dont parle Pierre Bourdieu. Le stade ultime de la professionnalisation, c’est l’absence ­totale de passage par une vie professionnelle autre que la politique. Ce phénomène touche tous les partis, à droite comme à gauche – y compris le Front national.  » Au risque, parfois, de créer un monde à part.

    Beaucoup de Français semblent en effet se lasser de cet «   #entre-soi professionnalisé  », selon le mot de Rémi ­Lefebvre. Sondage après sondage, ils plaident pour un ­renouvellement du personnel politique. Le spectre de la répétition du duel Hollande-Sarkozy de 2012 à la présidentielle de 2017  ? Le retour en fanfare de l’ancien secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé  ? La publication du nouveau livre de François Fillon, qui a commencé sa carrière politique comme assistant parlementaire, en 1976  ? Beaucoup de Français ont le sentiment que la vie politique fonctionne en vase clos. Une situation qui fait dire à l’humoriste de France Inter Charline Vanhoenacker qu’«  il y a autant de renouvellement dans la classe politique française que chez les invités de Michel Drucker  »

    Les partis, des « machines »

    Si la professionnalisation est aujourd’hui très marquée, elle ne date pas d’hier  : dès le lendemain de la Grande Guerre, le sociologue allemand Max Weber l’évoque dans une conférence prononcée en 1919 à Munich, «  Politik als beruf  » (la politique comme métier). Il définit alors les professionnels de la politique comme ceux qui vivent «  pour  » et «  de  » la politique. En ce début de XXe siècle, Max Weber ­insiste sur la fin de la domination des notables et l’importance croissante des partis, ces «  immenses appareils  » que les pays anglo-saxons surnomment des «  machines  ». L’élément «  décisif et nouveau  », souligne-t-il, est le fait que les professionnels de la politique que sont les responsables de l’organisation sont désormais à même «  d’imposer dans une mesure assez considérable leur propre volonté  ».

    En France, le mouvement s’amorce au début du XXe siècle. «  Jusqu’à la fin du XIXe, les dirigeants des institutions de l’Etat étaient souvent issus des cercles de notables, analyse le politiste Daniel Gaxie dans un article publié en 2001 dans la revue Mouvements. Ils ne vivaient pas que “pour” la politique puisque leur rang social leur commandait de se prêter à d’autres activités honorifiques et ils ne vivaient pas que “de”la politique puisqu’ils exerçaient souvent leurs fonctions à titre bénévole et que leur fortune leur permettait de vivre sans en attendre de revenus. L’activité politique ­professionnelle apparaît progressivement avec les premiers partis politiques, l’ascension politique d’hommes moins ­fortunés, en particulier dans le mouvement ouvrier, l’instauration d’indemnités versées aux élus et l’élargissement des interventions de l’Etat.  »

    #Expertise et engagement

    Ce mouvement de #professionnalisation s’accentue après la seconde guerre mondiale, et surtout sous la Ve République. «  A la fin des années 1970, on voit apparaître le professionnel de la #politique tel que nous le concevons aujourd’hui, explique Luc Rouban. Son parcours mêle expertise et engagement  : c’est, par exemple, le ­conseiller d’un ministre qui brigue un mandat local avant de repartir dans la haute fonction publique ou un responsable de parti qui s’engage dans un cabinet avant de devenir maire.  » A partir des années 1980, cette évolution est renforcée par la décentralisation. Les maires, les conseillers généraux et les conseillers régionaux, poursuit Luc ­Rouban, «  cessent d’être des amateurs éclairés ou des ­notables qui transmettaient leur mandat à leur fils pour ­devenir de vrais professionnels  ».

    Aujourd’hui, résumait Daniel Gaxie en 2001, la politique est devenue une «  activité différenciée, spécialisée, permanente et rémunérée  ». Faut-il s’inquiéter de cette évolution qui marque, après tout, la fin d’une ère bien peu démocratique, celle des notables  ? Dans un monde où la mise en œuvre des politiques publiques requiert de plus en plus de compétences, n’est-il pas sage de confier leur conception à des professionnels aguerris de la chose publique  ? Ne faudrait-il pas se féliciter que des personnels compétents passent des décennies à apprendre les rouages de l’action ­publique  ? Ne serait-ce pas, par ailleurs, la pente naturelle d’une société qui plaide constamment en faveur de l’élévation du niveau de qualification dans le monde du travail  ?

    «  La compétence est une forme de dépolitisation  »

    Tout dépend, répond Luc Rouban, de la conception que l’on a de la démocratie représentative. «  Si l’on considère que les élus sont censés porter la voix de leurs électeurs et représenter leurs intérêts, la professionnalisation est évidemment un problème. Si l’on considère en revanche que les élus sont de simples mandataires auxquels les citoyens ­confient leurs pouvoirs pendant un certain temps afin qu’ils prennent les décisions à leur place, on favorise naturellement l’émergence d’une classe d’experts. Dans cette conception libérale, le citoyen délègue sa parcelle de souveraineté  : il considère qu’il y a des professionnels pour gérer l’action ­publique et il les juge au résultat. Les universitaires américains John Hibbing et Elizabeth Theiss-Morse ont inventé un mot pour désigner ce système  : la démocratie “furtive”.  »

    Tout, cependant, n’est pas toujours rose dans le monde de la démocratie «  furtive  ». Ne serait-ce que parce que les fameuses compétences dont se réclament les hommes politiques peuvent masquer, voire effacer les clivages politiques. «  La compétence est souvent une forme de dépolitisation, estime Rémi Lefebvre. En intégrant les paramètres technocratiques, en réduisant la politique à un problème technique, le débat politique perd de vue les grands choix, les alternatives. Il est évidemment illusoire d’évacuer toute logique d’expertise des politiques publiques, mais le risque, c’est qu’elle ait la prétention de dire une forme de vérité, qu’elle ferme les possibles. La logique de l’expertise a dévoré la politique française comme elle a dévoré la construction européenne.  »

    En créant un monde à part, la professionnalisation a en outre l’inconvénient de renforcer les logiques «  corporatistes  ». «  Les sciences sociales ont souligné de longue date que la division du travail, la différenciation, la spécialisation et la professionnalisation favorisent l’apparition d’intérêts particuliers dans les nouveaux univers sociaux qu’elles constituent, constate Daniel Gaxie dans Mouvements. (…) En tant que professionnel, l’homme politique a des intérêts propres qu’il est tenté de privilégier. On pense bien sûr au souci des élites de conserver leur place dans l’univers politique, d’être réélus, de progresser dans le cursus honorum ou d’améliorer leur popularité. Plus largement, le milieu politique est le plus souvent tout entier affairé autour des enjeux spécifiques qui le structurent  » – les alliances, les candidatures, les remaniements…

    Enfin, en transformant un mandat de quelques années en un métier que l’on exerce parfois pendant toute une vie, la professionnalisation nourrit une très forte longévité politique – des carrières interminables, des candidatures à répétition, des come-back sans fin. «  La longévité est déjà une tendance forte de la démocratie car en France, le coût d’entrée dans la vie politique est très élevé, poursuit Rémi Lefebvre. Pour obtenir un mandat, il faut être patient, renoncer à sa vie personnelle et faire énormément de sacrifices. Lorsque le seuil de la professionnalisation est franchi, l’élu cherche donc à se maintenir dans le jeu le plus longtemps possible. Les mandats sont à durée limitée mais ­l’engagement politique est souvent appréhendé dans une forme d’irréversibilité.  »

    Le cumul des mandats, mère de toutes les batailles

    La professionnalisation renforce jusqu’à la caricature ce trait de la culture française – en posant, du même coup, des problèmes de légitimité démocratique. Comment, dans un monde aussi figé, accueillir les nouveaux venus de la scène politique que sont les femmes et les représentants de la ­diversité  ? Les portes du monde politique ont en effet un mal fou à s’entrouvrir  : malgré l’inscription, en 1999, du principe de parité dans la Constitution, les femmes représentent seulement 26,9 % des députés, 22,1 % des sénateurs, 13,9 % des conseillers généraux et 9,6 % des maires de villes de plus de 3 500 habitants. Les représentants de la diversité ne sont guère mieux lotis  : l’Assemblée nationale ne compte que huit députés d’origine africaine, maghrébine, asiatique ou brésilienne, soit… 1,4 %.

    Jour après jour, la professionnalisation éloigne donc les élus de la société dont ils sont issus – et pas seulement parce qu’elle manque de femmes ou de descendants d’immigrés. «  Si la professionnalisation consiste à dire que l’on peut, au titre de ses compétences, se maintenir autant de temps que l’on veut à plusieurs fonctions en même temps, cela renforce le fossé entre les règles qui régissent le monde politique et celles qui régissent la société civile, affirme le politiste Bruno Cautrès. Comment voulez-vous que les ­citoyens acceptent que plus de 80 % des députés aient au moins deux mandats alors qu’ils savent qu’il est impossible d’exercer deux métiers à temps plein  ? Comment voulez-vous qu’ils trouvent normal que 60 % des maires aient plus de 60 ans alors qu’à cet âge, la plupart des salariés s’apprêtent à partir à la retraite  ?  »

    Rebattre les cartes

    Comment insuffler du renouvellement dans ce monde à part qu’est la politique  ? Pour beaucoup d’intellectuels, la mère de toutes les batailles est la lutte contre le cumul des mandats. «  Il faut instaurer un mandat unique, comme dans l’immense majorité des pays européens, plaide Rémi Lefebvre. Un premier pas sera accompli en 2017 si la réforme interdisant aux députés et aux sénateurs d’être également président ou vice-président d’un conseil régional ou départemental n’est pas abrogée. C’est déjà une petite révolution, mais il faut aussi limiter les mandats dans le temps en autorisant deux, voire trois mandats maximum. Aujourd’hui, les carrières politiques sont tellement longues que les élus ne peuvent pas revenir en arrière. Il y a un effet cliquet  : ­comment voulez-vous qu’un enseignant qui a été député pendant quinze ou vingt ans revienne devant ses élèves  ?  »

    Pour Eric Keslassy, auteur, en 2009, d’un rapport sur la diversité pour l’Institut Montaigne et enseignant à Sciences Po, le mandat unique, et surtout sa limitation dans le temps, permettrait enfin de faire respirer la démocratie. «  Il faut absolument rebattre régulièrement les cartes car au bout d’un moment les habitudes priment et la motivation s’érode. Lors du premier mandat, l’élu s’installe, lors du deuxième, il donne sa pleine mesure, lors du troisième, il y a une chute de l’activité – la productivité est en recul, diraient les économistes  ! Les élus objectent qu’il serait dommage de se priver d’un élu qui a de l’expérience, mais de nouveaux venus peuvent, eux aussi, réussir leur apprentissage et ­devenir de bons élus. Il est sain, pour la démocratie, que de nouveaux profils parviennent à émerger.  »

    Une réforme du statut de l’élu

    Pour faciliter les allers et retours entre le monde politique et la société civile, beaucoup plaident également en faveur d’une réforme du statut de l’élu afin de susciter de nouvelles vocations, notamment dans le monde de l’entreprise. Si les fonctionnaires peuvent en effet s’engager en politique sans mettre en péril leur carrière professionnelle, les salariés du privé se montrent plus hésitants. Prévoir des congés temporaires, accorder des formations, simplifier le retour à l’emploi  : entré en vigueur en début d’année, le nouveau statut de l’élu local permettra, par exemple, aux maires des villes de plus de 100 000 habitants de réintégrer leur entreprise à la fin de leur mandat. Il fait cependant l’impasse sur les élus nationaux.

    Pour le politiste Bruno Cautrès, il faut aller beaucoup plus loin. «  Le débat sur la professionnalisation renvoie à un mal plus profond  : une gigantesque crise de défiance ­envers le monde politique. Pour en venir à bout, l’installation d’une énième commission proposant des réformes d’ingénierie institutionnelle ne suffira pas  : il faut créer dans ce pays un grand moment délibératif sur le modèle de ce que propose l’universitaire américain James Fishkin, l’un des théoriciens de la démocratie participative. Les Français sont attachés à la démocratie mais leur insatisfaction envers son fonctionnement est immense. C’est un grand chantier, mais il faut prendre au sérieux la parole des citoyens et répondre à cette demande concernant la qualité de la démocratie.  »

    #parti_politique #France #technocratie #entre_soi cc @xavsch

    • J’ai tenté plusieurs fois de jouer le jeu démocratique depuis les coulisses et j’en étais arrivé au même constat.

      Comme dans l’ensemble de la société, la caste politique, qu’elle soit locale ou nationale, tente de justifier sa mainmise sur l’appareil de gouvernement de nos vies par sa seule qualité d’expert. Ainsi, le personnage politique n’est plus celui qui, parmi nous, va prendre quelque temps la charge de la coordination des intérêts communs, mais c’est « celui qui sait », et qui fera ce qu’il doit faire, en dehors de tout contrôle réel et concret de ses actes par la population dont il est en charge. Évidemment, ce point de vue justifie l’hermétisme de l’accès aux fonctions décisionnelles de notre démocratie. Puisque gouverner ne peut être que l’action de ceux qui savent, la professionnalisation du personnel politique devient un horizon indépassable et du coup, l’aspect hiérarchique et conservateur du dispositif est renforcé, au détriment de toute idée de représentativité, ce qui est antinomique de l’intention d’origine.

      http://blog.monolecte.fr/post/2014/03/25/lobsolescence-contrariee-de-notre-systeme-politique

  • Mort de Raymond Samuel Tomlinson, l’inventeur de l’#email
    http://lemonde.fr/disparitions/article/2016/03/07/disparition-de-raymond-samuel-tomlinson-l-inventeur-de-l-email_4877534_3382.

    Raymond Samuel Tomlinson, considéré comme l’inventeur du courrier électronique, est mort samedi 5 mars à l’âge de 74 ans. Son décès a été confirmé par son employeur, le groupe américain Raytheon, sans autre précision.

    (…) Contrairement à une légende, il n’est pas l’inventeur de l’#arobase, qui fut utilisée pour la première fois en 1536 par un marchand florentin du nom de Francesco Lapi. « On me demande souvent pourquoi j’ai choisi ce signe, mais c’était tout à fait logique », avait détaillé M. Tomlinson, expliquant qu’il lui fallait trouver « un moyen de distinguer le courrier local du courrier transitant sur le réseau ». A l’origine, « le but du signe était d’indiquer un prix unitaire [par exemple, 10 articles @1,95 dollar]. J’ai utilisé ce signe pour indiquer que l’utilisateur était “chez” [“at” en anglais] un autre hôte et non pas situé localement ». Le fait que le sigle n’apparaît dans aucun nom propre ou nom commun en faisait un outil idéal. User@host allait devenir la norme mondiale pour les courriers électroniques.

    La première expérience réelle est effectuée en 1971. « Le premier message a été envoyé entre deux machines qui étaient littéralement côte à côte », se souvenait-il. « Le seul lien physique qui les reliait [à part le sol sur lequel elles étaient posées] était l’Arpanet. Je me suis envoyé un certain nombre de messages à moi-même d’une machine à une autre. Les textes de ces messages n’étaient pas mémorisables et je les ai oubliés. Le premier message était probablement QWERTYUIOP ou quelque chose comme cela. Lorsque j’ai estimé que le programme semblait fonctionner, j’ai envoyé un message au reste de mon groupe, expliquant comment envoyer des messages sur le réseau. La première utilisation d’un réseau de #courriel annonçait sa propre existence. »

    #histoire #informatique #personnalités

  • Q: “what is truly the weakness of #alphago?”
    A: “I guess I lost the game because I was unable to find out what the weakness is. AHAHA”

    (Lee Sedol, champion du monde de #Go, lors de la conférence de presse après sa deuxième défaite face à l’#IA de Google)

  • #Apple ferme #Topsy ou « les #statistiques, c’est pas pour les masses »
    http://lemonde.fr/pixels/article/2015/12/16/apple-ferme-topsy-moteur-de-recherche-et-outil-statistique-pour-twitter_4833

    Topsy, le service d’analyse statistique et de recherche de messages Twitter, ferme ses portes, a annoncé l’entreprise dans un message... sur Twitter. Racheté 200 millions de dollars (environ 180 millions d’euros) par Apple il y a deux ans, le service avait cessé de renouveler ses abonnements payants il y a déjà un an. Apple n’a pas donné les raisons de cette décision.

    Mais on les devine aisément : pas question de laisser des outils d’analyse des #big_data au tout venant. Il y en a sans doute d’autres, mais je ne les connais pas (recherche à faire).

    • Les barreaux européens condamnent le projet de loi Urvoas
      http://www.affiches-parisiennes.com/reforme-penale-les-barreaux-europeens-condamnent-le-projet-de-

      « Tir groupé » contre le projet de loi « Urvoas » sur la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement. Après une dénonciation générale par les barreaux français et les représentants de la magistrature, ce sont désormais les barreaux européens, mobilisés par le barreau de Paris qui, dans une « déclaration de Barcelone », dénoncent les atteintes disproportionnées aux libertés individuelles prévues par ce texte.

      via @cie813 cc @chirine

      #PJLUrvoas, un permis de tuer et l’alibi de la lutte antiterroriste http://contre-attaques.org/magazine/article/pjlurvoas-un

    • Comment la réforme pénale  renforce les pouvoirs des procureurs
      http://lemonde.fr/societe/article/2016/03/04/reforme-penale-les-procureurs-prennent-la-main-sur-les-enquetes_4876575_3224

      Il reviendra désormais au procureur de s’assurer que les enquêtes diligentées par la police judiciaire sont bien menées à charge et à décharge – jusqu’à présent, cela était implicite, et les avocats dénonçaient régulièrement le risque d’investigations uniquement à charge. L’autorité des magistrats du parquet sur la police judiciaire est d’ailleurs renforcée avec la création d’une procédure disciplinaire d’urgence à l’encontre des enquêteurs.

      Le projet de loi prévoit aussi d’introduire dès le stade de l’enquête préliminaire le débat contradictoire avec les avocats et les personnes mises en causes ou perquisitionnées lors d’une procédure, ou dans les enquêtes complexes qui durent plus d’un an. Avec la possibilité pour les avocats notamment, comme c’est la règle lors d’une information judiciaire confiée à un juge d’instruction, de demander des actes (auditions, expertises…).

      Bref, la différence avec le juge d’instruction sera de plus en plus ténue. Comme lui d’ailleurs, le procureur est contraint pour certaines décisions de demander l’autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD). Comme lui, mais pour une durée plus limitée, il va pouvoir recourir aux nouvelles techniques d’enquête comme les IMSI catchers, ces valises-antennes qui captent les données de connexions mobiles. Il obtient également la possibilité, sous conditions, de demander la sonorisation, la vidéosurveillance ou la captation de données informatiques d’un suspect. Des outils jusqu’ici réservés à l’instruction.

    • La mutation numérique d’« El Pais »
      http://lemonde.fr/actualite-medias/article/2016/03/05/el-pais-se-prepare-au-tout-numerique_4877236_3236.html

      Le directeur du quotidien espagnol a annoncé, vendredi 4 mars, de profonds changements au sein du titre. Par Sandrine Morel, correspondante à Madrid.

      La lettre ouverte du directeur du quotidien espagnol El Pais, Antonio Caño, à ses salariés ne donne guère d’espoir sur l’avenir de l’édition imprimée du principal quotidien du pays. « Dans les prochains jours, la première phase des travaux qui conduiront à l’installation d’une nouvelle rédaction va se conclure. Et avec elle viendra le moment de la conversion d’El Pais en un journal essentiellement numérique, » avance le texte, publié sur le site du groupe, jeudi 3 mars.

      Malgré une amélioration sensible des résultats en 2015, M. Caño considère que le journal doit devenir « une grande plate-forme génératrice de contenus », tout en s’engageant « à continuer à publier une édition imprimée [...] durant tout le temps où cela sera possible ». Les hausses de 11,9 % des revenus publicitaires pour l’édition papier et de plus de 27 % pour l’édition numérique ont permis de compenser la baisse de 15 % de la distribution en kiosque (221 389 exemplaires par jour en moyenne), de réduire considérablement les pertes et donc d’approcher l’équilibre financier.

      « Nous continuons à être le journal de presse écrite le plus vendu en Espagne et nos éditions numériques ont obtenu ces dix-huit derniers mois des croissances spectaculaires », reconnaît d’ailleurs le directeur, nommé en 2014, peu après la crise interne provoquée par un plan social. Mais de préciser : « Cela ne signifie pas que la bataille soit gagnée ni que notre survie soit garantie. » Il évoque un « transfert des lecteurs du papier au numérique constant », mais aussi « l’apparition de menaces comme les bloqueurs de publicité » sur le Web, « associées à d’autres, plus connues, comme l’instauration de la "culture du gratuit" ».

      « De plus en plus américain »

      Cela fait plusieurs années que Juan Luis Cebrian, président de Prisa, le groupe éditeur d’El Pais (et par ailleurs actionnaire du Monde), va de congrès en conférences annoncer la mort prochaine du papier. Mais la lettre du directeur met noir sur blanc les changements à venir pour « avancer afin d’être, dans la mesure du possible, à l’avant-garde de ce changement ». M. Caño y détaille les réformes à venir : « Passer de l’intégration des rédactions à un nouveau système de synchronisation des équipes et des canaux » ou « composer une rédaction sans bureaux, ouverte à la collaboration et à l’échange d’idées, dans laquelle les équipes se mélangeront pour construire de nouvelles histoires ».

      Renforçant une stratégie mise en place en 2013 avec la création d’une édition destinée à l’Amérique latine hispanophone et une autre en portugais pour le Brésil, il confirme qu’El Pais « sera de plus en plus américain, car c’est en Amérique que notre croissance est la plus forte et notre expansion la plus prometteuse ». Afin d’atteindre ces objectifs, M. Caño explique que « le centre de [la] rédaction tournera autour d’un poste de pilotage ­moderne » qui intégrera aussi bien les journalistes que le développement technologique, la mesure d’audience et la promotion des articles sur les réseaux sociaux.

      La publication de la lettre ouverte a été précédée d’une réunion « tendue » avec les journalistes, selon l’un des participants, qui préfère garder l’anonymat et évoque une « ambiance très négative ».

      Prisa, pourtant, se redresse. Après des pertes de 2 milliards d’euros en 2014, le groupe de­­ ­communication a affiché 5,3 millions d’euros de bénéfices en 2015. Il a aussi réduit sa dette de 922 millions d’euros, à 1,6 milliard d’euros, grâce à la vente de la plate-forme de télévision payante Digital Plus à Telefonica et une augmentation de capital de 724 millions d’euros souscrite par le qatari Media Group International.

  • Les opposants à l’état d’urgence s’organisent
    https://www.mediapart.fr/journal/france/050116/les-opposants-letat-durgence-sorganisent

    Alors que l’exécutif entretient toujours le flou autour du renouvellement de l’état d’urgence, qui doit normalement se terminer le 26 février, la fronde augmente. Plusieurs tribunaux administratifs ont déjà remis en cause des #assignations_à_résidence ou des fermetures d’établissement. Demain doit être lancé un conseil d’urgence citoyenne, destiné à fédérer les opposants.

    #France #Bernard_Cazneuve #état_d'urgence #François_Hollande #libertés_publiques #Manuel_Valls

  • L’histoire de l’immigration, grande oubliée des nouveaux programmes du collège ? (Le Monde, 26/11/2015)
    http://lemonde.fr/education/article/2015/11/26/l-histoire-de-l-immigration-grande-oubliee-des-nouveaux-programmes-du-colleg

    Car pour ces historiens inquiets, la « prudence extrême » qui, disent-ils, a prévalu dans l’élaboration des nouveaux programmes fait courir le risque de passer à côté des attentes et des besoins du terrain. « On est face à des élèves qui assimilent parfois encore, même en fin de collège, immigrés et sans-papiers, témoigne Benjamin Marol, enseignant dans un collège de la Seine-Saint-Denis. Des gamins confrontés, au quotidien, à des images de migrants arrivant à la nage et qui déversent en classe leurs questions, leur indignation… Quand tu finis ton année et que tu entends encore tes élèves parler de “Franco-Français” ou de “Français de souche”, tu vois bien que l’#histoire de l’#immigration, ce n’est pas un danger. C’est plutôt un antidote ! »

    cc @blevaldu @vally @benoitb

    Voir notamment : http://www.monde-diplomatique.fr/2015/02/BREVILLE/52625

  • Se renouveler ou mourir, le dilemme de la #Hadopi (Le Monde, 25/11/2015 via @opironet)
    http://lemonde.fr/economie/article/2015/11/25/se-renouveler-ou-mourir-le-dilemme-de-la-hadopi_4816784_3234.html

    En ce qui concerne la riposte graduée, qui consiste à mettre en garde l’internaute à trois reprises avant de possibles poursuites judiciaires, la machine tourne aujourd’hui à plein régime, ou presque. Au total, la Hadopi a envoyé, depuis 2010, près de 5,4 millions d’avertissements à des internautes contrevenants, selon son rapport 2015. Mais seulement 361 signalements ont été transmis au procureur de la République. Preuve de cette frénésie, les frais postaux et de télécommunications représentent le troisième poste de dépense (480 000 euros), après les charges de personnel et la location de locaux.

  • Climat d’#insécurité (Le Monde, 23/11/2015)
    http://lemonde.fr/cop21/article/2015/11/23/climat-d-insecurite_4815296_4527432.html

    En fait, le #changement_climatique est directement lié à l’augmentation de la menace terroriste (…), a-t-il expliqué. Si nous n’écoutons pas ce que les scientifiques nous disent, nous allons voir des pays tout autour du monde – c’est ce que dit la CIA – se battre pour l’accès à l’eau, pour l’accès aux terres arables, et nous verrons surgir toutes sortes de #conflits. »

    Lire aussi « Aux origines climatiques des conflits » (août 2015) https://www.monde-diplomatique.fr/2015/08/SINAI/53507

    L’effondrement du système agricole syrien résulte d’un jeu complexe de facteurs dont le changement climatique, une mauvaise gestion des ressources naturelles et la dynamique démographique. Cette « combinaison de changements économiques, sociaux, climatiques et environnementaux a érodé le contrat social entre les citoyens et le gouvernement, catalysé les mouvements d’opposition et irréversiblement dégradé la légitimité du pouvoir d’Assad », estiment Francesco Femia et Caitlin Werrell, du Centre pour le climat et la sécurité (3). Selon eux, l’émergence de l’Organisation de l’Etat islamique (#OEI) et son expansion en #Syrie et en Irak résultent en partie de la sécheresse. Et celle-ci ne relève pas seulement de la variabilité naturelle du #climat. Il s’agit d’une anomalie : « Le changement du régime des précipitations en Syrie est lié à la hausse moyenne du niveau de la mer dans l’est de la Méditerranée, cumulée avec la chute de l’humidité du sol. Aucune cause naturelle n’apparaît dans ces tendances, alors que la sécheresse et le réchauffement corroborent les modèles de réponse à la hausse des gaz à effet de serre », estime la revue de l’Académie des sciences américaine (4).

    • On peut ajouter « Why a Climate Deal Is the Best Hope for Peace », de Naomi Klein et Jason Bow
      http://www.newyorker.com/news/news-desk/why-a-climate-deal-is-the-best-hope-for-peace

      We are finally starting to recognize that climate change leads to wars and economic ruin.

      ...le Prince Charles :

      And, in fact, there’s very good evidence indeed that one of the major reasons for this horror in Syria, funnily enough was a drought that lasted for about five or six years, which meant that huge numbers of people in the end had to leave the land.

      http://www.telegraph.co.uk/news/uknews/prince-charles/12010746/Prince-Charles-Climate-change-failure-is-a-factor-behind-Syrian-crisis.

      ... ou encore John Kerry et ses « Remarks on Climate Change and National Security »
      http://www.state.gov/secretary/remarks/2015/11/249393.htm

      Today I am pleased to announce that I will be convening a task force of senior government officials to determine how best to integrate climate and security analysis into overall foreign policy planning and priorities. For example, the strategic plans our embassies use should account for expected climate impacts so that our diplomats can work with host countries to focus on prevention – to proactively address climate-driven stresses on people’s livelihoods, health, and security and to do it before it evolves into deep grievances that fuel conflicts.

      #réductionnisme_climatique

      Puisque l’article du Monde parle de l’article de Francesca de Chatel pour justifier les propos de Bernie Sanders le lendemain des attentats, citons-en un extrait :

      In the case of Syria, where there are so many other evident causes of the current conflict, it seems unproductive to focus on the possible role of climate change in the uprising, or indeed in possible future conflict. Climate change may cause more frequent and harsher drought in Syria, but the ongoing failure to rationalize water use and enforce environmental and water use laws certainly constitutes a much greater threat to the country’s natural resources. Rather than seeing the 2006–10 drought in north-eastern Syria as a harbinger of catastrophic climate change and conflict scenarios, it should be considered on the backdrop of years of mismanagement, unsustainable policy making and rising rural poverty, which fuelled pre-existing discontent and sparked the first protests.While the 2007/8 season registered as the worst regional drought in 40 years, the overall impact of the 2006–10 drought in north-eastern Syria was undoubtedly exacerbated by a long legacy of resource mismanagement.

      http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00263206.2013.850076?journalCode=fmes20

      On peut aussi citer « Over-grazing and desertification in the Syrian steppe are the root causes of war »
      http://www.theecologist.org/News/news_analysis/2871076/overgrazing_and_desertification_in_the_syrian_steppe_are_the_root_caus


      The picture [taken in March 2008] portrayed a fence separating a steppe terrain in two parts: the area on the left was open to sheep grazing; the area on the right had been instead protected for at least 10 years. The image revealed a lunar rocky landscape on the left, and a blossoming pasture on the right.

      The image simply evidences, without need for any words, that the Syrian steppe ecosystem is perfectly adapted to cope with droughts - yes, even with extreme droughts exacerbated by climate change. However, this landscape can succumb easily to human irrationality and indifference.

  • En écho au « pas de juridisme, avançons » du premier ministre Manuel Valls et à la prolongation de trois mois de la loi sur l’#état_d'urgence, votée par les deux assemblées, et qui sera promulguée demain mercredi 25 novembre 2015.

    Etat d’urgence : à l’Assemblée, le temps des faucons
    https://www.mediapart.fr/journal/france/191115/etat-durgence-l-assemblee-le-temps-des-faucons?onglet=full

    Le député d’extrême droite Gilbert Collard se félicite que « la notion de comportement » suspect soit désormais inscrite dans la loi. « C’est un glissement sémantique important, une rupture avec les principes fondamentaux de notre droit moderne », prévient Marie-Françoise Bechtel, proche de Jean-Pierre Chevènement, qui est aussi conseillère d’État. L’argument est balayé. Lorsque de rares députés PS proposent des assouplissements, Manuel Valls leur rétorque que « la situation exceptionnelle oblige à prendre des mesures immédiates ». Il a cette phrase, lancée à des parlementaires censés écrire le droit : « Pas de juridisme, avançons ! C’est là où nous sommes attendus ! » Les radicaux de gauche du PRG obtiennent le contrôle des sites djihadistes par le ministre de l’intérieur : un durcissement de la loi antiterrorisme, votée il y a un an à peine...

    Sur les bancs, l’ancienne ministre Cécile Duflot se fait discrète. Elle critique les bracelets électroniques. « La décision que vous demandez de prendre va très loin, surtout sur la base d’un seul comportement. » Mais comme attendu, elle vote finalement pour la prolongation de l’état d’urgence.

    Les communistes eux aussi sont étrangement absents. Ils ne défendent même aucun amendement. « C’était un choix délibéré. Dès lors que les choses étaient bouclées, nous ne voulions pas faire du tricotage parlementaire », se défend André Chassaigne, leur président. Écologistes, communistes et certains socialistes jurent qu’ils mèneront la grande bataille sur la réforme constitutionnelle à venir. Vers 14 h 30, la séance est levée. Les députés repartent bien vite vers leurs circonscriptions en tirant leurs valises.

    On serait donc plutôt face à une évolution / amélioration de cette loi ? https://www.mediapart.fr/journal/france/191115/bastien-francois-la-reforme-constitutionnelle-est-au-mieux-inutile-au-pire

    Bastien François, prof de droit constit à Paris I : Elle a été élaborée il y a soixante ans et il y a donc des différences dans la manière dont les gens se déplacent et communiquent. Les formes de menaces ont changé avec des groupes dispersés qui communiquent très rapidement. Les nécessités de contrôle ne sont donc pas les mêmes. On peut comprendre que pour l’efficacité policière du moment, il était nécessaire de moderniser la loi de 1955.

    Cela dit, cette loi demeure brutale, pour rester dans l’euphémisme, particulièrement sur les conditions de la résidence surveillée, qui sont très floues et fondées sur le comportement des individus. Cela rend le contrôle du juge a posteriori plus difficile, parce qu’il va devoir juger de l’adéquation entre une forme de rétention et des comportements. Sur ce point, cela donne une latitude sans doute trop large aux forces de police.

    Moindre mal ?

    Les défenseurs des libertés avaient renoncé de longue date à tout idéal. Depuis les attentats du 13 novembre, ils ne rêvent plus que d’un « moindre mal ».Pour les juristes, l’état d’urgence est « un moindre mal »

    http://lemonde.fr/attaques-a-paris/article/2015/11/19/pour-les-juristes-l-etat-d-urgence-est-un-moindre-mal_4812938_4809495.html