• Olivier Crasset, La santé des artisans. De l’acharnement au travail au souci de soi
    http://lectures.revues.org/23454

    Le point de départ de l’ouvrage est un paradoxe statistique : dans les enquêtes quantitatives, les artisans apparaissent en meilleure santé que les salariés partageant des situations professionnelles, et donc des conditions de travail, similaires, et ce toutes choses égales par ailleurs. Olivier Crasset montre cependant que les problèmes de santé des artisans sont massivement sous-évalués par ces enquêtes déclaratives, à la fois pour des raisons économiques liées au statut d’indépendant et pour des raisons sociologiques liées à la culture somatique propre aux artisans.

    L’approche a l’air à la fois classique (dans la droite ligne des travaux de Boltanski) et féconde :

    Les artisans sont nombreux à refuser les soins et repousser ou écourter les arrêts maladie. Cela pourrait être interprété comme un désintérêt de leur part pour leur santé, ce que font parfois les professionnels de santé ; il s’agit en fait d’une façon particulière de gérer leur capital corporel dans un contexte de travail où le corps est leur premier outil. Ces comportements s’expliquent tout d’abord par des raisons économiques. Olivier Crasset identifie ce qu’il appelle un rapport biologico-économique de l’artisan à son entreprise. La santé financière de l’entreprise conditionne la possibilité pour l’artisan de refuser les travaux les plus pénibles ou d’améliorer ses conditions de travail et, inversement, un capital corporel important et bien entretenu sous-tend la capacité de l’entreprise à dégager du bénéfice. Les conditions économiques (intensité de la concurrence, niveau de la demande, facilité du crédit bancaire) influencent donc directement la santé des artisans et leur capacité à s’épargner. Deuxièmement, les artisans partagent dans leur ensemble un habitus caractéristique des classes populaires, structuré par un ethos de l’effort et un rapport instrumental au corps1. Il s’agit alors de « tirer » sur le corps, de l’utiliser jusqu’à ses limites, en s’arrêtant juste avant qu’il ne devienne inutilisable et que cela ne mette en péril la viabilité de l’entreprise. Cet ethos de l’effort va parfois jusqu’à des comportements proches d’une consommation ostentatoire du capital corporel : Olivier Crasset décrit chez les jeunes apprentis et artisans des démonstrations de force inefficaces du point de vue professionnel, mais dont le but est d’affirmer la place de l’individu dans ce groupe social (ainsi des jeunes ferronniers battant des métaux pas assez chauds pour être totalement malléables).

    #sociologie #corps #santé #travail

  • Quentin Schnapper, L’étrange défaite de la gauche. Approche ethnographique du porte-à-porte socialiste lors des municipales de 2014 à Toulouse
    http://lectures.revues.org/23343

    Alors que, en ciblant prioritairement les « abstentionnistes de gauche », le porte-à-porte « modernisé » doit permettre aux socialistes de renouer avec des classes populaires auxquelles ils ne parlent plus6, sa mise en œuvre concrète ne respecte que peu les préconisations officielles. Les responsables des Sections toulousaines préfèrent avant tout concentrer leurs efforts sur les quartiers qui votent habituellement à gauche afin de mobiliser leur « clientèle électorale ». Dans un parti dominé, à Toulouse comme ailleurs, par les classes intellectuelles supérieures et les fonctionnaires, les Sections les plus dynamiques sont situées au cœur de la ville ; au contraire, la mobilisation militante dans les « banlieues » est laborieuse en raison de la faiblesse numérique des socialistes sur ces territoires qu’ils ont désertés depuis de nombreuses années7. Ce n’est donc que dans l’urgence des derniers jours de la campagne que les militants se rendent dans les quartiers populaires pour tenter de convaincre les abstentionnistes de se rendre dans l’isoloir.

    #sociologie #politique #ethnologie #anthropologie #parti-socialiste

  • Michelle Zancarini-Fournel, Les luttes et les rêves. Une #histoire populaire de la France de 1685 à nos jours
    http://lectures.revues.org/23332

    1On peut s’étonner que cet ouvrage n’ait point suscité la polémique. Peut-être eût-il fallu que l’auteure soit professeure au Collège de France pour s’attirer le même courroux que Pierre Nora manifestât à l’encontre de Patrick Boucheron et son Histoire mondiale de la France. Elle aurait peut-être alors connu l’honneur d’être traitée de « Bourdieu historienne du Collège de France ». Ou bien les foudres de Patrice Gueniffey qui frappaient cette même Histoire mondiale de la France1 du label d’histoire « culpabilisante et honteuse », tout en affirmant le mérite d’un récit national permettant de définir « une identité collective ordonnée autour de l’idée de liberté »2. Parce que, tout de même, cette Histoire populaire de la France s’ouvre avec l’instauration du Code noir et l’histoire de l’esclavage aux Antilles dont la destinée est présente tout au long du livre. Cette « idée de liberté » chère à Gueniffey n’est donc pas si partagée, idéal pour certains, horreur pour d’autres du moment qu’elle ne leur est pas propriété exclusive. Et à ceux qui voudraient ordonner téléogiquement l’histoire de la France autour de quelques grands principes ou grands hommes, faisons remarquer que l’ouvrage présente une histoire de France. Une question de choix, à opérer dans ce réel infini à la description, qui dit tout à la fois une position modeste et résolue.

    #livre

  • « Justiciers hors-la-loi », Politix revue des sciences sociales du politique
    http://lectures.revues.org/23256

    "Ce numéro thématique de la revue Politix publié sous la direction de Gilles Favarel-Garrigues et Laurent Gayer jette un regard décapant sur le renouveau du vigilantisme, c’est-à-dire sur une gamme de plus en plus diversifiée d’initiatives citoyennes dont la vocation proclamée est de maintenir l’ordre ou d’exercer la justice. Il réunit six articles qui examinent, chacun à sa manière, la contribution du concept de vigilantisme à l’analyse de ce phénomène protéiforme. Selon Favarel-Garrigues et Gayer, même si aucune définition de cette notion ne fait l’unanimité : « [elle] recouvre [minimalement] un certain nombre de pratiques collectives coercitives, mises en œuvre par des acteurs non étatiques afin de faire respecter certaines normes (sociales ou juridiques) et/ou d’exercer la “justice” » (p. 17).

    2Grâce à une pluralité de méthodes et de corpus, les auteurs ont examiné différents types d’opérations de police (renseignement, surveillance, point de contrôle, patrouille, fouille, traque, quadrillage, neutralisation) menées par ceux que la littérature anglophone appelle les vigilantes afin de mettre hors d’état de nuire les personnes qu’ils considèrent comme des menaces pour leur communauté. Forts d’une approche inductive, ils étudient par le bas, à partir de récits de vie, d’enquêtes ethnographiques ou d’observations directes, les mécanismes vernaculaires de contrôle social, ainsi que les pratiques officieuses de maintien de l’ordre et de justice populaire. Ce numéro thématique aborde les mutations contemporaines du vigilantisme à partir de deux tournants distincts : d’abord celui de sa féminisation, ensuite celui de sa technicisation et de son virage expert.

    3Le poids de l’engagement individuel et de la participation des femmes dans les organisations locales de sécurité est encore peu exploré dans la littérature scientifique. Atreyee Sen a examiné à nouveaux frais les causes (protection, rétribution, sécurité économique et matérielle), les formes d’expression (quasi-tribunal populaire, rituel de vérification, bastonnade, lynchage) et les cibles (hommes aux comportements violents ou prédateurs, musulmans) du vigilantisme féminin en Inde. À partir d’une organisation de femmes marginalisées (l’Aghadi), associée à un mouvement d’extrême droite xénophobe, nationaliste, patriarcal et particulièrement violent (Séna), Atreyee Sen décrit comment le vigilantisme « offre aux femmes un espace pour façonner des discours et des pratiques d’émancipation » (p. 35). L’adhésion à une telle organisation féministe, non seulement confère aux femmes le sentiment d’être protégées mais elle leur donne également une autorité et « une chance de s’intégrer dans un nouveau réseau social et politique, au sein duquel elles peuvent trouver une solution à leurs insécurités [multiples] et à leurs expériences de l’aliénation » (p. 52). Ces femmes mettent en œuvre au fil des années, à l’échelle locale, une justice expéditive de proximité pour servir et protéger les intérêts des femmes, non sans violence. Ce vigilantisme féminin s’abrite pour ainsi dire derrière le prétexte d’une lutte nationaliste et religieuse pour formuler des revendications féministes, c’est-à-dire conquérir au prix de haute lutte des acquis économiques et sociaux pour les femmes."

  • Alexandre Baumann, Les #inégalités #hommes-femmes en question. Entre choix, éducation et rationalité
    http://lectures.revues.org/22995

    En publiant sur ce sujet, l’auteur annonce vouloir susciter, en particulier auprès des décideurs, des politiques publiques et des éducateurs, une prise de conscience de l’étendue et des conséquences négatives de la #domination_masculine. En raison de cette démarche militante, l’ouvrage se destine à un large public et adopte une approche « pratique ». Pour ce faire, les considérations théoriques sont limitées et le développement s’appuie sur des illustrations chiffrées et des exemples tirés d’études sociologiques. De plus, des encadrés où sont citées d’autres publications, leurs thèmes et leurs apports incitent le lecteur à aller plus loin dans sa réflexion, faisant de ce livre une porte d’entrée dans le sujet.

    • A lire le résumé la thèse du mec en 4 partie c’est que le sexisme c’est ;
      1 - la faute des femmes qui font le choix des secteurs mal payés,
      2 - la faute des femmes qui font le choix « rationnel » (c’est lui qui trouve ca rationnel !) de laver les chiottes dans leurs couples.
      3 - la faute des femmes qui n’ont pas autant d’assurance que les hommes pour négocié leurs augmentations de salaire.
      4 -

      le mode d’organisation des entreprises ne serait pas sexiste mais pragmatique et la preuve en serait que les hommes gravissent les échelons plus vite que les femmes dans les organisations féministes

       !!!!! Je trouve pas les mots tellement ca me semble incohérent. Si les hommes gravissent plus vite les échelons des organisations féministes, c’est que dans ces organisations comme ailleurs ils sont privilégiés.

      En fait c’est simple dans le monde de l’entreprise les seules qui sont sexistes ce sont les femmes, puisqu’elles font des choix tellement WTF.

      127 pages d’un tel #mansplanning aveugle à toute notion de #sexisme et qui s’approprie les recherches féministe pour les détruire, et les rendre inopérantes, je pense que le bouquin a un très gros potentiel médiatique.

  • ARCS : une nouvelle revue consacrée à l’analyse des réseaux
    http://lectures.revues.org/22887

    Le groupement de #recherche (GDR) Analyse de #réseaux en #SHS du CNRS a le plaisir d’annoncer le lancement de la revue à comité de lecture ARCS – Analyse de réseaux pour les sciences sociales / Network analysis for social sciences. Cette revue pluridisciplinaire, consacrée à l’analyse de réseaux en sciences humaines et sociales, publie des articles inédits en français ou en anglais.

  • Anne-Laure Beaussier, La santé aux États-Unis. Une histoire politique
    http://lectures.revues.org/21820

    Les politiques américaines en matière de santé étonnent souvent les auteur·e·s français·e·s et leur lectorat, qui appréhendent avec difficulté des institutions politiques si différentes des leurs. Le livre d’Anne-Laure Beaussier, issu de son travail de thèse, tente précisément d’aborder ces questions en cherchant à comprendre les réformes des réglementations fédérales des assurances santé (health insurance). Son travail s’est concentré sur les procédures législatives du Congrès américain, du début du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui. Le projet de l’auteure est de montrer comment les procédures parlementaires et partisanes, ainsi que leurs transformations au cours du temps, conditionnent les réformes de santé dans leur contenu. La démarche s’inscrit dans une perspective très institutionnaliste du politique, abordant les réformes politiques sous un angle qui relève peu leurs enjeux sociaux, comme le concède l’auteure en écrivant que ses « postulats se rapprochent du néo-institutionnalisme centré sur les acteurs » (p. 224). En s’appuyant sur l’analyse de la documentation parlementaire et des entretiens avec certains témoins des réformes étudiées, le livre présente chronologiquement les évènements parlementaires liés à des propositions de modification législative sur la participation fédérale au financement de la couverture individuelle des soins.

  • Aaron Shkuda, The Lofts of SoHo. #Gentrification, Art, and Industry in New York, 1950-1980
    http://lectures.revues.org/21754

    Les forces économiques, politiques, sociales et culturelles ne cessent de redessiner les espaces urbains aux États-Unis, et la configuration de New York illustre parfaitement ce phénomène, tant sa géographie continue de refléter les transformations sociétales. Le concept de gentrification, c’est-à-dire l’embourgeoisement d’un quartier populaire, revient très souvent pour expliquer ces évolutions. La simple notion de classe sociale ne suffit pourtant pas à rendre compte de la #complexité du phénomène de gentrification, puisque ce dernier fait également intervenir, entre autres, des perspectives raciales et ethniques. Aaron Shkuda prend d’abord le quartier de Bushwick, dans l’arrondissement (borough) de Brooklyn, comme une illustration contemporaine des vagues de transformations urbaines, qui ont fait de zones industrielles mal famées, des colonies artistiques, puis des quartiers résidentiels huppés, Il se tourne ensuite vers SoHo, considéré comme le premier quartier à avoir connu de telles transformations. L’auteur retrace alors l’histoire de SoHo, qui reste encore associé à un milieu bohème et artistique, bien que cette représentation soit de moins en moins pertinente à l’heure actuelle, puisque le processus de gentrification a fait de SoHo l’un des quartiers les plus opulents de la ville. Ce processus n’est d’ailleurs pas récent, comme en témoigne l’évolution des populations habitant SoHo dans la période suivant la Seconde Guerre mondiale.

  • Séverine Chauvel, Course aux #diplômes : qui sont les perdants ?
    http://lectures.revues.org/21586

    Ces courts essais de synthèse sont des exercices très difficiles ; c’est d’autant plus vrai qu’ils traitent de questions fort complexes et que, par ailleurs, ils s’aventurent sur des sujets très largement balayés par les chercheurs. C’est pourtant le pari courageux que fait Séverine Chauvel en abordant la question de la reproduction des inégalités d’une génération à l’autre, en 134 pages… Dans les pays comme la France qui prétendent fonctionner selon un principe de #méritocratie, ce sont les diplômes, censés certifier les mérites, qui sont les vecteurs considérés comme légitimes de la distribution des places. Mais les diplômes sont inégalement accessibles, et pas seulement selon les mérites de chacun. Et Séverine Chauvel de questionner en trois étapes les grains de sable qui viennent enrayer la machine méritocratique, dans un contexte où la politique du « tout diplôme » a fait augmenter de manière spectaculaire le nombre de diplômés.

    #exclusion #inégalités #discrimination

  • Carine Guérandel, Le #sport fait mâle
    http://lectures.revues.org/21203

    2Dans un premier chapitre, l’auteure retrace de manière claire et précise l’histoire des politiques d’intégration par le sport depuis le début des années 80 et la première « crise des banlieues » et en propose une analyse sous l’angle du genre. Elle montre comment, en se focalisant sur l’insertion et la #socialisation des garçons de cité - ces jeunes considérés comme « potentiellement dangereux »-, les filles ont été « oubliées » des dispositifs, provoquant inévitablement des #inégalités entre les sexes dans l’accès aux pratiques sportives et plus largement dans les espaces sociaux dans lesquels ils évoluent. Elle étaye et complète ses propos par une analyse de la vision naturalisante et stigmatisante du « garçon arabe »2 principalement véhiculée par les médias et de la figure, elle aussi stéréotypée, de la « fille de cité », la plupart du temps « beurette victime » mais aussi crapuleuse3 ou « fille voilée ». Cela lui permet de poser la question de l’influence de ces #stéréotypes sur le monde sportif et notamment sur les politiques sportives et actions menées à destination des filles.

  • Nextbike: Call a Bike bekommt Konkurrenz in Berlin | Berliner Zeitung
    http://www.berliner-zeitung.de/berlin/fahrradverleih-nextbike-macht-call-a-bike-konkurrenz-in-berlin-2404

    Call a Bike soll mehr Konkurrenz bekommen. Ein anderes Unternehmen gewann den Wettbewerb, mit dem das Land einen Betreiber für ein subventioniertes Fahrradverleihsystem gesucht hatte.

    Nach Informationen der Berliner Zeitung soll die Firma Nextbike den Fünf-Jahres-Vertrag erhalten. Doch bislang konnte der Senat ihr nicht den Zuschlag erteilen, weil ein Mitbewerber die Entscheidung überprüfen lässt. Die DB ist vor die Vergabekammer gezogen.

    #Berlin #Transport #Verkehr #sharing_economy

    • Tja, teuer wird das auf jeden Fall mit dem berlineigenen Fahrradverleih. Ein positiver Effekt ist in Berlin mit seiner flachen Topographie kaum zu erwarten, und einem unrentablen Produkt mit einer noch weniger rentablen Lösung Konkurrenz zu machen, kann nur den verwirrrten Köpfen Berliner Flughafenplaner (auch Politiker gennant) entspringen. Noch eine Geschichte, die viel Satirepotenzial (jaja, Po-ten-zial ...) entwickeln wird.

      Frédéric Héran, Le retour de la bicyclette. Une histoire des déplacements urbains en Europe de 1817 à 2050
      https://lectures.revues.org/15819

      Le choix de développer des vélos en libre-service s’avère économiquement très coûteux (jusqu’à 4 000 euros par an et par vélo à la charge de la collectivité) et n’a que très peu d’effet sur la part du vélo dans les déplacements urbains. L’installation de parkings à vélos dans les gares ou la réduction de la vitesse à 30 km/h dans l’ensemble d’une ville s’avèrent des choix bien moins coûteux et grandement plus efficaces Augmenter la part des déplacements en bicyclette des 2% actuels à 25% (objectif que l’auteur juge réalisable) engendrerait des bénéfices énormes et quantifiables en termes de santé publique et profiterait à l’ensemble de la société

      Rechnen wir mal nach: 2000 Fahrräder à € 4000,00 macht 8 Millionen Kosten für die Stadt. Da könnte man auch ein paar Vertreter vom Berlinmarketing am Flughafen aufstellen, die jedem Touristen einen Taxigutschein als Willkommensgeste in die Hand drücken. Werbe- und Umwelteffekt wären um Dimensionen größer.

      #Fahrrad #Kopfgeburt #WTF

  • Flexibilité des chômeurs, mode d’emploi. Les conseillers à l’emploi à l’épreuve de l’activation, Lynda Lavitry
    http://lectures.revues.org/20620

    La fusion entre l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et l’Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Assedic) opérée en 2008 et effective en 2009 a considérablement occupé la sphère publique et médiatique pendant de nombreux mois, tout particulièrement dans un contexte d’augmentation importante du nombre de demandeurs d’emploi. Allant au-delà des aspects largement publicisés d’une institution en profond changement, la recherche menée par Lynda Lavitry propose de s’intéresser au traitement bureaucratique contemporain des chômeurs et de s’interroger quant au rôle des conseillers de Pôle emploi en tant qu’intermédiaires publics de l’emploi. À travers un dispositif ethnographique ambitieux inspiré de la tradition interactionniste de l’École de Chicago, l’auteur livre ici une étude approfondie des coulisses du « nouveau » service public de l’emploi.

    2Dans un premier chapitre, l’auteure expose clairement sa posture, son terrain multisitué et son approche méthodologique. Faisant de l’entretien entre le conseiller à l’emploi et le chômeur le cœur de son enquête, elle a donc construit son dispositif méthodologique autour de la pratique de l’observation in situ, facilitée par la réalisation de sa thèse via l’obtention d’un contrat de recherche « Convention industrielle de formation par la recherche » (CIFRE) avec l’institution. Ainsi, Lynda Lavitry a pu observer 202 entretiens entre conseillers et demandeurs d’emploi au sein de 9 agences #Pôle_emploi, et mener elle-même 68 entretiens avec des conseillers. Si le dispositif est largement inspiré des méthodes ethnographiques de l’École de Chicago, Lynda Lavitry explicite sa posture, en soulignant comment elle s’inscrit dans le croisement de sociologies sectorielles, entre sociologie pragmatique, sociologie politique et sociologie des organisations.

    2 Comme le souligne l’auteure, il s’agit ici d’analyser, « leurs caractéristiques sociodémographiques (...)
    3 « L’#activation recouvre en tout cas, de manière centrale, une dimension contractuelle, qui vise à i (...)
    3En préalable à l’explicitation des données de l’enquête, l’auteure dresse la morphologie sociale des conseillers à l’emploi, notamment via les aspects de leur identité professionnelle au sens de Hughes2. Elle observe une féminisation importante des conseillers, leur nette surqualification et une certaine valorisation morale du travail. Elle souligne également ce qu’elle nomme des « parcours empêchés », puisque bon nombre de conseillers n’ont pas choisi par vocation leur métier mais plutôt par défaut, suite à des trajectoires professionnelles #précaires ou des échecs à d’autres concours administratifs. Ces conseillers sont soumis à de fortes injonctions paradoxales, liées à la tutelle de l’État, qui non seulement induisent un déficit de légitimité sociale de leur fonction mais les mettent également en tension entre une logique civique, « plutôt orientée vers une action contre-sélective en faveur des chômeurs » et une #logique_technico-commerciale, « plutôt orientée vers la satisfaction des offres des entreprises » (p. 50). Si les limites floues et réversibles du métier de conseiller à l’emploi ne vont pas sans difficultés et doutes, son utilité sociale demeure incontestable. Cette morphologie sociale des conseillers à l’emploi est enrichie par une présentation du contexte sociohistorique de l’ANPE, depuis sa création en 1967 jusqu’à sa fusion avec les Assedic pour devenir Pôle Emploi en 2009. Les transformations opérées par l’institution portent la marque des politiques publiques de l’emploi qui se sont succédées en France et mettent en évidence trois étapes : la première de 1970 à1980, principalement axée sur des interventions directes et massives en faveur de l’emploi ; la seconde dans les années 1990, privilégiant le traitement social et économique du chômage ; la troisième de la fin des années 1990 au début des années 2000, qui introduit la notion centrale d’activation et les mesures plus focalisées sur l’individu et son employabilité. Dans ce contexte, l’auteure souligne les formes et les bouleversements organisationnels induits par l’émergence d’une #rationalité_gestionnaire au sein de l’institution : gestionnarisation de l’accompagnement, notamment via le passage d’indicateurs d’activité à des indicateurs d’efficacité pour l’évaluation des conseillers, et un Suivi mensuel personnalisé (SMP) non dénué d’ambivalence, pour le suivi des demandeurs d’emploi ; gestionnarisation du tri des chômeurs, notamment à travers le #profilage, qui illustre comment la notion de parcours est davantage liée aujourd’hui à la #recrutabilitié de l’individu qu’à son employabilité ; gestionnarisation des #sanctions, enfin, à travers leur net renforcement.

    #chômeurs

  • Le bourg et l’atelier
    http://universitepopulairetoulouse.fr/spip.php?article658

    Julian MISCHI est venu en 2015 présenter son livre "Le communisme désarmé". Il sera là une nouvelle fois le 23 mars pour présenter son nouvel ouvrage "Le bourg et l’atelier". A 18h à la librairie Terra Nova et à 20h30 à la bourse du travail. Les livres traitant de la classe ouvrière, du syndicalisme ne font pas la une des journaux, car ils contredisent le discours dominant sur la « soi disant fin de la classe ouvrière "Les ouvrier-e-s sont moins syndiqué-e-s, connaissent des périodes longues de (...)

    #Mémoire_du_mouvement_social

    « http://terrainsdeluttes.ouvaton.org/?p=5548 »
    « http://lectures.revues.org/20345 »

  • Maurice Halbwachs, Keynes, abstraction et expérience. Sur la théorie générale
    http://lectures.revues.org/20243

    À la fin des années 1930, Maurice Halbwachs publie deux comptes rendus et deux notices bibliographiques consacrés à la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie de l’économiste britannique John Maynard Keynes. Gilles Montigny indique que la publication des articles d’Halbwachs vise autant à réhabiliter ses propres travaux économiques qu’à offrir au lecteur une entrée didactique dans l’ouvrage complexe de Keynes. On ignore souvent qu’Halbwachs a été le second commentateur français de l’ouvrage de Keynes, et également que l’école française de sociologie s’est activement investie au sein de la discipline économique. La préface de Gilles Montigny nous offre d’abord un point de vue étayé sur le parcours universitaire d’Halbwachs ainsi que sur la position de cette école de pensée. On apprend que ce sociologue a été introduit dans le cercle des durkheimiens par Simiand, qu’il a participé activement à la publication de comptes-rendus dans la revue de Durkheim, L’année sociologique, devenant même le plus prolifique parmi ses rédacteurs. Halbwachs s’est penché notamment sur Pareto et Pigou, et il est l’un des premiers à commenter l’œuvre de Schumpeter. Montigny indique par ailleurs qu’Halbwachs ne s’est pas désintéressé de questions pratiques, ayant participé à une commission du Bureau international du travail en 1936 et à la Société des Nations en 1937. L’intérêt de la préface est aussi qu’elle donne un point de vue sur la réception de l’œuvre de Keynes. Très peu de chercheurs s’y intéressent en France, ce qui n’est pas sans liens avec le fait que le puissant Comité des Forges2 a repoussé la traduction de la publication française de la Théorie générale car il le percevait comme un ouvrage communiste. Halbwachs, un des rares commentateurs de Keynes avec l’économiste libéral Étienne Mantoux, a donc dû travailler à partir de la version anglaise de la Théorie générale.

    Dans les textes qu’Halbwachs dédie à la Théorie générale, celui-ci insiste sur les passages dans lesquels Keynes mêle des perspectives économiques et psychologiques. En effet, cette interdisciplinarité ne pouvait manquer d’intéresser Halbwachs qui a consacré la majeure partie de son œuvre à l’étude des comportements d’achat de la classe ouvrière, portant ainsi un regard sociologique sur l’objet privilégié des économistes. Il s’attèle par exemple à réfuter le postulat économique en vigueur à son époque selon lequel la répartition des dépenses des ménages dans leur budget est fonction du revenu seul qu’ils reçoivent. Au contraire, selon lui, le critère du revenu n’est que secondaire, puisque c’est la force des habitudes contractées par les individus, qui sont issus de milieux sociaux différents qui leur impose une certaine forme de consommation. Pour lui, le problème est que les économistes raisonnent à partir d’un modèle unifié de l’agent économique, c’est-à-dire un consommateur qui est irréductible à ses appartenances sociales. Or, les dispositions forgées au sein d’un groupe social affectent les comportements de consommation des membres de ces groupes sociaux, cela explique par exemple le fait qu’une hausse du revenu d’un ouvrier n’induit pas qu’il adopte le mode de vie de la catégorie qui lui est supérieure. C’est pourquoi « dans la répartition des dépenses, s’exprime l’opinion que chacun de ces groupes a de lui-même »

  • Catherine Rouvière, Retourner à la terre. L’utopie néo-rurale en Ardèche depuis les années 1960
    http://lectures.revues.org/20098

    L’exode rural a traditionnellement été plus étudié que le mouvement inverse d’#exode_urbain. L’acuité des problèmes environnementaux et la recherche de solutions face à un système à bout de souffle ont cependant entraîné une médiatisation et un regain d’intérêt récents pour les écovillages, l’éco-habitat, le « #retour_à_la_terre »... À partir de l’exemple « métonymique »1 de l’Ardèche, la publication de Catherine Rouvière resitue ce retour à la terre dans un contexte économique et social, analyse finement ses modalités et surtout montre que, bien loin d’avoir été anecdotique, ce phénomène a eu une influence considérable aussi bien sur les espaces ruraux et leurs habitants que sur l’émergence de modes de vie et de consommation alternatifs. Dans une perspective historique, l’auteure s’appuie sur de nombreuses sources (archives officielles, études universitaires et d’organismes agricoles, documents audio-visuels...) et sur 40 entretiens semi-directifs, menés entre 2003 et 2004, qui lui permettent de décrire et d’analyser « l’utopie néo-rurale » en Ardèche des années 1960 à nos jours.

    L’ouvrage est organisé en quatre parties. Dans la première, Catherine Rouvière présente les terres d’élection et la diversité des acteurs du « retour à la terre », phénomène fluide et hétérogène qui peut être sommairement défini comme « une migration vers la campagne accomplie par des personnes d’origine urbaine ou rurale [...] dans le but de vivre totalement ou partiellement d’une activité agricole » (p. 22). L’auteure expose de manière approfondie les multiples facteurs (géographiques, politiques, démographiques...) qui ont fait de l’Ardèche une terre pionnière et emblématique. Après une seconde partie au titre significatif (« La rencontre : un choc de civilisations et de cultures »), consacrée à la rencontre entre les #néo-ruraux et la population autochtone, la troisième partie s’attache à décrire le lent processus d’intégration des premiers, qui s’explique à la fois par des changements de contexte et par des vecteurs d’intégration variés (la participation aux structures professionnelles et associatives et à la politique locale notamment). Enfin, la dernière partie rend compte des apports multiples – et souvent insoupçonnés – du phénomène néo-rural et de ses acteurs aussi bien sur les populations locales que sur les territoires et sur la transformation de l’agriculture.

    Prenant le contre-pied de la représentation des néo-ruraux comme une masse homogène de citadins soixante-huitards utopiques, Catherine Rouvière analyse minutieusement leur profil sociologique, leurs valeurs et les modalités concrètes de leur entreprise, ainsi que l’évolution temporelle de ces caractéristiques.

  • Entretien avec Renaud Garcia par Cédric Biagini, 2015
    https://sniadecki.wordpress.com/2015/12/27/biagini-garcia

    Interview de Garcia par Biagini (pour La Décroissance…). Pas super intéressant je trouve, et Biagini de toujours ramener sur le truc de la PMA/GPA, dont il faut parler je trouve aussi mais pas en ces termes et lui continue d’en parler toujours de la même façon qu’avant.

    Pourtant le livre et les idées de Renaud Garcia sont plus intéressantes et plus vastes que juste ramenées à ça.

    #interview #Renaud_Garcia #Cédric_Biagini #déconstructionnisme #Derrida #Foucault #PMA
    cc @aude_v …

    • A lire les comptes-rendus parus et les entretiens accordés par l’auteur, l’amour que ces gens portent à leur inoxydable innocence est tout de même propre à donner le vertige...

      Tout de même : pendant que nos braves, lucides, honnêtes et objectifs théoriciens et essayistes radicaux, révolutionnaires, libertaires ou non, et leurs lecteurices (qui n’hésitent pas à prendre en otage l’aliénation pour imposer leur naturalisme, ou à déceler chez tout discordant-e de probables relents de libéralisme technolâtre) jubilent en étranglant une fois de plus à pleines mains le fault cou de Michel, ou qu’ils démontent joyeusement la déconstruction de Jacques, de quoi s’imaginent-ils parler ?

    • @Aude
      Je pense que le désir de bien des libertaires de se penser eux-mêmes comme extérieurs et étrangers à notre société dépasse de très loin leur curiosité quant à la manière dont nous nous trouvons tou-te-s, eux, libertaires, y compris, participer de cette société et assurer sa perpétuation, ce en dépit des jugements radicaux, révolutionnaires, que nous pouvons porter contre elle .
      La haine et l’hostilité non feintes que l’on lit de plus en plus ouvertement chez des libertaires contre des militants, sociologues, intellectuels et universitaires « déconstructeurs », (ah, les horribles « cultural studies » !) qui ne seraient pas assez « proche du peuple » ou des préoccupations que d’autres intellectuels prêtent à ce prétendu « peuple » me semble relever en bien trop grande partie d’un désir de ne pas chercher à connaître ce qui pouraît fâcher, et bousculer cette illusion confortable qui veut qu’il suffirait de juger que l’organisation sociale mérite d’être changée radicalement sur le plan économique et environnemental ou technicien pour devenir effectivement son ennemi, d’un désir de s’en tenir à une conception datée et très confortable de la critique sociale.

      Je suis certain, au cours de mes lectures libertaires, d’avoir lu à propos d’une époque où, sans s’y inféoder au monde intellectuel, scientifique, on considérait chez les anarchistes et libertaires qu’il pouvait être urgent et utile de porter au « peuple » des connaissances découvertes dans ce cadre là - et où l’on n’aurait guère songé à falsifier et travestir (Comme l’écrivait #Simone_Weil, « on n’a pas le droit de leur donner à manger du faux ») les travaux de ces scientifiques pour dresser ce même « peuple » contre eux.
      Depuis quelques décennies, je vois des libertaires tellement occupés à défendre des illusions libérales et spontanéistes qu’il leur est visiblement très difficile de remettre en cause, qu’ils en viennent à verser dans un populisme anti-intellectuel de très mauvais augure sitôt qu’ ils (bien plus qu’elles) voient ces illusions qu’ils aiment à entretenir quant à leur propre « radicalité » bousculées ou menacées d’apparaître un peu trop visiblement pour ce qu’elles sont : des illusions, liées à des rapports sociaux inégalitaires.

      La présentation du livre de Garcia par son éditeur, le ton employé, l’arrogance de son affirmation de la nécessité de s’appuyer sur la nature humaine, cela a suffi à m’en tenir à distance.
      Je pense pour ma part que tout auteur libertaire homme, blanc, qui désire parvenir à quelque chose qui ne soit pas inepte ni réactionnaire, aujourd’hui, à propos des critiques du caractère social et systémique du genre ou de la race, car c’est de cela qu’il s’agit , ou de l’irrémédiable socialité de la catégorie « nature », et de leurs conséquences sur les ambitions, les pratiques et les théories révolutionnaires, doit à minima le faire en s’appuyant sur le travail d’introspection et d’auto-critique d’un libertaire comme #Léo_Thiers-Vidal, par exemple.

      Je pense qu’un libertaire qui aurait plus à coeur de chercher par où avoir prise sur la société, et conscience d’être de part en part un produit de celle-ci, que de défendre mordicus une conception (dé)passée de « la révolution », n’aurait pas peur d’écrire contre les navrantes illusions et les violents raidissements du mouvement libertaire actuel, ni de s’y faire détester en lui mettant sous le nez son refus de considérer genre et race pour ce qu’ils sont : des rapports sociaux qui le concernent d’aussi près qu’il est possible d’être concerné.

      « Il faudrait pourtant y songer, pauvre imbécile, et, en y songeant, s’arrêter un peu d’être stupide et de faire souffrir les malheureux. Car nous sommes cela, toi et moi, et rien que cela, des abîmes ! » (#Léon_Bloy, #Exégèse_des_nouveaux lieux_communs, 1913)

      Pour ma part, c’est seulement un tel caractère potentiellement détestable pour tous ceux chez les libertaires que j’ai vu aimer le livre de Garcia, après qu’ils aient encensé Escudero (et auparavant, un matamore pourfendeur de moulins à vents post-modernes comme #Jordi_Vidal), qui me ferait éventuellement placer quelques espoirs dans un texte, pour autant que cela ait un sens.

      Mais tout écrit, tout auteur cherchant à ménager la moindre des illusions qui se donnent à voir chez les libertaires me semble au mieux une pure et simple perte de temps.

    • cette illusion confortable qui veut qu’il suffirait de juger que l’organisation sociale mérite d’être changée radicalement sur le plan économique et environnemental ou technicien pour devenir effectivement son ennemi, d’un désir de s’en tenir à une conception datée et très confortable de la critique sociale.

      Ça me rappelle des paroles d’une chanson d’un groupe dont je suis assez fan :
      Harroegi ulertzeko,
      harroegi onartzeko
      askatasun desiratuak ez gaituela askatuko
      (Trop fiers pour comprendre,
      trop fiers pour accepter
      que la liberté tant désirée ne nous libèrera pas)

      https://www.youtube.com/watch?v=Sp1K5fWdW1o

    • Le Comptoir : Renaud Garcia, « La démocratie représentative est une faillite totale »

      http://comptoir.org/2015/11/11/renaud-garcia-democratie-representative-failite-totale

      Recension de Antoine Silvestre de Sacy sur Lecture Revue

      http://lectures.revues.org/19380

      @aude_v : Yapadkoi !

      Le Renaud Garcia en question est aussi l’auteur d’un bouquin que je suis en train de lire et dont je ferais certainement une recension :

      La nature de l’entraide, #Pierre_Kropotkine et les fondements biologiques de l’anarchisme

      http://books.openedition.org/enseditions/5112

      Très universitaire (c’est issu de sa thèse), mais stimulant sur bien des aspects, même si je ne suis pas d’accord avec tout...

    • Me suis infligé l’interview jusqu’au bout. Ahurissant d’une arrogance et d’un mépris qui n’auraient pas tant de saveur sans reposer sur un refus manifeste d’entrer jamais sérieusement dans ce que Garcia prétend « critiquer » - et un goût prononcé pour préférer l’ombre à la proie.

      Quelques #notes_et_morceaux_choisis dans la seule fin de l’interview :

      Est-ce qu’on veut une société dans laquelle les individus ont des identités multiples, des sexualités polymorphes, mais sont incapables de parler aux gens ordinaires, de s’ouvrir au commun, incapables de se comporter comme des êtres sociaux qui mènent des actions collectives ?

      je sais bien que la caricature est une arme polémique.
      Mais il ne s’agit pas ici de caricature - plus sûrement de confusion mentale. Je ne doute pas que Garcia ne trouve une partie de cette confusion dans la société présente. Mais il fait le choix de la traiter avec une complaisance stupéfiante en faisant comme si la critique du genre était vouée à demeurer le loisir d’une élite ou d’une minorité coupée d’un « commun » que de telles lubies ne sauraient jamais concerner , en prenant soin de réduire et identifier une telle critique aux quelques avatars les plus grotesques que l’existence d’une telle critique ne manque pas de susciter au sein d’une société libérale. Il fait ici le choix de prendre la confusion au sérieux, et d’ignorer la critique dont elle n’est au mieux qu’un reflet distordu et superficiel.
      Prétendre juger de pensées critiques à une telle aune est évidemment d’une malhonnêteté intellectuelle crasse : cela reviendrait, par exemple, à ne jamais présenter les libertaires que sous les traits grossis et isolés des plus détestables des libertariens.
      C’est là un moyen certain de #désertifier_la_critique.
      Se pourrait-il que Renaud Garcia soit à cette critique ce qu’un Monsanto est à la biodiversité - le désintéressement financier en guise de supplément d’âme ?
      Plus sérieusement, Garcia semble sinon ignorer complètement que les identités soient des produits sociaux, du moins infoutu de considérer cela avec la moindre conséquence. Il lui faut distinguer un « commun » d’on ne sait trop quoi. De ces gens là qui ne sont pas comme lui.

      Concernant le rapport au passé d’une certaine gauche progressiste, il y a là un problème de culture. Vous pouvez faire semblant de maîtriser les concepts ampoulés de Butler ou de Derrida, tout en manquant de culture : le passé n’est tout simplement plus connu. Par exemple, l’idée que des révolutions socialistes aient pu être menées au nom d’une certaine forme de conservatisme, c’est impensable dans l’esprit d’un déconstructionniste.

      Comment dire. Mon grand, fais toi plaisir, tape sur la gauche progressiste autant que tu le veux, qu’est ce que tu veux que ça foute ? Il se trouve qu’en dépit de cette gauche et de votre petite rixe on pense contre ta nature, et aussi contre tes punching-balls : contre, et surtout, à l’écart des Butler et Derrida.

      Alexis Escudero, qui a écrit contre la reproduction artificielle de l’humain sans laisser la moindre notation homophobe, qui a fait une enquête factuelle, appuyée sur des informations recoupées, a été empêché physiquement de s’exprimer dans des milieux anarchistes.

      Voilà qui est savoureux. Après tout, nous ne sommes qu’un an après les faits. Gageons que notre philosophe n’a pas encore eu le temps de se plonger trop avant dans les critiques adressées à l’#escudhéros_des_mecs_hétéros_vachement_radicaux.

      Mais il paraît que c’est à ça qu’on les reconnaît.

      Admirons donc encore sa posture supérieure dans tout son surplomb (j’italise) :

      La critique est vraiment dans une plaine désertique, le parti pris émotif prend le pas sur l’analyse rationnelle. Alors que faire ? Est-ce qu’il faut arrêter de penser ce qu’on considère vrai sous prétexte que cela risque de « cliver » ? En matière d’éthique intellectuelle, je pense qu’il reste responsable de s’en remettre à l’idée de vérité et à un principe de charité . Il faut dire ce qui nous paraît juste, le dire de la manière la plus sincère et articulée possible, en parlant à des gens dont on suppose qu’ils sont susceptibles de réfléchir et de se rassembler.

      On notera que ce que ce monsieur et ses amis considèrent comme « juste » ou « vrai » ne saurait être un objet de critique depuis un autre point de vue que le leur . Si l’on est pas d’accord avec eux, c’est que, bien que généreusement supposés par eux capable de réfléchir, on ne l’a probablement pas encore fait.
      Mais, charitable, plutôt que de nous excommunier tout de suite, il propose à ses amis de nous en donner le temps. Je leur retourne le propos : il me semble quant à moi qu’il est des questions, concernant les rapports sociaux, auxquelles Garcia et ses amis ne veulent pas réfléchir, et ne veulent pas que l’on réfléchisse non plus même en dehors d’eux. Ils doivent même nier que cela soit le cas . Je ne sais s’ils le pourraient le faire ou non, et je ne suis certainement pas en mesure de leur faire la charité.

      Ce petit monde et son pauvre complexe de supériorité me rappelle ici nos politiciens qui, régulièrement confrontés au rejet de telle ou telle réforme, en venaient il y a peu encore à nous expliquer qu’il s’agissait d’un problème de communication, de compréhension, et affectaient de se proposer de nous expliquer ce qu’à les croire, nous n’avions pas compris : puisque la seule façon de le comprendre, et le signe de notre compréhension, était d’y être favorable.

      Garcia se situe ici dans une semblable logique de dominant, qui se sent en position de force : à l’en croire, quand nous aurons réfléchi, nous aussi, nous considérerons que le discours naturalisant et la posture droite dans ses bottes d’Escudero ne relevaient pas du genre et de son hétérosexisme crasse. Mais hélas, et contrairement à ces braves esprits forts de la critique radicale, nous ne réfléchissons guère : et nous sommes si émotifs !

      Il y a pourtant des critique matérialistes dont ces gens sont toujours déterminés à ne rien savoir, afin de se garder la liberté de parler à leur place, et de leur faire dire n’importe quoi, pour vendre leur propre camelote.
      On ne leur demande pourtant pas d’être d’accord avec ces critiques du naturalisme. On leur demande seulement d’accepter un jour - un jour, mais quand ? Lorsque un handicapant sentiment de supériorité ne viendra plus les en prévenir ? - de les considérer et de les discuter honnêtement. On leur demande d’accepter de se confronter une fois, enfin, à leurs termes. Et d’argumenter contre ces termes là - non contre telle ou telle ineptie choisie ou réécrite par eux pour en tenir lieu.
      Mais pour l’instant, « ce jour n’est pas arrivé ». (dixit ce cher Aragorn, in Le retour du roi )

      Et non, je ne leur ferai plus l’aumône de citations ou de références dont ils n’auraient pas l’usage - comme en attestent l’ensemble de leurs œuvres.
      Le désaveuglement de nos porteurs d’œillères naturalistes sera l’oeuvre des porteurs d’œillères eux-mêmes - ou ne sera pas.

      Agiter des hommes de paille, charger des moulins à vent leur permet assurément d’occuper bruyamment le terrain en occultant son existence. Mais ils peuvent retuer les mêmes hommes de paille et déconstruire leurs moulins à vent tant qu’ils le veulent, les critiques matérialistes des rapports sociaux, et du naturalisme comme produit de ces rapports sociaux, le constructivisme social né avec Marx et sa compréhension de l’organisation sociale comme un tout dont les parties ne préexistent pas à cette organisation, cela attend encore de se voir opposés par eux le début d’un argument.

      @Aude V
      Dites, je sais bien que je suis un fâcheux pénible. Est-ce donc là ce qui me vaut ce blocage chez vous ? Dans ce cas, je veux bien convenir de ne plus échanger avec vous - et vous inviter à vous abstenir de m’interpeller ou de me répondre. On peut se fâcher d’un commun désaccord, si ça vous dit.
      Dans votre présentation initiale du bouquin, à laquelle je n’ai pu réagir de ce fait, vous écriviez « on va rire ».
      Ces gens qui parlent tant de confusion tout en prenant soin de l’entretenir et d’y contribuer ont tout pour être risibles, en effet, et semblent déterminés à le rester.
      Je ne crois pas me tromper en disant que nombre de personnes ne tiennent pourtant pas plus que cela à se voir donner trop souvent ce genre de raisons de rire, - ou préféreraient, s’il faut rire, s’en voir proposer d’autres.

    • @Aude

      Les amitiés et la réflexion théorique sont souvent difficiles à concilier, hélas !
      Vivant depuis plus de dix ans à l’écart du monde militant, c’est un écueil que je ne rencontre plus. Cela a aussi ses inconvénients.

      Je finirai peut-être par lire ce livre mais pour l’instant, ça n’est pas ce qu’il me semble de plus urgent. Sa présentation comme ses diverses réceptions m’ont tout de suite donné à penser que sa principale faiblesse (je part de l’hypothèse généreuse qu’il ne verse ni dans la médiocrité des échos qu’il suscite ni dans les facilités auxquelles son auteur peut céder en interview) est d’avoir très probablement été écrit, quoique son auteur puisse se distinguer d’un Escudero ou de PMO qui écrivent avec leur testostérone, depuis un point de vue masculin très peu critique de lui même, avec tout ce que cela implique de déni et de contribution au patriarcat.

      Par exemple, lorsqu’il s’agit de parler de constructivisme social, ne pas calomnier grotesquement une auteure comme Delphy est évidemment nécessaire. Mais c’est loin d’être suffisant : on doit aussi s’interroger sur les raisons qui poussent au sein de son propre camp, ou parti, ou parmi ses amis (je veux parler de l’auteur, pas des vôtres) à se livrer à de telles pratiques, à les tolérer ou à les juger bénignes. Ajouter un minimum de connaissance et de reconnaissance, de prise en compte critique, pour soi-même, à l’encontre de ses propres propos, des conséquences des réflexions de ces féministes matérialistes me semble le minimum d’égards à leur témoigner.
      De fait, la présentation du bouquin disait assez clairement que l’auteur était bien loin d’avoir une telle intelligence et un tel usage pratique de leurs écrits (à moins que son éditeur soit complètement passé à côté d’un aspect aussi assurément original, propre à dénoter au sein de l’habituelle production littéraire libertaire : ce qui me paraît hautement improbable).
      Ce qui, à mes yeux, constitue un point de vue réactionnaire - non dans ce sens caricatural que l’on rencontre habituellement, qui entend poser le problème en termes « progressiste vs conservatisme » et verse illico dans le « technolâtres vs technocritiques » - mais au sens précis ici où un propos dès qu’il se refuse de prendre au sérieux la lutte contre le patriarcat, qu’il la minimise, ou qu’il contribue à nier son existence, sa portée, son contenu, participe banalement de ce patriarcat. (je crois pouvoir dire que j’en sais quelque chose pour avoir été longtemps dans ce cas, et pour avoir expérimenté sur moi même la difficulté à commencer d’entendre que cette critique me concernait)

      Sur la question des « premières concernées », il me semble qu’elle mériterait peut être bien d’être reformulée. Je veux dire par là que l’existence d’oppressions ne peut être mise à jour et commencée d’être pensée que parmi qui les subit : les oppresseur-e-s sont elleux toujours persuadés de leur bon droit, de leur légitimité. Constater que le langage de la société constituée sur la base de cette oppression ne permet pas de la penser est une banalité de base - celleux qui s’efforcent de penser l’oppression doivent construire les outils intellectuels pour la dire, en partant contre le sens commun de l’hypothèse que ce qu’elles vivent est une oppression... ce qui les mène à ... déconstruire les termes du langage dominant qui la rendent invisible.

      De fait, lorsque des hommes blancs s’en prennent aujourd’hui à la « déconstruction », je ne peux croire en leur bonne volonté critique (surtout lorsque leur éditeur achève de mettre la critique sociale cul par dessus tête en brandissant « la #nature_humaine » comme une catégorie radicalement révolutionnaire !)
      Ne serait- ce que parce que des auteures féministes matérialistes comme #Delphy ou #Mackinnon, pour ne citer que parmi celles que j’ai lues, et d’autres avec elles, ont produit il y a dix ou vingt ans une critique des « déconstructeurs » à la #Derrida, et de produits frelatés comme la « #french_theory » et du « #french_feminism » comme autant de moments de la réaction et de l’antiféminisme .

      Je pense plus précisément à des textes comme « #L'invention_du_french_femnism : une démarche essentielle » de Delphy, qui date tout de même de 1996 et fait référence à de nombreux autres écrits et auteures précédent-e-s ; ou à #Féminisme,_marxisme_et_post-modernité de Mackinnon, qui date lui de 2001.

      Ce sont des textes relativement brefs, mais d’une grande densité et qui me semblent non seulement faire date, mais être incontournables pour quiconque prétend porter un jugement, depuis un point de vue se réclamant de la critique sociale, sur « la déconstruction » (ou « les post-modernes »). Il ne me semble pas possible d’écrire à ce propos sans devoir à un moment ou un autre se positionner explicitement quant à ces textes et ces auteures. Et, encore une fois, la simple présentation du bouquin de Garcia, comme les réceptions qui ont suivi et les interviews qu’il a donné, attestent de positionnements très rapidement incompatibles avec une critique à minima matérialiste, en particulier avec les termes en lesquels elle est formulée dans ces deux textes.

      De tels écrits ne sont jamais lus ni discutés (encore moins critiqués) par nos habituels « radicaux ». J’avoue que l’exposé de leur ignorance et de leur satisfaction à ignorer a fini par me lasser.

    • @ktche
      j’avais lu l’entretien, mais merci pour le ps.

      Je n’aborderai que le dernier point, qui me semble significatif.

      La mention d’Alexis Escudero et de son ouvrage sur La Reproduction artificielle de l’humain intervient en réponse à une question qui préoccupe La Décroissance, celle de la PMA/GPA. Je ne me prononce pas sur le fond de l’ouvrage, qui peut être critiqué pour de bonnes raisons sur certains points. C’est l’interdiction de présenter son livre en milieu libertaire qui a retenu mon attention, indépendamment de l’attitude de défi, de morgue ou de mépris dont il a pu faire preuve, et dont je ne sais rien directement.

      Hem. Comment dire. Soit Renaud Garcia ne s’intéressait pas au milieu libertaire il y a un peu plus d’un an,
      soit il faut admettre que, s’il a été spectateur de l’affaire, il l’a été depuis le banc des amis et soutiens de l’auteur et n’a guère cherché à connaître ce qu’il lui était reproché.

      Il paraît que, dans une dispute, ne pas connaître les arguments de ses adversaires, c’est méconnaître sa propre cause.

      S’en tenir encore maintenant à une prétendue « interdiction de présenter son livre en milieu libertaire » relève une fois de plus d’une attitude qui refuse la confrontation au fond de la question sous un douteux prétexte de forme. De fait, il me semble que c’est justement de sa présentation en milieu libertaire depuis plusieurs mois, lors de nombreuses discussions et confrontations, et des critiques qu’il a progressivement essuyé de celleux qui se l’étaient infligé, qu’est issu l’expression d’un refus de voir un texte et un auteur non seulement outrancièrement partisans, mais fallacieux et calomniateurs, mis en avant derechef lors d’un salon du livre libertaire.

      Et, encore une fois, plus d’un an et demi après la parution de son bouquin, on constate que la colonne vertébrale de la posture d’Escudero et de ses amis tient toujours toute entière dans une ignorance éhontément affichée, et leur refus de reconnaître et de se confronter aux arguments qui leur ont été opposés .

      @Aude_V

      Je m’étonne quelque peu qu’il puisse être nécessaire à qui que ce soit de recourir à Renaud Garcia pour rencontrer une telle critique.

      De fait, bien que je ne prétende à une connaissance ni exhaustive ni très approfondie des diverses tendances que l’on peut rencontrer parmi les féminismes, je puis assurer que lorsque j’ai commencé de m’y intéresser enfin, je n’ai pas eu grand mal à y rencontrer une critique radicale (de mon point de vue, à la fois très réconfortante et très intelligible) des tendances libérales ou essentialistes, qu’elles soient féministes ou non ; tout comme j’ai pu, dans le même temps, constater que les auteures de ces critiques, - Dworkin, Mackinnon, Delphy pour n’en citer que trois - lorsque leur nom menaçait de déborder les seules militantes féministes, étaient l’objet d’incessantes falsifications et calomnies, en particulier chez les libertaires . (Un éditeur - « l’esprit frappeur »- et une auteure qui faisaient dans la subversion avaient présentées Mackinnon et Dworkin - alors non traduites en français - comme des croisées anti-sexe, moralistes et puritaines parce qu’américaines , il y a 18 ans de cela. Je peux témoigner de ce que de telles pratiques préventives sont efficaces : je n’avais alors pas accès à leurs écrits. Et il m’aura fallu 13 ans pour oublier ces calomnies et m’intéresser enfin aux quelques traductions publiées entre-temps - et constater alors de quelle falsification j’avais été la dupe.

      Plus récemment, il y a quelques jours, Ravage éditions s’est illustré en publiant un texte « libertaire » signé « Cassandre », où Christine Delphy, du fait de ses positions contre la loi sur le voile de 2004 et de ses critiques de la guerre occidentale au proche orient, est encore l’objet d’une grossière falsification - elle aurait soutenu, à en croire le faussaire, le droit des femmes afghanes à être voilées par les talibans...)
      On a pu voir à plusieurs reprises que, sous couvert de critiquer seulement un emploi libéral et démobilisateur de la notion de genre, c’est surtout la critique matérialiste du naturalisme et de l’essentialisme qui était insupportable à Escudero et ses soutiens et continuateurs.
      Pour ma part, la revendication affirmée d’une grossièreté intellectuelle comme, par exemple, la « nature humaine » comme catégorie révolutionnaire (ajoutons y « radicale », pour faire bonne mesure !) suffit à me rendre son auteur a minima des plus suspects, et à trahir sinon son ignorance de ce qui constitue une critique matérialiste, féministe ou non, du moins de son opposition, de fait"radicale", à ce qui se trouve justement constituer le cœur d’une telle critique.

  • Antoine Bozio, Gabrielle Fack, Julien Grenet (dir.), Les allocations logement, comment les réformer ? un note de lecture sur un ouvrage qui proposait une réforme qui n’a pas été retenue
    http://lectures.revues.org/19452

    Les #allocations_logement sont une composante essentielle des #politiques_sociales en France, puisqu’elles représentent, en volume, la principale prestation versée aux ménages modestes . Leur visibilité dans le débat public ne correspond pas à cette place, ce qui est souvent le cas en matière de logement. Les controverses qu’elles suscitent portent fréquemment sur des aspects ciblés comme le #logement #étudiant. Ce petit ouvrage (94 pages), issu d’un programme scientifique du Cepremap, s’intéresse à la question récurrente de la #réforme de ces allocations en offrant à la fois un état des lieux et une proposition de refonte visant à unifier les prestations sociales versées aux plus modestes : les allocations logement, le revenu de solidarité active (RSA) et la prime pour l’emploi (PPE) . Écrit par des économistes travaillant sur les politiques publiques plus que par des spécialistes du logement (à l’exception de Gabrielle Fack), il présente l’intérêt de relier la critique des politiques du logement à une réforme plus large des politiques sociales. Il fait écho à une littérature, pour partie académique et pour partie institutionnelle ou à visée opérationnelle, sur la réforme du « #système_socio_fiscal » français, au sein de laquelle on peut citer les travaux d’Alain Trannoy et Étienne Wasmer au conseil d’analyse économique.

    Instaurées en 1948 pour éviter que les ménages les plus modestes soient pénalisés par la hausse des loyers, les allocations logement sont restées secondaires dans les politiques du logement jusqu’au #plan_Barre de 1977 qui met notamment en place les #APL (aides personnalisées au logement). Dans un contexte de montée des critiques adressées au #logement_social, aux grands ensembles, et aux aides publiques aux constructeurs (les « #aides_à_la_pierre  ») il s’agit de faire bénéficier directement les ménages des prestations logement afin de desserrer les contraintes auxquelles ils font face sur le marché résidentiel. Progressivement, ces « aides à la personne » ont vu leur importance grandir. Elles sont versées à 6 millions et représentent environ la moitié des dépenses de la politique du logement (20 milliards d’euros par an sur 41, le reste se répartissant entre 6 milliards pour les aides à la construction et 15 milliards en avantages fiscaux destinés à favoriser la construction et la réhabilitation). Le coût de ces aides comparé à la persistance de difficultés d’accès au logement et du fait que les locataires de logements privé aient vu le poids du logement dans leur budget s’accroître fortement, justifient aux yeux des auteurs un examen critique.

    Ils soulignent pourtant leur #caractère_redistributif : 70 % des ménages appartenant au premier décile de revenu perçoivent des aides au logement (et moins de 10 % à partir du 6e décile). Les allocations logement sont plus importantes, en volume, que les deux autres aides considérées dans le texte, RSA et PPE (représentant respectivement 0,8 % 0,4 % et 0,1 % du PIB) . Elles se révèlent moins stigmatisantes [sic] que le RSA, et moins touchées par le problème du #non_recours. Elles assurent également une certaine redistribution horizontale entre zones géographiques (car les aides sont plus élevées dans la région parisienne, où les loyers sont également plus hauts). Leur complexité est réelle, parce qu’il existe plusieurs prestations différentes, mais surtout à cause du calcul du barème. Les quelques pages consacrées à ce point, quoique techniques, sont d’ailleurs très claires et utiles même aux spécialistes, confirmant bien que pour la majorité des bénéficiaires le montant de l’aide est déconnecté de celui du loyer et s’apparente « à une prestation sociale comme une autre », qui décroit en fonction du #revenu. En dépit de cette complexité, elles constituent l’un des piliers des politiques sociales en France.

    Les trois principales critiques adressées par les auteurs à ce système ne portent toutefois pas sur cette complexité. Les deux premières sont assez classiques dans l’analyse économique des politiques publiques. Il s’agit d’abord d’interroger la pertinence d’une aide affectée, qui peut relever d’un certain paternalisme (dicter aux ménages pauvres les « bonnes » dépenses) et induire des distorsions en favorisant la consommation de certains biens et services (en l’occurrence le logement). La seconde critique porte sur les effets négatifs en matière de reprise d’#emploi. Les allocations logement ne sont pas ici seules en cause : c’est leur mauvaise articulation avec le RSA et la PPE qui est en cause. La « double #dégressivité » (p. 49), c’est-à-dire la baisse concomitante du RSA et des allocations logement en cas de hausse des revenus d’activité serait ainsi une désincitation à la reprise d’emploi.

    La troisième critique concerne plus spécifiquement le marché du logement. Elle est plus discutée que les précédentes et étayée par des études récentes, en France et à l’étranger. Elle porte sur l’#effet_inflationniste des aides, c’est-à-dire sur le fait que le montant des allocations est en grande partie absorbé par l’élévation du niveau des loyers, de telle sorte qu’elles bénéficient in fine aux propriétaires. C’est le point clé de l’argumentaire développé dans cet ouvrage. Les travaux cités convergent pour montrer que cet effet existe et qu’il est important, un euro d’aide versé se traduisant par une hausse de loyer allant de 60 à 78 centimes (selon les travaux et les contextes étudiés). Plusieurs raisons sont examinées : la surconsommation [sic] de logement est invoquée (les aides incitent à augmenter les dépenses des ménages dans le logement et, l’offre étant peu élastique, ce surcroit se traduit par une hausse des prix), mais elle ne représente qu’une explication partielle. Le fait que les propriétaires bailleurs puissent aisément identifier les bénéficiaires (tout particulièrement dans certains cas comme celui des étudiants) et le montant des aides semble jouer un rôle déterminant dans la captation de celles-ci. Bien que convaincante l’argumentation laisse quelques points en suspens : le fait que cette hausse des prix correspond en partie à une amélioration de la qualité du logement des ménages modestes, l’ampleur exacte de la captation par les propriétaires, et surtout la part prise par cet effet inflationniste dans la hausse plus générale des loyers et des prix du logement (et donc de l’effet potentiellement désinflationniste qu’aurait l’abandon des allocations logement). Ce thème appelle donc d’autres travaux.

    Tirant les enseignements de ces différentes analyses, les auteurs en viennent ensuite à ce qui constitue l’objectif de l’ouvrage, la proposition d’une réforme visant à fusionner aides au logement, RSA et PPE en une prestation unique, non affectée, qui permettrait d’éviter ou de réduire les effets négatifs pointés ci-dessus. Son montant varierait proportionnellement au revenu, de façon à éviter les seuils et les effets d’étiquetage qui lui sont associés. Le texte s’attache à décrire les modalités de cette prestation, et raisonnant à budget égal, à déterminer qui en seraient les « gagnants » et les « perdants ». Parmi les premiers figurent ceux qui sont actuellement mal pris en compte par le RSA (les plus jeunes) ou par les aides au logement (les propriétaires les plus modestes), tandis que les seconds se compteraient parmi ceux qui cumulent les deux (notamment des ménages sans autre ressource). Néanmoins, la redistribution opérée par ces aides serait globalement comparable à celle que l’on observe actuellement. On note ici le souci des auteurs de contribuer au débat public en apportant les éléments les plus précis et en se souciant de la faisabilité et du caractère réaliste de leur proposition. Ils soulignent d’ailleurs que l ’idée d’intégrer ces aides à l’impôt sur le revenu a été écartée car cela supposait une réforme préalable de cet impôt .

    Clair et concis, l’ouvrage sert efficacement la thèse des auteurs et constitue une contribution notable et bien étayée au débat sur la réforme du système social et fiscal français. Centré sur la question des allocations logement, il laisse volontairement de côté les autres aspects de la politique du logement ce qui peut laisser sur sa faim le lecteur intéressé par ces questions. Si ce choix s’explique par l’objet même de l’ouvrage, qui est de défendre une proposition de réforme, notons que ce parti pris laisse sans réponse la question des conséquences sur le marché du logement de l’abandon des allocations logement.

    voir les perdants de la réforme de l’APL
    http://seenthis.net/messages/425811

  • http://lectures.revues.org/18530
    Les cultures des sciences en Europe (2)
    Dispositifs, publics, acteurs, institutions

    Poursuivant la réflexion conduite dans le premier volume – Dispositifs en pratiques –, cet ouvrage propose de recentrer le débat sur les publics des dispositifs de médiation des sciences : quelles sont les dimensions institutionnelles et les logiques d’acteurs qui colorent les actions de culture scientifique et technique (CST) ? Comment les publics se conçoivent-ils comme acteurs ? Et, car telle est la question qui traverse l’ensemble des contributions, comment et dans quel objectif ce public est-il « mis en culture » ? Que devrait-il apprendre, savoir, comprendre, faire ?
    Les textes rassemblés ici approfondissent l’un ou l’autre aspect des reconfigurations des politiques de CST en Europe, plus particulièrement en France. Ils sont organisés selon trois lignes directrices. D’abord, il s’agit d’interroger, d’un point de vue théorique autant que pratique, ce que démocratiser les sciences signifie et qui sont les acteurs et institutions revendiquant cette démocratisation. Ensuite, sont examinés les supports de la « publicisation » des sciences : comment les médias conforment-ils les narrations de la vulgarisation ? Quels sont les effets attendus par les producteurs de ces histoires et images ? Symétriquement, la troisième partie s’intéresse aux devoirs – nouveaux et plus traditionnels – assignés aux publics. Leur demande-t-on d’interagir, de participer, de s’engager ? Quels sont les dispositifs élaborés pour ce faire ? L’ouvrage ne saurait se refermer sans interroger les « paradigmes politiques » qui sous-tendent ces efforts de mise en culture des sciences : s’agit-il de faire accepter les innovations ou de prendre réellement en compte les différentes perceptions de la science et des techniques ? Si plusieurs auteurs montrent qu’il est possible de dépasser la notion de public pour concevoir le citoyen comme un partenaire, force est de constater que ces tentatives de « cultiver les publics en science » s’imposent parfois contre la volonté des publics concernés.

    #STS #Sciences_de_la_communication #Science_studies

    • INTERVIEW Depuis les années 80, l’Amérique a délaissé l’action publique pour lutter contre la pauvreté au profit de programmes philanthropiques privés basés sur la volonté individuelle. Dans un essai paru mercredi, le sociologue Nicolas Duvoux montre que l’#Etat_social a été pratiquement éradiqué. Et remplacé par les fondations des Bill Gates ou Warren Buffet.
      Alors que la crise fragilise les plus faibles et que les #inégalités de #richesse ne cessent de s’accroître, la lutte contre la pauvreté est devenue un défi majeur des Etats développés [sic]. Aux Etats-Unis, l’aide aux plus démunis, principalement issus de la population noire, a radicalement changé de visage. Dans les Oubliés du rêve américain (PUF), paru mercredi, le sociologue Nicolas Duvoux constate ainsi qu’à l’intervention de l’Etat s’est substituée celle de Warren Buffet et Bill Gates. Désormais, c’est la #philanthropie qui fait office de politiques publiques aux Etats-Unis. Une évolution qui gagnera un jour la France ? Même si elle a un parfum très XIXe siècle, l’approche philanthrope a aussi pour effet de relancer le rêve américain ! Essentiellement basés sur la volonté individuelle, les programmes d’aide permettent de regagner estime de #soi et sentiment d’autonomie, bref, de ne plus se sentir pauvre, honte absolue en Amérique. (...)
      Warren Buffet soulignait ainsi qu’il payait moins d’impôts que sa secrétaire. La redistribution à laquelle ils se livrent, à travers le secteur associatif, est si considérable qu’elle se substitue, en partie, aux prestations sociales publiques, qui, elles, ont été drastiquement réduites. (...)
      Personne ne veut être assimilé à un pauvre. C’est de plus en plus valable en France également. Le ressort fondamental de ce rejet me semble être une demande de dignité et de #respectabilité. C’est aussi l’effet de plus de trois décennies de néolibéralisme. (...) inculquer des formes de « savoir être » qui permettent aux participants de se projeter dans l’avenir, à se présenter comme quelqu’un qui a des ressources plutôt que comme quelqu’un de démuni. (...) transformer la société en transformant les gens de l’intérieur, notamment en les aidant à acquérir des techniques - pour gérer leurs émotions ou pour gérer les interactions difficiles avec des voisins violents et armés. Cela a un côté très américain : le #salut passe d’abord par une réforme personnelle. (...)
      incarcération massive des jeunes Noirs : la probabilité d’aller en prison pour les hommes noirs sans diplômes, nés entre 1975 et 1979, est de l’ordre de 70 %. La prison est devenue quelque chose de tout à fait « normal » qui contribue à reproduire les inégalités. On peut penser que c’est tard, à la fin de son second mandat, mais c’est une orientation politique qui est courageuse dans un pays où tout homme politique se doit d’être dur face au crime (« tough on crime »)

      #lutte_contre_la_pauvreté #workfare #état_pénal #gouverner_les_pauvres #néolibéralisme (faire fond sur la liberté des sujets, cf. Michel Foucault) #autonomie_comme_sentiment #diviser_les_pauvres #racaille (les jeunes hommes noirs, destinés à la prison)

    • [L’empowerment] répond aux limites de l’intervention publique qui, elle, ne donne pas de place à l’initiative des gens. C’est d’ailleurs pour cela que ces programmes suscitent une vraie #adhésion. Les personnes pauvres ne veulent plus recevoir, de manière passive et méprisante, des prestations venues de l’extérieur. Mais la limite de ces programmes, c’est qu’on transfère la responsabilité de trouver une solution aux problèmes à des gens qui ont peu de ressources. Et ils contribuent à légitimer la richesse des riches ! La philanthropie a tout de même pour effet de transformer en générosité ce qui est avant tout de l’accumulation privée de richesse, exonérée de fiscalité. C’est l’une des différences majeures entre les philanthropes d’aujourd’hui et ceux du temps de Rockfeller, qu’on surnommait les « barons voleurs » et qu’on accusait de corrompre les politiques et d’exploiter les ouvriers : Bill Gates ou Warren Buffet sont, eux, extrêmement populaires.

      Vous avez aussi noté que le quasi-unanimisme, autour de ces programmes, se fait, en réalité, contre les jeunes hommes noirs. Pourquoi ?
      La #solidarité des participants se construit #contre_la_minorité la plus démunie : ceux qu’on perçoit comme des délinquants - sauf s’ils passent à leur tour par le récit de la rédemption. Tout se passe comme s’il fallait absolument rejeter une minorité qui pose des problèmes pour être intégré à son tour moralement dans la société.

      #intégration_morale #respectabilité #guerre_entre_pauvres

      Une petite note. En matière d’empowerment, il semble qu’il en soit tout autrement dans des collectifs contestataires. La nécessité pour des collectifs de pauvres (chômeurs, précaires, par ex.) de disposer en leur sein d’acteurs non démunis de ressources (syndicalistes, ex étudiants, intermittents) pour forcer l’espace public (en faire exister un) sans risquer d’emblée marginalisation, invisibilité maintenue ou criminalisation ne va pas sans contradictions internes et elle se couple, spécialement en période de reflux dune survalorisation des moins intégrés socialement (les plus dominés étant alors présentés, au nom du concret, comme les seuls porteurs de la vérité).

      Bon, il semble qu’il faille essayer de cueillir ce livre, c’est l’un des rares académiques à enquêter sur le terrain et à donner, avec toute la politesse bourgeoise et scientifique requise, des éléments critiques qui peuvent être utilisés dans une autre perpective que la sienne.

    • Les personnes pauvres ne veulent plus recevoir, de manière passive et méprisante, des prestations venues de l’extérieur

      Encore la confusion entre sociale et aide aux pauvres, « les #assistés ». Non la #sécurité_sociale ne signifie pas que l’on aide les plus démunis mais que l’on socialise, au contraire de privatiser, des ressources pour sécuriser la vie des individus. Parfois cette sécurité est réservée à un moment de la vie particulièrement instable.

    • L’autonomie, fiction nécessaire de l’insertion ? Nicolas Duvoux
      http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=4026

      Les politiques d’insertion sont exemplaires de la #normativité de l’autonomie dans la société française contemporaine. La contractualisation des relations entre les usagers et les institutions invite les premiers à prouver expressément qu’ils veulent adhérer à la société pour bénéficier de la solidarité de celle-ci. Ces politiques sont de part en part traversées par une logique de la reconnaissance des formes de relation à soi. Chacun y est considéré comme responsable de sa vie, et chacun va devoir trouver en soi les motifs de sa participation à la société.

      Cependant, la valorisation de l’autonomie individuelle a pour pendant une condamnation accrue des comportements considérés comme déviants. Ce renversement est structurel. Pour en rendre compte, on peut suivre ici François Dubet lorsqu’il affirme que « de manière plus ou moins latente, le principe d’autonomie est sous-tendu par une conception héroïque d’un sujet capable de se construire lui-même et donc porté à “blâmer la victime” ». La référence à l’autonomie dans l’insertion apparaît dès lors comme une façon d’adapter cet idéal aux possibilités effectives des individus.

    • Mouais, il y a plusieurs compréhensions du terme. Je dirais plutôt à l’aune de ce qu’enseigne la vie dans le capitalisme - et non pas la philosophie classique - prendre collectivement la liberté de se donner une loi contre celles de ce monde.

      Mais ce qui parait dominer ici actuellement c’est plutôt l’individualisation et l’évitement du conflit collectif, donc pour qui a pour rôle de prévenir les conflits, le majoritaire, ce que dit Duvoux, une norme de l’intégration sociale ; et minoritairement, une vague et impossible aspiration quasi-autarcique. Dans les deux cas, la possibilité d’une estime de soi dans un monde de violence et d’inégalités. Être respectable, suffisamment « normal », ou ne pas se mépriser d’avoir à jouer une participation obligée en parant ses quelques « arts de faire », les écarts aux normes que l’on arrive à développer ou tenir, d’une légitimité idéologique, d’une couche de généralité. (ainsi le dernier édito de Jeff Klak qui se termine par « se tenir chaud » résume-t-il bien le motif dont sont tissés les bandes, groupes et familles élargies où, sous des oripeaux de plus ou moins bon goût, chacun se devrait de trouver refuge).

    • L’autonomie obligatoire. Sociologie du gouvernement de soi à l’école, d’Héloïse Durler (une note de lecture)
      http://lectures.revues.org/17435

      « Sois autonome ! » ou comment dépasser les contradictions d’une « injonction paradoxale » d’une « valeur phare des normes éducatives » contemporaines qui prescrit à l’enseignant d’ « amener l’élève à vouloir librement ce qui lui est imposé dans le cadre scolaire » (p. 10). Tel est l’enjeu au cœur du livre d’Héloïse Durler issu de sa thèse de doctorat. (...)
      Selon elle, on peut raccrocher « l’entreprise d’engagement scolaire » à la « montée managériale par l’autonomie » au travers du « new public management » qui n’épargne ni le monde du travail, l’action sociale ni les politiques éducatives. Par ailleurs, cette entreprise n’est pas étrangère à l’idéologie du « projet » plusieurs fois évoquée et rapidement explorée (p. 34-35) mais, pour parachever la démonstration, il était possible de lui imposer un même traitement qu’aux autres mots-plastiques récurrents des discours concernant les dispositifs éducatifs que sont les notions de « compétence », « objectifs », « qualité » ou de « participation ». En suivant, on peut interroger comment cette « autonomie obligatoire » s’inscrit dans la « nouvelle école capitaliste » de Laval et al. dès lors que les logiques néolibérales du monde du travail pénètrent plus avant le monde l’éducation, davantage orienté depuis les années 1960 vers « l’insertion professionnelle et sociale des jeunes générations » (p. 148) voire pour envisager la construction de la « servitude volontaire aujourd’hui ».

      #autonomie_obligatoire

    • @aude_v pardon, mais quand j’écris plus haut « se tenir chaud » résume-t-il bien le motif dont sont tissés les bandes, groupes et familles élargies où, sous des oripeaux de plus ou moins bon goût, chacun se devrait de trouver refuge", il me semble que ce n’est pas une manière d’encenser cet aspect "affinitaire". C’est souvent un aspect nécessaire (car c’est là que certains partages peuvent avoir lieu, les exemples sont légion : apprendre à parler dans un collectif ça commence souvent par une zone d’entente moins étendue que celle où se prononce "la parole publique", lire et/ou écrire pour qui n’est pas déjà rodé à le faire "dans son coin" à partir du commun, ça nécessite svt une dimension d’"atelier"), mais il est parfaitement insuffisant si il n’est pas lié, ouvert, circulant, confronté à de de l’hétérogène plus déroutant encore que l’hétérogénéité qui déjà le constitue. Par exemple du fait d’une participation à des conflits dans lesquels sont impliqués de plein droit des inconnus, ce qui me parait une vérification indispensable. Et parfois il n’y a même pas besoin d’affinité pour se trouver lié par une cause et par là à ceux qui s’en sont emparé. Sans doute n’avons nous pas vécu le même genre de malheurs de la militance.

    • Phrases ardues, je sais pas si celle là l’était tant que ça, @aude_v, mais je vois bien qu’il m’arrive souvent de m’exprimer de façon confuse. Au point de me dire que je devrais me limiter à envoyer du matériel sans écrire.

      Sinon, pas très sûr de la polarité ascétisme/consumérisme. Pour ce que j’ai connu, il est systématique qu’à un moment ou un autre, des « militants » en viennent à se plaindre de fournir du travail pour des gens qui l’utilisent en free riders. Par exemple, lors de permanences destinées à des précaires et chômeurs. Mais on voit là même chez des syndicalistes. Et un « groupe révolutionnaire » qui déplore la « passivité générale » dit aussi quelque chose du même genre. Cette plainte est celle de celui qui « travaille » et se « sent exploité », ce ceux qui désirent et sont confrontés à une forme d’acédie vis à vis des objet et des rites (aussi incertains soient ils) qu’ils ont élus parmi ceux qui leur paraissent destinés à être aimés.

      Chez les chômistes et pocherons, quand il se passe quelque chose, quand par exemple un « cas », une action, un instant, se lie à une montée en généralité, à une perspective réellement vécue, quand quelqu’un qui ne fait « que passer » permet d’apprendre, de découvrir quelque chose, ce qui est déjà marquer des points, la question du « consumérisme » n’a pas lieu d’être (prenez ce que vous voulez, comme vous pouvez, barrez vous vite si vous voulez, vous nous privez de rien, on est là pour ça, on a tout à gagner). Et puis c’est aussi la manière de faire qui va déterminer une « relation de service » ou de l’entraide éventuelle. Le contre don est pas une norme.

      Je crois que cette façon de se poser et de se dire est un pendant masochiste de la joie qu’il y a à s’approprier, transformer quelque chose. Un régurgitement dû au reflux politique, la parole d’un défaut d’affinité à la matière en jeu. Faudrait passer à autre chose. Et souvent ça tourne en boucle.

      Bon, je met ton papier en liste de lecture...

    • Ceux dont tu causes, avec leurs réus si importantes, ressemblent à des apprentis politiciens (ils disent même pas comme on le voit dans des collectifs précaires chômeurs, « ah là je peux pas j’ai du taff », les taches utiles restant à effectuer par les disponibles). Et si ils ratent leur parcours et/ou renvoient pas l’ascenseur, on peu l’avoir mauvaise. M’enfin faire rire des carriéristes, c’est rarement un bon investissement.

  • Actualité philosophique : Michel Terestchenko - Idées - France Culture - 22.05.2015 - Par Adèle Van Reeth
    http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-actualite-philosophiq

    Actualité philosophique : Michel Terestchenko
    Invité(s) :
    Michel Terestchenko, philosophe, maître de conférences à l’université de Reims

    http://rf.proxycast.org/1030515942200713216/10467-22.05.2015-ITEMA_20757889-0.mp3
    L’ère des ténèbres de Michel Terestchenko, Lormont, Le Bord de l’eau, coll. « La bibliothèque du MAUSS », 2015

    http://lectures.revues.org/17945

    La « guerre sainte » et sans frontières que mènent les djihadistes contre « le monde des ténèbres » se déploie selon la logique manichéenne d’une lutte à mort où chaque camp prétend incarner le Bien et voit dans l’autre la figure du Mal. Comment en sortir ?

    Du premier côté, on ne saurait comprendre l’extrême violence dont les mouvances de l’islamisme radical font preuve sans la rapporter aux doctrines dont elles s’inspirent et aux multiples causes sociales, politiques et économiques qui expliquent leur émergence dans le monde arabo-musulman contemporain. Mais, symétriquement, tout se passe comme si les démocraties avaient été prises au piège d’idéologies meurtrières qu’elles ont davantage contribué à nourrir qu’à combattre efficacement dans le respect de leurs propres principes. De l’usage de la torture à l’utilisation croissante de drones armés, la « guerre contre la terreur » a trop souvent été menée dans le mépris du droit, alimentant ainsi une spirale sans fin de haine et de ressentiment, tout en servant de prétexte à une remise en cause de nos libertés fondamentales.

    Dans cet essai, stimulant et très documenté, Michel Terestchenko nous introduit au cœur de ces dynamiques de violence exponentielle, qui se développent jusque dans notre pays, et nous donne les moyens d’exercer notre responsabilité de citoyen afin qu’elles fassent enfin l’objet d’un débat public.

    #droit #droit_international #valeurs_démocratiques