Mayotte : Manuel Valls assume devant les députés le débat sur l’immigration illégale
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Mayotte : Manuel Valls assume devant les députés le débat sur l’immigration illégale
Par Nathalie Guibert
« Le droit du sol, c’est un débat, (…) une question qu’il faut poser. (…) Il faut traiter la question des flux migratoires. (…) Si nous ne réglons pas la question de la surpopulation, nous ne pourrons rien faire en matière d’école à Mayotte. » Poussé par les parlementaires du Rassemblement national (RN), secoué par la députée mahoraise (Union des démocrates et indépendants) Estelle Youssouffa (rattachée au groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, LIOT), encouragé par les élus du bloc central, le ministre des outre-mer, Manuel Valls a totalement assumé comme une priorité le sujet de l’immigration illégale à Mayotte, lundi 13 janvier, à l’Assemblée nationale.
Devant la commission des affaires économiques, le sujet n’était pourtant pas celui-là, au grand dam de la droite et des élus de Mayotte, d’ailleurs : pour M. Valls, dont c’était la première audition depuis sa prise de fonctions – depuis sa « prise de possession », a-t-il lâché dans un lapsus –, il s’agissait de défendre le projet de loi d’urgence consacré à la reconstruction du département ravagé par le cyclone Chido le 14 décembre 2024. La situation demeure tellement difficile sur le territoire, de nouveau frappé par une tempête le 12 janvier, que la rentrée scolaire est décalée au 27 janvier, a annoncé M. Valls, qui retournera sur place « à la fin du mois ».
La loi d’urgence forme un texte technique de 22 articles qui permettra à l’Etat d’agir par ordonnance, et aux collectivités de déroger aux règles des marchés publics, de l’urbanisme et des expropriations afin de rebâtir au plus vite le 101e département français. Un établissement public est mis en place, dirigé par un général de l’armée de terre, Pascal Facon, sur le modèle du chantier de Notre-Dame de Paris. Le projet, amendé lundi 13 et mardi 14 janvier en commission, sera examiné en séance dans l’Hémicycle le 20 janvier.
Les députés ont largement souligné les lacunes du texte, produit par l’administration sous le gouvernement finissant de Michel Barnier, le 18 décembre, et repris tel quel – les amendements du gouvernement de François Bayrou sur des sujets connexes comme l’extension de la politique de la ville ou la téléphonie mobile, considérés comme des cavaliers, ont été jugés irrecevables.Ainsi, aucune disposition ne vient corriger la pénurie chronique d’eau potable dont souffrait déjà l’archipel avant Chido. « Pourquoi ne pas avoir utilisé ce texte pour répondre à ce défi ? », a interrogé la présidente de la commission, l’« insoumise » Aurélie Trouvé, une question posée aussi par la députée du Doubs Dominique Voynet, au nom des Ecologistes. Le projet ne répond pas au déficit d’accès des Mahorais aux assurances, il ne garantit pas non plus que les entreprises locales soient servies par les marchés de reconstruction, a ajouté l’élue des Yvelines Marie Lebec, pour Ensemble pour la République, le groupe des députés Renaissance. Il fallait prévoir des mesures pour lutter contre les bidonvilles, dont la réinstallation anarchique a déjà commencé, ont regretté les élus de LIOT et du parti Les Républicains (LR).
Les attentes, nombreuses, devraient être comblées dans la loi-programme sur Mayotte promise pour le mois de mars : des réponses « structurelles », jure M. Valls, en admettant le caractère « incomplet » de cette première réponse législative. Dans deux mois, c’est l’immigration qui risque de dominer la bataille parlementaire. « Sur ce sujet essentiel, le texte d’urgence est muet », a insisté sa rapporteuse, Estelle Youssouffa, désignée lundi.
« Mayotte souffre de deux fléaux, l’habitat illégal et l’immigration clandestine, a souligné le ministre lors de son propos liminaire. Cette dernière constituera un volet primordial du second projet de loi sur lequel Bruno Retailleau travaille déjà. » M. Valls indique vouloir expulser chaque année non plus 25 000 étrangers en situation irrégulière mais « 35 000 ». Outre de nouveaux drones, radars et caméras, il envisage d’allonger encore la durée de résidence régulière des parents pour que leurs enfants accèdent à la nationalité française ou d’étendre l’aide au retour des ressortissants africains. Et promet un hypothétique « dialogue exigeant avec les Comores », qui revendiquent la souveraineté de Mayotte et dont partent la plupart des migrants.
Le ministre n’a pas démenti Anchya Bamana, députée RN de Mayotte, qui a dénoncé la « submersion migratoire » de son île. « En matière d’immigration, si nous n’arrivons pas à résoudre le problème, nous n’arriverons pas à reconstruire », a-t-il répété. Face à un autre élu du RN, Antoine Golliot (Pas-de-Calais), il assure : « Le rideau de fer dont a parlé le précédent ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, il faut le mettre en œuvre. » A Aurélien Taché, député « insoumis » du Val-d’Oise, qui conteste la « politique du double standard » des droits républicains à Mayotte, il répond : « Je n’ai pas dit que j’étais favorable à la suppression du droit du sol, mais je sais ce que nous pouvons faire encore en matière de restriction. » Une proposition de loi pour restreindre le droit du sol devrait être examinée le 6 février à l’Assemblée nationale dans le cadre de la niche parlementaire de LR.
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