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  • Dans le nord de la bande de Gaza, « la vie a comme disparu »
    Le médecin Zouhair Lahna a réussi à quitter l’enclave palestinienne lundi 6 mai, peu avant la prise du poste-frontière de Rafah par l’armée israélienne. Il raconte la panique et la désolation dans le Sud, mais aussi dans le Nord, où son équipe et lui étaient allés porter secours.

    Rachida El Azzouzi

    7 mai 2024 à 17h59
    | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/070524/dans-le-nord-de-la-bande-de-gaza-la-vie-comme-disparu

    À Beit Lahia dans la bande de Gaza, le 20 avril 2024. © Photo Omar El Qattaa / Anadolu via AFP

    Zouhair Lahna devait quitter la bande de Gaza mardi 7 mai au matin. La fin d’une mission de plus de deux semaines pour ce gynécologue obstétricien franco-marocain, rompu aux terrains de guerre les plus extrêmes depuis plus de vingt ans.

    Mais il est parti la veille, lundi 6 mai, dans la matinée, précipitamment, après avoir reçu l’ordre d’évacuation de l’association humanitaire des médecins palestiniens PalMed Europe, pour laquelle il intervient. Une pluie de tracts de l’armée israélienne était tombée sur l’est de Rafah, appelant les habitant·es à évacuer la ville où s’entassent plus de 1,2 million de Palestinien·nes, la plupart déplacé·es par les combats.

    Zouhair Lahna s’est exécuté. Dans la maison où il résidait avec plusieurs membres de PalMed, il a ramassé à la hâte ses affaires. Un collègue palestino-britannique, revenu soigner les siens, a refusé de les suivre : « Je ne peux pas partir, je dois rester. »

    Comme à chaque fin de mission, Zouhair Lahna, qui a déjà séjourné un mois cet hiver à Gaza, a éprouvé un sentiment de culpabilité, celui de laisser « l’effroyable » derrière lui : « Ils ont tellement besoin de nous. On apporte une respiration aux équipes à bout de souffle depuis sept mois de guerre. Et on essaie de sauver un maximum de vies. »

    En route vers le point de passage de Rafah, l’équipe a considéré la décision comme étant la plus sage : « On a bien fait de partir [avant la prise de contrôle du poste-frontière côté palestinien par l’armée israélienne, intervenue dans la nuit de lundi à mardi – ndlr]. Il est très difficile d’obtenir l’accord pour sortir des services israélien et égyptien rapidement, mais on l’a eu en deux heures quand même. On est passés vers 15 heures, avec une délégation américaine de la Croix-Rouge, après un temps d’attente et alors que les bombardements étaient incessants aux alentours. On voyait de la fumée partout. »

    Zouhair Lahna raconte la panique des habitant·es et des déplacé·es de Rafah, qui craignent que la ville subisse à son tour « une destruction totale » : « Tous les moyens de transport possibles pour fuir étaient pris d’assaut, les voitures, les carrioles, les motos. Certaines familles ont déjà été déplacées plusieurs fois depuis sept mois. Un de mes amis, réfugié à Rafah depuis trois mois avec sa famille après que leur maison eut été bombardée, m’a dit qu’il essayait de trouver une tente vers Khan Younès. Il m’a dit qu’Israël ne cherchait pas à détruire le Hamas mais la bande de Gaza, pour que plus un seul Palestinien ne puisse y vivre, pour qu’ils partent tous, que c’est pour cette raison qu’ils visent aujourd’hui Rafah. » (...)

    • Dr Lahna, de retour de Rafah : « Nous sommes à un tournant de l’histoire du monde »
      Par : Oriane Verdier | Publié le : 10/05/2024 | RFI
      https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20240509-dr-lahna-de-retour-de-rafah-nous-sommes-%C3%A0-un-tournant-de-l-histoir

      Avec le lancement de son offensive sur Rafah, l’armée israélienne a fermé les deux points de passage névralgiques de la bande de Gaza. L’aide humanitaire qui arrivait déjà au compte-goutte est aujourd’hui pratiquement impossible, selon les Nations unies. Médecin français, membre de l’ONG Palmed, Zouhair Lahna a été évacué de Rafah lundi 6 mai juste avant le lancement de l’offensive. Il revient pour RFI sur la situation qu’il a laissée derrière lui.

      RFI : De Rafah à Paris, comment vivez-vous votre retour en France ?

      Zouhair Lahna : Dès qu’on dépasse le point de passage de Rafah, c’est-à-dire en arrivant en Égypte, on est dans une zone où on ne peut plus recevoir de missiles. Quand on est Gaza, on peut recevoir un missile à n’importe quel moment, soit directement, soit un tir d’obus, soit un éclat. L’ONU décrit Gaza comme la zone la plus dangereuse au monde.

      Donc c’est vrai que là, à Paris, je souffle enfin, on est loin de l’atmosphère de guerre. Mais on garde une partie de Gaza en nous, on garde nos amis. Nos amis médecins qui sont dans des difficultés énormes avec leur famille, les travailleurs humanitaires à qui on a dit au revoir. Nous, avec des passeports étrangers, on peut sortir. Eux n’ont pas d’autre choix que de rester et de subir. (...)

  • Acquitté, Mimmo Lucano rêve de propager le modèle d’accueil de son village à travers l’Europe

    Lourdement condamné en septembre 2021 pour « association de malfaiteurs aux fins d’immigration irrégulière », l’ancien maire calabrais Mimmo Lucano a été presque totalement blanchi par la justice le 12 avril. Il salue une « #victoire_morale » et se présente aux élections municipales et européennes qui se tiendront en juin.

    L’ancienL’ancien maire de Riace garde le sourire, malgré le véritable « périple judiciaire » qu’il a dû traverser ces dernières années. Domenico Lucano, que tout le monde surnomme « Mimmo », insiste : sa propre personne ne compte pas. Il regrette surtout que l’image de Riace, petite commune de Calabre où il vit, et dont il a été le maire entre 2004 et 2018, ait été entachée par les accusations dont il a fait l’objet.

    À travers son acquittement récent, et quasi total, il estime que l’accueil de l’autre est enfin reconnu « comme une solution et une renaissance », notamment pour les terres désertées par la population. « C’est avant tout une victoire morale », souligne-t-il. Ce modèle vertueux d’accueil et de solidarité, ce « Village global » qu’il a contribué à développer au fil des ans, Mimmo Lucano aimerait le voir élargi à toute l’Europe, à l’heure où celle-ci tend plutôt à se barricader.

    Pour tenter d’y parvenir, il a choisi de se présenter aux prochaines élections municipales, à Riace, qui se tiendront en même temps que les élections européennes, pour lesquelles il est également candidat sur une liste d’alliance entre les Verts et la gauche italienne. « Ce qu’on voudrait, c’est une nouvelle Europe qui deviendrait le salut du monde. Pas celle des barbelés, dont les politiques ont provoqué la mort de dizaines de milliers de personnes », dit-il. Entretien.

    Mediapart : Vous sortez d’un sacré feuilleton judiciaire…

    Domenico Lucano : Oui. Un périple judiciaire. C’est mon histoire, mais c’est surtout celle d’une petite communauté, celle de Riace. Un petit bout de la périphérie européenne, avec sa mer Méditerranée, une sorte d’autoroute des pays arabes vers l’Europe. Mais c’est aussi la mer de la tragédie du monde. La Méditerranée a malheureusement changé de couleur, passant du bleu, du vert, au rouge, la couleur du sang. Le sang de beaucoup d’hommes et de femmes qui ne sont pas arrivés au bout de leur chemin. La mer est devenue un piège à leur tentative de bonheur. Elle a pris la couleur de la mort. Au cœur de l’histoire de Riace, il y a surtout un combat, devenu très médiatique, pour l’accueil de l’autre et pour un idéal politique différent.

    Beaucoup de réfugiés afghans fuyant les talibans sont arrivés en Calabre. Je pense aussi à cette tragique nuit d’hiver, le 26 février 2023, durant laquelle les secours ne sont pas venus. Le ministère de l’intérieur a organisé l’arrivée de la douane plutôt que celle des gardes-côtes, qui avaient pourtant les moyens de les sauver. Quatre-vingt-quatorze personnes ont perdu la vie, après avoir passé cinq jours en mer, dont beaucoup d’enfants. En 2022, l’actuel ministre de l’intérieur a utilisé ces mots terribles s’agissant des migrants : il s’agit de « charges résiduelles ». Le gouvernement italien fêtait l’anniversaire de Salvini pendant que les familles pleuraient leurs morts. C’est sans doute le moment le plus déplorable. Il ne sert à rien d’être parmi les grandes puissances mondiales ou de surveiller sa croissance économique quand on est capables d’un tel cynisme face à la vie humaine. La droite a montré son vrai visage.

    La droite et l’extrême droite ?

    Je crois qu’il n’y a pas de différence en Italie. « Extrême » est un adjectif, mais la droite est le lieu commun de la déshumanisation. On a vu différentes tentatives du ministère de l’intérieur pour empêcher les migrants de débarquer en Italie. Le paradoxe, c’est de constater qu’un gouvernement indigne, qui s’illustre par son inhumanité, grimpe dans les sondages. Faire face à ce gouvernement en Italie, en usant d’une parole libre, ne provoque en retour que des coups de matraque. C’est du jamais-vu. Il y a une dérive de la droite en Italie.

    Ce contexte politique vous a aussi valu une lourde condamnation en 2021 – 13 ans de prison et 500 000 euros d’amende, pour « association de malfaiteurs aux fins d’immigration irrégulière ». Comment l’avez-vous vécue ?

    Le 4 octobre 2018, à l’aube, j’ai vu des voitures arriver chez moi pour m’arrêter. Cela a marqué le début d’une histoire hallucinante, qui a duré presque sept ans. Quand j’ai été condamné en première instance le 30 septembre 2021, le sentiment qu’il s’agissait d’un procès politique s’est vite propagé en Italie. On m’a contraint à m’éloigner de Riace durant onze mois, alors que j’avais donné ma vie pour cette terre. Il y a eu une manifestation d’ampleur à Rome, un ex-sénateur a lancé une collecte de fonds destinée à régler l’amende dont je faisais l’objet.

    La collecte a rencontré un succès fou. Mais je lui ai dit que je n’en voulais pas. Je voulais simplement continuer d’accueillir les réfugiés à Riace, et on a construit le « Village global », avec une crèche pour 12 enfants immigrés et plein d’activités. On a tout fait pour continuer de faire exister ce monde-là. J’ai donc vécu cette condamnation avec sérénité, parce que j’ai pu profiter de la solidarité de la population italienne et du reste du monde, qui se raccrochait à la seule perspective de la fraternité.

    Je suis conscient que le fait qu’un petit village de Calabre puisse devenir un exemple pour l’accueil des personnes exilées a beaucoup gêné. Le modèle « Riace » a fait peur au système néolibéral. Mais l’ennemi n’est pas l’étranger ou celui qui lui vient en aide : ce n’est autre que cette nouvelle vague de fascisme qu’il y a en Europe et dans le monde, qui ne cherche qu’à fermer les frontières et à créer des forteresses. Je regrette d’avoir vu après tant d’années de propagande une forme d’égoïsme s’installer dans l’esprit des gens, tel un consensus politique.

    Comment vous sentez-vous aujourd’hui, après cette réhabilitation par la justice ?

    Je vais bien. Deux de mes enfants sont à Rome, le troisième habite avec mon épouse, et je suis seul à Riace. La plupart de mes proches ont vécu l’acquittement comme une libération. Au niveau local, il y a eu une solidarité immédiate, y compris de la part de personnes qui ne partageaient pas ma vision politique. Mais le plus merveilleux dans cette fin de feuilleton, ce n’est pas l’acquittement en soi, ce sont les motivations des juges. Ces derniers ont attendu 90 jours pour les rendre publiques et signifier au reste de monde qu’on ne touchera pas au message politique pour lequel je me suis battu.

    Ils ont rétabli la vérité et confirmé que je n’avais pas pensé à profiter une seconde du système d’accueil que j’avais mis en place à Riace, ni que j’avais pu m’enrichir par ce biais. Ce n’est donc pas un acquittement technique ou juridique. C’est un acquittement moral. Et pour la première fois dans l’histoire des migrations, l’immigration en Italie peut enfin être regardée sous une lumière totalement opposée à celle proposée par certains politiciens. L’accueil de l’autre est enfin reconnu comme une solution et une renaissance. C’est avant tout une victoire morale, et cela vaut plus que tout.

    Vous avez fait le choix de revenir en politique, en vous présentant aux municipales à Riace mais aussi aux européennes, sur la liste des Verts et de l’Alliance de gauche (Alleanza Verdi e Sinistra) – élections qui se tiendront toutes deux les 8 et 9 juin prochains. Est-ce que votre acquittement a joué dans votre décision ?

    Non, car je n’ai jamais perdu ce désir d’engagement politique. La politique, pour moi, se résume à l’espoir, et je n’ai jamais été fatigué à l’idée de continuer d’espérer. Dès le départ, le Village global a été conçu comme un laboratoire politique au niveau local. Cela a d’ailleurs été l’opportunité de multiples réunions, prises de décision collectives et autres activités communes. C’est dans cette démarche que nous avons donc voulu réunir la gauche au-delà du Parti démocrate (Partito Democratico), dont Elly Schlein est la secrétaire.

    Ça n’a pas été facile. Les responsables du parti n’en ont pas tenu compte, alors on a trouvé une coalition a gauche du Parti démocrate. Les Verts et l’Alliance de gauche italienne m’ont demandé si je voulais participer aux européennes. Et avec tous les camarades de Riace, on a dit oui. C’était une envie partagée, parce que les positions qu’ils défendent contre la guerre, en faveur de l’accueil des exilés ou encore pour une loi pour le salaire minimum en Italie correspondaient à mes choix politiques. Un jour, j’aimerais qu’il y ait un panneau « Village de l’accueil » un peu partout dans les communes d’Europe !

    Mais force est de constater que l’on observe plutôt une politique de rejet en Europe…

    À Riace, on a réussi à l’échelle d’une toute petite réalité. Un village de quatre cents habitants est désormais connu pour sa politique d’accueil. À l’échelle européenne, nous ne serons peut-être plus là pour observer ce changement de paradigme. Mais je suis persuadé que d’une petite chose peut naître une grande chose. Je suis heureux que figure sur notre liste la candidate Ilaria Salis, arrêtée par Viktor Orbán en Hongrie pour son engagement contre le fascisme. Nous avons une histoire similaire, elle se bat pour le respect des droits humains. Lorsque j’ai vu les images d’elle à la télévision, la montrant menottée, j’ai été fier de la savoir à mes côtés dans cette aventure au niveau européen.

    Le pacte migratoire européen a été adopté dans la douleur il y a peu. Êtes-vous inquiet de voir cette politique de repli concrétisée à l’échelle européenne à travers ces textes ?

    Ce pacte est absurde. Je n’en partage pas les objectifs, évidemment. On voit partout des tentatives d’affaiblir le droit d’asile, y compris en Italie, ou de créer des sortes de voies de déportation vers des pays tiers comme l’Albanie, où le respect des droits humains n’est pas garanti. C’est triste quand on voit ce qu’on a été capables de faire à notre petite échelle. Je pense que la droite souffre d’un syndrome de la peur de l’être humain. C’est ce qu’on observe en Italie mais aussi en Europe. Ce qu’on voudrait, c’est une nouvelle Europe qui deviendrait le salut du monde. Pas celle des barbelés, dont les politiques ont provoqué la mort de dizaines de milliers de personnes.

    Pourquoi vous présenter à deux élections, à deux échelles différentes ?

    C’est une question redoutable (rires). Je ne veux pas devenir un bureaucrate. Je mettrai la même conviction à l’échelle européenne et je ne ferai de concession à personne : les profits de la politique ne m’intéressent pas. Et j’ajouterai que paradoxalement, je suis d’accord avec la manière dont Matteo Salvini m’a défini un jour, lorsqu’une personne lui a demandé ce qu’il pensait de moi. Il a répondu : « Il vaut zéro. » Ça me convient assez bien, je considère que je ne suis personne. Ce qui est sûr, c’est que j’ai à cœur de poursuivre mon engagement au niveau local et européen. En Italie, la loi permet d’être à la fois maire et député européen.

    Alors, bien sûr, les possibilités sont multiples : je peux être élu maire de Riace, être élu député européen ou les deux, ou pas élu du tout. Je continuerai dans tous les cas à développer le modèle Riace, et j’aimerais élargir ce modèle d’accueil à d’autres communes en Italie, et à d’autres États en Europe, un modèle en faveur de l’accueil qui permet aussi de contrer le déclin démographique. Et pour aller plus loin, j’aimerais également créer une collectivité de communes qui partagerait une monnaie unique, pour nous permettre de sortir de ce néolibéralisme, qui détruit notre économie et notre démocratie, tout en valorisant le travail fourni au sein de la communauté.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/040524/acquitte-mimmo-lucano-reve-de-propager-le-modele-d-accueil-de-son-village-

    #Riace #Mimmo_Lucano #Domenico_Lucano #accueil #réfugiés #migrations #Italie #Calabre #justice #acquittement #entretien #interview #solidarité #criminalisation_de_la_solidarité #villes-refuge #périple_judiciaire #condamnation #réhabilitation #libération #acquittement_moral #engagement_politique

    –—

    Ce fil de discussion est la suite de celui-ci :
    11 octobre 2023, verdict en cour d’appel pour le #procès contre #Mimmo_Lucano, ancien maire de #Riace
    https://seenthis.net/messages/1020950

    signalé par @olaf ici :
    https://seenthis.net/messages/1052451

    ping @_kg_

  • Super Mimmo is back ! | Mediapart | 04.05.24

    https://www.mediapart.fr/journal/international/040524/acquitte-mimmo-lucano-reve-de-propager-le-modele-d-accueil-de-son-village-

    Acquitté, Mimmo Lucano rêve de propager le modèle d’accueil de son village à travers l’Europe

    Migrations — Entretien

    Lourdement condamné en septembre 2021 pour « association de malfaiteurs aux fins d’immigration irrégulière », l’ancien maire calabrais Mimmo Lucano a été presque totalement blanchi par la justice le 12 avril. Il salue une « victoire morale » et se présente aux élections municipales et européennes qui se tiendront en juin.

    [Et] garde le sourire, malgré le véritable « périple judiciaire » qu’il a dû traverser ces dernières années. Domenico Lucano, que tout le monde surnomme « Mimmo », insiste : sa propre personne ne compte pas. Il regrette surtout que l’image de Riace, petite commune de Calabre où il vit, et dont il a été le maire entre 2004 et 2018, ait été entachée par les accusations dont il a fait l’objet.
    [...]
    « Ce qu’on voudrait, c’est une nouvelle Europe qui deviendrait le salut du monde. Pas celle des barbelés, dont les politiques ont provoqué la mort de dizaines de milliers de personnes »

    • Étonnamment, complet ici : https://seenthis.net/messages/1052487

      [...] La droite a montré son vrai visage.

      [Mediapart] : La droite et l’extrême droite ?

      Je crois qu’il n’y a pas de différence en Italie. « Extrême » est un adjectif, mais la droite est le lieu commun de la déshumanisation. On a vu différentes tentatives du ministère de l’intérieur pour empêcher les migrants de débarquer en Italie. Le paradoxe, c’est de constater qu’un gouvernement indigne, qui s’illustre par son inhumanité, grimpe dans les sondages. Faire face à ce gouvernement en Italie, en usant d’une parole libre, ne provoque en retour que des coups de matraque. C’est du jamais-vu. Il y a une dérive de la droite en Italie.

      [...] Comment l’avez-vous vécue ?

      Le 4 octobre 2018, à l’aube, j’ai vu des voitures arriver chez moi pour m’arrêter. Cela a marqué le début d’une histoire hallucinante, qui a duré presque sept ans. Quand j’ai été condamné en première instance le 30 septembre 2021, le sentiment qu’il s’agissait d’un procès politique s’est vite propagé en Italie. On m’a contraint à m’éloigner de Riace durant onze mois, alors que j’avais donné ma vie pour cette terre.

    • Je suis conscient que le fait qu’un petit village de Calabre puisse devenir un exemple pour l’accueil des personnes exilées a beaucoup gêné. Le modèle « Riace » a fait peur au système néolibéral. Mais l’ennemi n’est pas l’étranger ou celui qui lui vient en aide : ce n’est autre que cette nouvelle vague de fascisme qu’il y a en Europe et dans le monde, qui ne cherche qu’à fermer les frontières et à créer des forteresses. Je regrette d’avoir vu après tant d’années de propagande une forme d’égoïsme s’installer dans l’esprit des gens, tel un consensus politique.
      [...]
      Je pense que la droite souffre d’un syndrome de la peur de l’être humain. C’est ce qu’on observe en Italie mais aussi en Europe. Ce qu’on voudrait, c’est une nouvelle Europe qui deviendrait le salut du monde.

  • Avec le #Liban, l’UE compte de nouveau sur un #pays_tiers pour contrôler les migrations

    Un nouvel #accord a été conclu entre l’Union européenne et le Liban cette semaine, à hauteur d’un milliard d’euros. Ce dernier vise, sous couvert d’aider à maintenir la sécurité et la stabilité du pays, à freiner les départs d’exilés syriens en direction de l’Europe.

    La tournée continue. L’Union européenne vient de signer un nouveau « deal », cette fois avec le Liban, pour qu’un pays tiers gère le contrôle de ses frontières. Après l’Égypte et la Tunisie, c’est désormais à un Liban en crise de tenter de maîtriser les départs des exilés présents sur son sol, qui pourraient aspirer à rejoindre l’Europe pour une vie meilleure.

    Cette aide d’un milliard d’euros, annoncée à l’occasion d’une visite de la présidente de la commission européenne Ursula von der Leyen et du président chypriote Níkos Christodoulídis à Beyrouth le 2 mai, devrait s’étaler jusqu’en 2027 et « permettra de soutenir la population au Liban et de contribuer à sa sécurité et sa stabilité », a argué Ursula von der Leyen.

    Entre les lignes, le spectre migratoire n’est jamais bien loin : cette enveloppe doit certes permettre de soutenir « les plus vulnérables », à l’heure où le Liban traverse une crise socio-économique majeure, mais aussi et surtout « les réfugiés, les personnes déplacées à l’intérieur du pays et les communautés d’accueil », tout en renforçant le soutien aux forces armées libanaises « dans la lutte contre la #traite et le #trafic_d’êtres_humains ».

    Autrement dit les #passeurs, qui permettent aux Syriennes et Syriens de faire la traversée vers l’île de Chypre, où le nombre d’arrivées par la mer a bondi ces dernières années ; et où, tout récemment, le gouvernement a annoncé vouloir suspendre les demandes d’asile pour les Syrien·nes sur l’île, en violation du droit international et en particulier de la Convention de Genève relative aux réfugiés.

    C’était d’ailleurs l’objet d’une première rencontre entre le président chypriote et le premier ministre libanais, Najib Mikati, organisée le 8 avril dernier à Beyrouth. Le premier ministre libanais avait alors assuré que « l’armée et les forces de sécurité libanaises faisaient de leur mieux pour mettre fin à l’immigration illégale ».

    L’entrevue avait abouti sur l’idée d’une coopération entre les deux pays, avec une « aide substantielle de la commission européenne », comme l’avait souligné le porte-parole du gouvernement chypriote à l’issue de la rencontre.

    Des contours flous

    Plus surprenant, le Conseil européen a également « réaffirmé la nécessité de créer les conditions d’un #retour_sûr, volontaire et digne des réfugiés syriens, telles que définies par le Haut-Commissariat aux réfugiés », peut-on lire dans un communiqué de la commission européenne en date du 2 mai.

    La #Syrie n’est pourtant pas considérée comme un #pays_sûr, comme le font remarquer différents observateurs : en septembre 2021, l’ONG Amnesty International avait même pointé dans un rapport les nombreuses violences – torture, viols, détention arbitraire – dont les réfugiés de retour en Syrie peuvent faire l’objet.

    Dans tous les cas, soulève Wadih Al-Asmar, président du réseau EuroMed Droits, « 250 millions d’euros sont prévus pour l’#armée_libanaise, qui participe à renvoyer des Syriens chez eux malgré les dangers qu’ils encourent en Syrie ». L’argent européen va donc « permettre des violations des droits de l’homme », regrette-t-il, expliquant que plusieurs cas ont déjà été documentés par ses équipes dernièrement.

    L’homme s’interroge par ailleurs sur cette enveloppe financière tombée de nulle part : fait-elle partie des fonds alloués par l’UE au Liban de façon régulière depuis 2011 ? S’agit-il d’une somme allouée de façon exceptionnelle ?

    Il souligne les « contours très flous » de cet accord, conclu avec le premier ministre libanais alors que celui-ci n’a pas l’habilitation de signer des accords internationaux, pour lequel aucun texte n’a encore visiblement été rédigé. « Aucun texte n’a été présenté au parlement libanais ou au parlement européen. C’est avant tout un grand effet d’annonce », estime celui qui est aussi président du centre libanais des droits humains à Beyrouth.

    Un coup de com’ « très problématique sur le plan des #droits_humains » : il pourrait provoquer une « pression supplémentaire sur les réfugiés syriens » présents au Liban, et participe au narratif faisant des Syriens les responsables de tous les maux que peut connaître le pays. « Il y a pourtant une classe politique corrompue qui a volé l’argent des Libanais, mais au lieu de poursuivre en justice les responsables de tout ça, on met tout sur le dos des réfugiés syriens », déplore Wadih Al-Asmar.

    Dans l’esprit du pacte migratoire européen

    L’effet d’annonce derrière ce nouvel accord vise aussi à conforter Chypre dans ses prises de position plus ou moins explicites contre les réfugiés syriens qui tentent de rejoindre l’île par la mer.

    Depuis quelques mois, Chypre « viole le droit européen » en refusant le débarquement de ces réfugiés. « Ursula von der Leyen donne donc une couverture politique au président chypriote en concluant cet accord », estime Wadih Al-Asmar.

    L’eurodéputé Damien Carême abonde : « On a l’impression que c’est pour calmer Chypre, qui ne veut plus accueillir de réfugiés syriens et va jusqu’à les refouler. On note d’ailleurs le mutisme de la Commission européenne sur ces agissements. »

    Ce nouvel accord s’inscrit, relève l’eurodéputé, dans la droite ligne du pacte migratoire européen, adopté le 10 avril dernier par le Parlement européen. « Il s’agit d’externaliser la gestion des frontières et de renvoyer le plus de personnes possible », explicite l’écologiste, qui a très vite marqué son désaccord avec ce pacte.

    Après la Mauritanie, la Tunisie, l’Égypte ou encore la Libye, « l’UE s’enferme dans des solutions qui ont déjà montré toute leur inefficacité ». Signer des accords avec des pays tiers dits « sûrs » est désormais devenu une « obsession », tacle l’eurodéputé, qui prend soin de relativiser la notion de pays « sûr ».

    « On ne sait pas bien ce qu’il y a derrière cette notion, puisque la Tunisie est par exemple considérée comme un pays sûr, et la Libye aussi, malgré tout ce qu’il s’y passe. » Impossible de ne pas relever les incohérences s’agissant du cas précis de la Syrie, où la commission européenne encourage le retour volontaire des réfugiés syriens, tout en considérant que le pays n’est pas « sûr ». « C’est dramatique et très inquiétant », alerte celui qui pointe là un « cynisme maximal ».

    Massivement présents sur le territoire libanais (un million et demi de réfugiés, soit près de 30 % de la population), mais victimes de discours populistes allant jusqu’à la théorie raciste du « grand remplacement », rejetés par Chypre et soumise à des marchandages financiers orchestrés par l’UE, prête à débourser un milliard d’euros pour ne pas les voir débarquer sur son sol… voilà le « marché de dupes » auxquels sont soumis les réfugiés syriens, dénonce Wadih Al-Asmar, qui résume la visite d’Ursula von der Leyen à un « échec ».

    Cette dernière veut « transformer le Liban en poste frontière avancé de l’UE », comme d’autres pays par le passé. Mais selon lui, le nombre de traversées par la mer vers Chypre ne baissera pas, et le business des passeurs, que l’accord UE-Liban est censé mettre à mal, continuera de fleurir de son côté, avec l’assentiment de la population libanaise, « contente de voir qu’ils font partir les réfugiés syriens ».

    Au final, conclut-il, « l’UE ne fait pas baisser la pression sur les réfugiés syriens, n’apporte pas de garanties réelles pour améliorer leur condition au Liban, et offre une image dégradée de l’Europe qui ne cherche qu’à contenir les migrations dans un pays tiers ».

    https://www.mediapart.fr/journal/international/030524/avec-le-liban-l-ue-compte-de-nouveau-sur-un-pays-tiers-pour-controler-les-

    #externalisation #migrations #réfugiés #frontières #contrôles_frontaliers #aide_financières #réfugiés_syriens #renvois #expulsions #retour_volontaire #retour_digne #pays-tiers_sûrs

    ping @_kg_

    • EU unveils €1-billion aid package for Lebanon in bid to curb refugee flows

      The European Union will provide €1 billion in financial aid to Lebanon over three years to prop up the country’s economy and help prevent a surge in refugees leaving for Europe.

      European Commission President Ursula von der Leyen announced the move on Thursday morning following a meeting with Lebanese caretaker Prime Minister Najib Mikati and Cypriot President Nikos Christodoulides in Lebanon’s capital, Beirut.

      The financial envelope, made up entirely of grants and to be dispersed by 2027, will help Lebanon strengthen basic services such as education, social protection and health, and spur economic reforms in the crisis-stricken country, von der Leyen said.

      But some three quarters of the cash - a total of €736 million - will be specifically dedicated to helping Lebanon grapple with the challenges it faces in welcoming Syrian refugees.

      “We understand the challenges that Lebanon faces with hosting Syrian refugees and other displaced persons. It is vital to ensure the well-being of host communities and Syrian refugees,” von der Leyen said.

      The Commission chief also vowed to “look at how to make the EU’s assistance more effective,” including facilitating a “more structured approach to voluntary returns” of displaced Syrians in cooperation with the UN refugee agency (UNHCR).

      It comes after EU leaders backed deeper engagement with Beirut last month to help safeguard it from the repercussions of the conflict in the Middle East, and after Cyprus raised the alarm over a sharp peak in the number of Syrian refugees arriving from Lebanon.

      It also follows a string of agreements signed over the last year between Brussels and African countries in a bid to stem migration into Europe.

      A deepening economic crisis and fragile government make Lebanon particularly vulnerable to the instability gripping the region in the wake of the Israel-Hamas war.

      The country is home to some 210,000 Palestinian and 1.5 million Syrian refugees, prompting fears regional instability could unleash a wave of migrants towards Europe via the island of Cyprus.
      Cash to stem refugee flows

      In early April, Cyprus announced it would temporarily halt the processing of asylum applications due to a surge in arrivals of Syrian refugees transiting through Lebanon and attempting to reach the island, which lies just 260 km off the Lebanese coast in the Mediterranean Sea.

      Over 1,000 people arrived in Cyprus by boats from Lebanon during the first two weeks of April, leaving refugee and reception centres on the island overloaded.

      “The problems seen on the Cypriot border is only one example of what could happen if this problem is not addressed,” Lebanese caretaker Prime Minister Najib Mikati acknowledged on Thursday, thanking Cyprus’ President Christodoulides for brokering the agreement.

      Hailing the announcement as “historic”, Christodoulides said that the financial envelope would address a situation that is “not sustainable” for either Lebanon, Cyprus or the European Union.

      “While we commend the Lebanese government for hosting a large number of Syrian refugees for more than 12 years, we are also fully cognisant of the enormous pressure that this creates to your economy and to your society,” Christodoulides said.

      He backed von der Leyen’s proposal of intensifying work with partners such as UNHCR on voluntary returns, where refugees who want to return to their home countries - even if the UN agency considers it unsafe for them - are supported to do so.

      Christodoulides also went further by calling for the status of some regions of Syria to be “re-examined” as safe areas to facilitate the return of migrants and refugees, a proposal he tabled at last month’s summit meeting of EU leaders.

      Syria, which has been under the authoritarian regime of Bashar al-Assad for more than two decades, has been designated an unsafe country since the civil war erupted in 2011. But refugee host countries such as Turkey and Lebanon have been pushing for the mass return of Syrian refugees to the country.

      A European Commission spokesperson confirmed that the EU has followed the lead of the UNHCR in their approach to safe zones in Syria, and that Brussels is “embarking now on discussions to see how to approach this issue in the upcoming period.”

      Von der Leyen also floated a working arrangement between Lebanon and the EU’s border agency, Frontex, “particularly on information exchange and situational awareness.” The agency currently has such arrangements in place with 19 partner countries.
      Security of Lebanon ’at stake’

      Both Christodoulides and von der Leyen also acknowledged the threat posed by the war between Israel and Hamas to Lebanon’s security.

      The Iranian-backed militant group Hezbollah is present in the country and has continuously exchanged fire across Lebanon’s southern border with Israel since the outbreak of the war last October.

      Hezbollah also took part in Tehran’s unprecedented aerial attack on Israel last month.

      “We are deeply concerned about the volatile situation in South Lebanon. What is at stake is the security of both Lebanon and Israel. The two cannot be disassociated,” von der Leyen said.

      Von der Leyen asked for a UN resolution calling on Israel to withdraw its troops from the Blue Line, the border demarcation between Lebanon and Israel, to be respected.

      https://www.euronews.com/my-europe/2024/05/02/eu-unveils-1-billion-aid-package-for-lebanon-in-bid-to-curb-refugee-flows

    • #Abou_Nader: Lebanese people reject European aid as a bribe to contain refugees

      #Fouad_Abou_Nader announced that Lebanese people have significant doubts regarding the EU’s financial package for Lebanon, estimated at a value of one billion euros over four years.

      He said: “If it is a veiled bribe intended to task the government with containing Syrian refugees and keeping them in Lebanon, then this assistance is to be returned to the givers with thanks.”

      He added: “The assistance that Lebanon was expecting from Europe is the regular repatriation of refugees to their country by giving them direct incentives in Syria. They can start by repatriating about 200,000 refugees who freely move between Lebanon and their country and have participated in the recent elections, which means there are no problems between them and the regime.”

      He asked: “Lebanese people were promised the transfer of Syrian prisoners to their country to complete their sentences there, so where is this promise now?”

      https://www.lbcgroup.tv/news/lebanon-news/770041/abou-nader-lebanese-people-reject-european-aid-as-a-bribe-to-contain-r/en

      #refus

  • Gaza : « Nous avons face à nous tous les signes avant-coureurs d’un génocide »
    Rachida El Azzouzi | 24 avril 2024 | Mediapart

    https://www.mediapart.fr/journal/international/240424/gaza-nous-avons-face-nous-tous-les-signes-avant-coureurs-d-un-genocide

    repris par https://aurdip.org/gaza-nous-avons-face-a-nous-tous-les-signes-avant-coureurs-dun-genocide

    Entretien avec Budour Hassan, la chercheuse palestinienne d’Amnesty International sur Israël et les territoires palestiniens occupés, basée dans la ville de Jérusalem-Est occupée ainsi qu’à Ramallah, à l’occasion de son passage à Paris.

    Mediapart : En quoi les événements qui se déroulent à Gaza depuis plus de six mois symbolisent-ils « l’échec moral absolu de nombreux architectes du système établi après la Seconde Guerre mondiale » ?

    Budour Hassan : Il ne s’agit pas simplement d’une extinction du droit international, de l’affaissement d’un ordre mondial fondé sur des règles. C’est aussi un coup dur porté à la légitimité du droit international, et des droits humains en tant que concept. Quand on voit des êtres déshumanisés au point de ne pas être reconnus comme des humains, que reste-t-il des droits humains ?

    Le peuple palestinien endure à Gaza une répétition de la Nakba [la catastrophe de 1948, soit le déplacement de force de plus de 750 000 Palestiniennes et Palestiniens – ndlr] en pire. Nous avons face à nous tous les signes avant-coureurs d’un génocide : un blocus illégal dévastateur affame la population, la majorité des habitants ont été déplacés, de haut représentants du gouvernement israélien tiennent des propos génocidaires, plus de 34 000 personnes sont mortes, majoritairement des civils, des femmes et des enfants ; des camps de réfugiés, des infrastructures essentielles, des hôpitaux, des écoles, des universités sont détruits, etc.

    Mais Israël continue de bénéficier d’une impunité de la part de la communauté internationale, des plus grandes puissances, au premier plan son allié historique, les États-Unis, qui se présentent comme garants de l’ordre juridique mondial mais qui, en réalité, aident activement Israël, lui fournissent la logistique, l’armement, le soutien politique, diplomatique, militaire pour mener à bien ces attaques.

    Que signifient le droit international, le droit de la guerre, les règles de proportionnalité, les principes de protection des civils lorsqu’ils sont bafoués chaque jour sans répercussions ? Ce n’est pas faute d’outils. Le problème est le manque de volonté d’utiliser ces outils.

    Voyez ce qu’il s’est produit lorsque Israël a accusé douze des treize mille employé·es de l’Unrwa dans la bande de Gaza d’avoir participé aux massacres du 7 octobre 2023. Des dizaines de pays se sont basés sur son rapport, qui ne présentait aucune preuve, pour rompre ou suspendre leurs financements. Or, ces accusations ne sont pas fondées. Un rapport indépendant vient de le prouver. Israël a menti encore une fois.

    Nous parlons d’un pays présenté comme une démocratie, la seule démocratie du Moyen-Orient. Mais si c’est une démocratie, pourquoi bafoue-t-elle ainsi le droit international ? Pourquoi ne permet-elle pas aux enquêteurs, aux journalistes d’entrer à Gaza ? La seule réponse est : Israël a quelque chose à cacher. (...)

  • Politiques migratoires : « Des dispositifs mortels, dont l’effet est de tuer pour dissuader »

    Les textes composant le Pacte migratoire européen devraient être votés à Bruxelles d’ici mercredi 10 avril. Ils pourraient réduire considérablement les droits des personnes en exil qui tenteraient de rejoindre l’Union européenne.

    Renforcer les contrôles aux frontières, procéder au tri des exilé·es aux portes de l’Union européenne, traiter les procédures d’asile en accéléré, expulser plus rapidement les « indésirables » ou encourager les logiques d’externalisation…

    Les textes qui composent le pacte migratoire européen sont actuellement débattus au Parlement européen et doivent être votés mercredi 10 avril. Censé répondre à la crise de l’accueil qu’a connue l’Europe en 2015, il est largement rejeté par la gauche et les ONG, mais a toutes les chances d’être adopté après plus de deux ans de tractations.

    Pourquoi a-t-il été aussi difficile d’aboutir sur un tel pacte ? Que va-t-il changer pour les personnes exilées ? Comment en contrer les potentiels effets négatifs ?

    Nos invitées pour en débattre :

    - #Rima_Hassan, candidate LFI aux élections européennes, juriste et fondatrice de l’Observatoire des camps de réfugiés ;
    - #Sophie-Anne_Bisiaux, membre du réseau Migreurop, spécialiste des questions liées à l’externalisation, notamment en Afrique du Nord ;
    - #Sophie_Djigo, philosophe, fondatrice du collectif Migraction59 dans le nord de la France, autrice de Penser avec la frontière (Éditions d’une rive à l’autre).

    https://www.mediapart.fr/journal/international/090424/politiques-migratoires-des-dispositifs-mortels-dont-l-effet-est-de-tuer-po
    #pacte_européen_sur_la_migration_et_l’asile #pacte #Europe #pacte_migratoire #asile #migrations #réfugiés
    #pression_migratoire #management_migratoire #triple_win #répression #administration_des_flux #exclusion #récupération #humanité #fermeté #enfermement #tri #militarisation_des_frontières #racisme #règlement_filtrage #filtrage #frontières #frontières_extérieures #détention #enfermement #fichage #empreintes_digitales #procédure_d'asile #procédure_à_la_frontière #procédure_accélérée #pays_sûrs #fiction_juridique_de_non-entrée #non-entrée #fiction_juridique #encampement #encampement_généralisé #répartition #répartition_de_solidarité #paternalisme_colonial #externalisation #externalisation_des_frontières #refoulements #push-backs
    #vidéo

  • Ingérences Russes : Viginum & co sauvent [surtout] le personnel politique | Mediapart | 20.04.24

    https://www.mediapart.fr/journal/international/200424/les-dessous-de-la-bataille-francaise-contre-la-desinformation-russe

    Quant aux lois passées afin de prévenir les ingérences étrangères, elles posent des risques pour les libertés publiques, dénoncent certains. « Je me demande si le vrai piège que les Russes nous tendent ne consiste pas, au nom de notre défense, à durcir de nouveau nos lois, à restreindre encore nos libertés, s’interroge à voix haute le député (Renaissance) et cadre dans le numérique, Éric Bothorel. Il ne faut pas sous-estimer cette possibilité. »

    #célérusses

  • Ces géants qui dominent le commerce agricole mondial

    En quelques décennies, une toute petite poignée d’acteurs a pris le contrôle du commerce mondial agricole, des #terres à la #finance. C’est le constat dressé par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement. Peut-on laisser à quelques groupes le destin de la sécurité alimentaire mondiale ?

    C’est un #oligopole dont on ne sait presque rien, parfois même pas son nom. Une poignée d’acteurs inconnus du grand public dominent le #commerce_mondial agroalimentaire. Mais ils font tout pour se faire oublier et cacher les empires qu’ils ont construits au fil des ans, ainsi que l’emprise qu’ils ont conquise sur le monde.

    La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) a dénombré quatorze grands groupes régnant sur ce secteur. À eux seuls, les quatre premiers – #Cargill, #Archer_Daniels_Midland, #Bunge, #Louis_Dreyfus – contrôlent quelque 70 % du marché agricole mondial, selon ses estimations.

    L’envolée des #prix alimentaires partout dans le monde, nourrissant une #inflation planétaire mais aussi des pénuries et des risques aggravés de #crise_alimentaire dans les pays les plus pauvres, a amené l’institution internationale à se pencher longuement dans son dernier rapport annuel sur le rôle exercé par ces géants de l’#agrobusiness dans cette période. Il paraît écrasant.

    Si les superprofits des pétroliers ont été au cœur de toutes les discussions, ceux des géants de l’agrobusiness sont passés inaperçus. Pourtant, ils ont été les autres grands gagnants de la succession de crises (sortie de la pandémie, guerre en Ukraine, tensions géopolitiques) qui se sont enchaînées à un rythme effréné au cours des quatre dernières années.

    Celles-ci se sont traduites par une volatilité inédite du cours de toutes les matières premières agricoles (#blé, #soja, #maïs, #tournesol, #riz, #sucre, #café, #cacao) dont ces grands groupes ont su tirer parti au mieux de leurs intérêts. En 2022, Cargill, Archer Daniels Midland, Bunge et Louis Dreyfus ont réalisé un bénéfice cumulé de plus de 17 milliards de dollars, soit près du triple de leurs résultats de 2020. « Les #bénéfices totaux des neuf grandes sociétés d’#engrais au cours des cinq dernières années sont passés d’une moyenne d’environ 14 milliards de dollars avant la pandémie, à 28 milliards de dollars en 2021, puis au chiffre incroyable de 49 milliards de dollars en 2022 », ajoute le rapport de la #Cnuced.

    Les tensions sur les matières premières agricoles se sont un peu dissipées en 2023. Mais l’été dernier, comme le rappelle la Cnuced, « le prix du blé restait deux fois supérieur au cours d’avant la pandémie ». Cela est vrai pour pratiquement tous les prix agricoles, sans parler des cas spécifiques comme le cacao ou le café, qui atteignent actuellement des cours stratosphériques. Penser que des prix agricoles élevés profitent aux producteurs, « c’est ignorer le rôle majeur joué par ces groupes internationaux d’agrobusiness qui contrôlent nombre de liens dans la chaîne de valeur mondiale et dans la dynamique de la formation des prix du système mondial alimentaire », insiste l’institution des Nations unies.

    De ces groupes, on ne sait pratiquement rien. Sur les quatorze groupes repérés comme les plus importants par la Cnuced, « huit seulement sont cotés en bourse et publient leurs comptes », souligne le rapport. Tous les autres prospèrent à l’abri des regards. Jouant des frontières et des gouvernements, tous cultivent l’opacité, utilisent les failles et les porosités du système pour évoluer dans une totale impunité.

    Souvent partis du négoce, ils n’ont cessé d’étendre leur emprise, prenant le contrôle d’usines de transformation, de capacités de stockage, de compagnies de transport. Puis ils ont mis la main sur les semences et les engrais, avant de devenir de gigantesques propriétaires fonciers. Ils contrôlent désormais des centaines de milliers d’hectares en Ukraine, au Brésil, en Argentine, en Australie, au Canada. En un mot, dans tous les grands pays agricoles où ils peuvent pratiquer des cultures intensives à échelle industrielle, en pratiquant des déforestations massives, s’il le faut.

    Ils sont en position de dicter leurs conditions aux producteurs locaux et aux gouvernements, d’influencer les modes d’alimentation de toute la planète. Demain, ils n’hésiteront pas à mettre en danger les approvisionnements mondiaux, beaucoup étant prêts à troquer la production alimentaire pour celle d’agrocarburants, estimée beaucoup plus rémunératrice.

    Au cours de décennies de fusions et d’acquisitions, « de tels groupes ont pu étendre leur influence de haut en bas de la chaîne d’approvisionnement, tout en amassant d’énormes quantités de données de marché. Si une poignée de sociétés continue de détenir un pouvoir démesuré sur les systèmes alimentaires mondiaux, toute politique visant à atténuer les effets à court terme de la flambée des prix alimentaires sera vaine à long terme », prévient la Cnuced.
    Dans les pas de la finance de l’ombre

    Car un autre changement majeur est intervenu au cours des quinze dernières années, qui n’a pas été suffisamment analysé, selon le rapport : ces géants de l’agrobusiness ont non seulement changé de dimension, mais aussi de nature. Ils sont devenus des acteurs financiers à part entière – le manque de régulation sur les marchés des matières premières leur permettant d’exercer un pouvoir déterminant sur les cours et dans la formation des prix.

    Parce que les marchés agricoles sont par nature chaotiques, que les lois de l’offre et de la demande ne s’appliquent pas conformément aux théories classiques, ils ont toujours été très liés à la finance et à la spéculation. Ce sont ces marchés qui, les premiers, ont élaboré et mis en œuvre les produits dérivés financiers, négociés de gré à gré (over the counter – OTC) afin de couvrir les risques de fluctuation des prix à court, moyen et long terme.

    Mais à partir des années 1980, de nouveaux acteurs sont entrés dans le jeu : des banques et surtout nombre d’acteurs de la finance de l’ombre (hedge funds, fonds d’investissement, gestionnaires d’actifs, etc.) sont entrés sur ces marchés. Profitant de la déréglementation des marchés agricoles, ils ont investi les lieux, développé des produits dérivés financiers de plus en plus sophistiqués, ne s’appuyant plus du tout sur des contreparties physiques, et alimentant la spéculation.

    Depuis la crise de 2008, la situation a encore évolué. Les grandes sociétés de négoce ont mis leur pas dans ceux de la finance de l’ombre, allant bien au-delà de la couverture de leurs risques. Ayant à leur disposition des informations de marché que les autres n’avaient pas, elles se sont vite imposées comme des acteurs incontournables.

    « Dans ce contexte, les très grands groupes internationaux de négoce en sont arrivés à occuper une position privilégiée, en termes de fixation des prix, accédant aux financements et participant directement aux marchés financiers, affirme encore le rapport de la Cnuced. Cela a permis non seulement des opérations spéculatives sur les plateformes organisées, mais aussi un volume grandissant de transactions entre individus ou de gré à gré sur lesquelles la plupart des gouvernements des pays avancés n’ont aucune autorité ou contrôle. »
    Démultiplications spéculatives

    Les dernières années de tensions et de risques de pénuries sur les marchés agricoles ont décuplé les appétits, poussés par l’appât du gain. Selon les chiffres publiés par la Banque des règlements internationaux, le montant total des dérivés négociés de gré à gré sur les produits agricoles, l’énergie et les métaux, a atteint un pic de 886 milliards de dollars à la mi-2022, contre une moyenne de 200 milliards de dollars avant 2020. La valeur notionnelle de ces contrats représentait alors plus de 2 000 milliards de dollars.

    L’ampleur de ces sommes illustre la puissance déstabilisatrice de la finance sur ces marchés essentiels. Tous ont empoché des milliards de superprofits au détriment des populations mondiales. Une étude récente de la Société générale indique que le groupe des dix principaux fonds « dynamiques » avait réalisé un profit de 1,9 milliard de dollars sur des contrats de blé, de maïs et de soja, au début de la guerre en Ukraine, quand les cours des produits agricoles s’envolaient, après avoir perdu de l’argent sur les mêmes contrats dans les périodes précédentes.

    Dans quelle mesure les grands groupes qui contrôlent les échanges mondiaux agricoles ont-ils utilisé leur énorme pouvoir de marché pour pousser la spéculation et augmenter leurs profits ? La Cnuced est incapable de le dire. L’opacité qui règne sur ces marchés, le manque de données fiables et l’absence de régulation et de contrôle empêchent d’avoir une vision précise sur ce qu’il se passe.

    Pour la Cnuced, cependant, le fait qu’une poignée de grands groupes ait acquis une telle taille et une telle importance sur les marchés agricoles, possédant à la fois les données essentielles et des moyens financiers immenses, des instruments financiers négociés dans l’ombre, hors du regard de tout régulateur, laisse la porte ouverte à toutes les manipulations et à toutes les manœuvres.

    La faillite de la régulation

    « Les failles dans les systèmes de régulation n’ont cessé de s’élargir », note le rapport, et d’être mises à profit par les grands groupes de négoce et les traders de matières premières. Toutes les tentatives pour apporter de la lumière sur ces marchés et renforcer la réglementation ont jusqu’à présent échoué. Les réglementations restent parcellaires, multiples, changeant souvent d’une frontière à l’autre.

    Lors de la crise financière de 2008, les législateurs se sont bien gardés de toucher aux marchés de matières premières et à la finance de l’ombre, estimant qu’ils ne représentaient que des risques subalternes. De même, rien n’a été fait pour rapprocher les activités sur les marchés de matières premières et celles sur les marchés financiers, les régulateurs estimant qu’il s’agissait de deux mondes séparés.

    Les activités des grands groupes de négoce démontrent désormais que ces deux sphères sont devenues intrinsèquement liées, les opérations financières venant en soutien – en vue souvent de maximiser les profits – des échanges agricoles. « Le profit n’est pas limité à un secteur spécifique mais est spécifique à des firmes particulières. Il est possible que des profits excessifs puissent être liés à une concentration, qui ne bénéficie seulement qu’à quelques acteurs mondiaux du secteur », écrit par euphémisme le rapport.

    La Cnuced estime qu’il est plus que temps de prendre acte de la défaillance des régulations actuelles, compte tenu des risques sous-jacents, menaçant aussi bien la sécurité alimentaire mondiale que la stabilité de la planète financière. Elle propose de multiples axes de réformes. Les uns portant sur la transparence et la limitation et le contrôle des instruments financiers, sur l’instauration d’une régulation mondial, les autres sur l’application renforcée des lois antitrusts : le commerce mondial alimentaire ne pouvant être laissé aux mains d’un oligopole qui agit dans son seul intérêt.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/090424/ces-geants-qui-dominent-le-commerce-agricole-mondial
    #agriculture #industrie_agro-alimentaire #business #financiarisation #régulation

  • Franc CFA : la nouvelle présidence sénégalaise donne le signal de la rupture
    https://www.mediapart.fr/journal/international/290324/franc-cfa-la-nouvelle-presidence-senegalaise-donne-le-signal-de-la-rupture

    Même s’il dit vouloir être prudent, le nouveau président sénégalais est déterminé à abandonner le franc CFA. Attendue par les populations d’Afrique de l’Ouest, cette sortie a des contours encore flous. Le Sénégal va-t-il créer sa propre monnaie ou participer à une monnaie régionale ?

    Ses premiers mots après l’annonce de son élection ont été sans ambiguïté. Son mandat sera marqué par « le choix de la rupture », a annoncé Bassirou Diomaye Faye, élu dimanche président du Sénégal dès le premier tour, avec plus de 54 % des suffrages. Parmi les nombreux sujets (constitutionnels, sociétaux, corruption) qu’il entend prendre à bras-le-corps, l’un d’eux risque de s’inviter rapidement dans les débats. Un dossier susceptible d’embraser les esprits bien au-delà du Sénégal, même si Faye entend l’aborder avec prudence et méthode : l’abandon du franc CFA.

    Lors de la campagne bouleversée de la présidentielle, cette question s’est très vite invitée dans les débats entre candidats. Le nouveau président n’a pas caché ses intentions : retrouver une souveraineté monétaire par rapport à la France est pour lui une priorité. « Nous essaierons d’abord de mettre en œuvre une réforme monétaire au niveau sous-régional, a expliqué Ousmane Sonko, l’opposant historique au pouvoir de Macky Sall qui s’est effacé au profit du nouveau président élu. Lors de cette élection, si nous n’arrivons pas à impulser les réformes au niveau communautaire, alors nous prendrons la responsabilité de doter le Sénégal de sa propre monnaie. »

    Le projet a effrayé tous ses adversaires politiques. « Sortir du franc CFA serait un non-sens économique », lui avait répliqué l’ancien premier ministre et ministre des finances sénégalais Amadou Ba. Une telle sortie « serait inopportune », avait renchéri l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, soutenant que « pour avoir une économie forte, il fallait une monnaie forte ». Cette décision, en tout cas, ne peut pas être « unilatérale », avait ajouté Idrissa Seck, autre candidat à la présidentielle.

    Le Mali, le Niger ou le Burkina Faso, qui rejettent ouvertement désormais toute présence française sur leur territoire, agitent régulièrement la menace d’abandonner le franc CFA. Mais ils n’ont jamais mis leur menace à exécution.

    Le Sénégal, en revanche, est autrement crucial. Avec la Côte d’Ivoire, il est le pays de la zone franc le plus en capacité de prendre son indépendance monétaire rapidement. Par sa taille, sa démographie et son économie, il a un pouvoir d’influence et d’attraction sur tous ses voisins. Son choix va concerner directement ou indirectement les treize autres pays qui utilisent le franc CFA. « La monnaie, ce n’est pas une question technique, c’est d’abord un sujet politique », a rappelé le nouveau président sénégalais pendant sa campagne.
    En finir avec la monnaie coloniale

    Cantonnée pendant des années à des cénacles d’universitaires et d’économistes, la question de l’abandon du franc CFA et de la sortie de la zone franc est désormais reprise dans tous les pays de l’Afrique francophone par la population. Beaucoup moins par leurs dirigeants, qui se montrent beaucoup plus prudents sur la possibilité de couper les ponts avec l’ancienne puissance coloniale.

    Alors que la présence et l’héritage français sont de plus en plus contestés dans les pays d’Afrique francophone, le maintien de cette monnaie est vu comme le symbole le plus manifeste de cette survivance coloniale, d’une mise sous tutelle permanente de la France. Même si l’acronyme a changé de sens pour devenir franc pour la communauté financière africaine, il reste marqué par la tâche indélébile et infamante de ses origines : franc des colonies françaises d’Afrique.

    Sous tutelle monétaire

    Soucieuse d’affirmer son emprise, la France a créé la zone franc en 1939. Elle regroupe alors quinze pays d’Afrique francophones. Au moment de la signature des accords de Bretton Woods, le gouvernement français complète cette architecture par la création du franc CFA, « franc pour les colonies françaises d’Afrique », en décembre 1945.

    Les principes qui régissent cette union monétaire sont restés intangibles depuis sa création : il s’agit d’assurer la stabilité monétaire et de lutter contre l’inflation ; toutes les actions monétaires étant supervisées par le Trésor français, qui centralise les réserves de change.

    Quatorze pays partagent le franc CFA. Mais ils sont regroupés en deux blocs. Le premier regroupe le Bénin, le Burkina, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Buissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Il a son propre institut d’émission, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) censée être indépendante des États membres mais où siègent des représentants français.

    Le deuxième bloc rassemble le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, le Tchad, réunis au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Son institut d’émission est la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC). Elle est organisée de la même façon que son homologue.

    Officiellement, tous les pays sont libres d’adhérer ou de quitter cette union monétaire, liée à l’ancienne puissance coloniale. Dans les faits, aucun pays n’a osé abandonner le franc CFA depuis sa création.

    Le passage du franc à l’euro n’y a rien changé dans les rapports monétaires avec les pays de la zone franc. Pas plus que les projets de réforme signés en décembre 2019 en catimini entre Emmanuel Macron et le président ivoirien Alassane Ouattara.

    Pour couper court aux critiques des pays francophones, le président français avait alors proposé une réforme qui est censée entrer en vigueur à partir de 2027. En utilisant l’un des subterfuges de communication dont il est familier, il avait alors proposé l’abandon du franc CFA pour le remplacer par l’eco : précisément la dénomination choisie par les pays africains membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), en vue de créer une monnaie unique pour leur zone économique. Une façon de torpiller le projet, ce que n’avaient pas manqué de souligner nombre d’économistes africains.

    En signe d’ouverture et de « nouveaux rapports » avec les pays africains francophones, Emmanuel Macron avait aussi annoncé le rapatriement des réserves de change, jusqu’alors centralisées en France dans les deux banques centrales de la zone franc. Quelque cinq milliards d’euros, soit la moitié des réserves, ont déjà été transférés en 2021, année de la fin de la représentation française au sein des deux instituts d’émission.

    Mais pour le reste, rien n’avait réellement bougé, comme le remarquait l’économiste et écrivain sénégalais Ndongo Samba Sylla : « Non, le franc CFA n’est pas mort. Macron et Ouattara se sont seulement débarrassés de ses atours les plus polémiques », écrivait-il dès l’annonce de la réforme du franc CFA.

    Le carcan du franc CFA

    Depuis sa création, le franc CFA obéit au même schéma, comme le rappelle l’économiste Kako Nubukpo, professeur à l’université de Lomé : « La fixité de la parité entre le franc CFA et l’euro, la totale convertibilité du franc CFA en euro, la liberté de circulation des capitaux entre la zone franc et la zone euro, et la centralisation des réserves de change. » Le tout sous le regard vigilant du Trésor français.

    Les défenseurs du maintien du franc CFA avancent que ce lien permanent avec le franc puis l’euro a apporté une stabilité monétaire aux pays de la zone franc, leur garantissant une moindre inflation et un accès aux capitaux étrangers, assurés de bénéficier d’une parfaite convertibilité.

    Ce dernier aspect n’a pas échappé aux multinationales – en particulier extractives –, qui ont pu rapatrier pendant des années leurs bénéfices sans encombre hors du continent africain. Pas plus qu’à certains dirigeants des pays de la zone franc qui ont profité de cette liberté de circulation et de cette convertibilité pour aller cacher leur fortune en France et ailleurs.

    Pour les partisans de l’abandon du franc CFA, ces avantages ne sont rien par rapport aux inconvénients de la zone franc. La dimension politique est essentielle, à leurs yeux : alors que l’écrasante majorité des pays dans le monde ont leur propre politique monétaire, pourquoi devraient-ils rester dans un rapport de sujétion avec la France et désormais la zone euro ?

    Ce rapport de dépendance n’est pas qu’une figure de style. Si le Trésor français est garant de la zone franc et peut consentir des prêts à des pays en difficulté financière, il n’a que très rarement mis en œuvre cette possibilité. En revanche, les gouvernements français n’ont pas hésité à utiliser l’arme de la répression financière à l’égard de pays de la zone franc jugés trop récalcitrants par rapport aux vues françaises, comme en Guinée-Bissau.

    Une surévaluation asphyxiante

    Mais la dimension économique importe tout autant. Au moment de la décolonisation, les pays de la zone franc réalisaient 60 % de leurs échanges avec la France. Depuis, la part de ses échanges est tombée à moins de 20 %, comme avec l’Europe. Exportant surtout des matières premières, ces pays n’ont plus de relation privilégiée et particulière avec le continent européen en général et la France en particulier : ils commercent – même maigrement – avec le monde entier.

    S’inscrire dans la sphère d’influence de la zone euro ne leur a pas facilité l’accès aux marchés de capitaux. Les investissements étrangers y sont faibles, davantage en tout cas que dans d’autres pays africains comme le Ghana. À rebours, la parité fixe avec la monnaie unique européenne, sur laquelle ils n’ont aucune prise puisque n’étant jamais associés à la moindre décision monétaire européenne, les amène à vivre en permanence avec une monnaie étrangère, qui contraint tous leurs choix politiques.

    Pour tous ces pays, l’euro est une monnaie totalement surévaluée par rapport à leurs économies. Le débat sur ce point est vif depuis des décennies, jusqu’au sein du Fonds monétaire international. Sous pression de l’institution internationale, la France a dû concéder en 1994 une dévaluation du franc CFA par rapport au franc. Mais ce fut la seule et unique fois.

    Pour faire face aux crises et aux chocs conjoncturels en tout genre – particulièrement importants pour ces économies liées aux cycles des matières premières –, les gouvernements n’ont qu’une seule arme à leur disposition : la dévaluation interne avec son cortège de plans d’austérité.

    L’eco dans les limbes

    Si la nécessité de sortir du franc CFA recueille un large assentiment parmi les économistes et les populations africaines, la question de son remplacement reste problématique : beaucoup redoutent qu’un abandon trop rapide, mal préparé, n’entraîne une période de chaos et de désordres économiques, préjudiciables à tout point de vue.

    Discutée depuis plusieurs années, l’idée avancée par la Cedeao de créer une zone économique commune et une monnaie unique pour tous les pays de l’Afrique de l’Ouest, sur le modèle de la zone euro, est régulièrement avancée. C’est une des hypothèses que semble caresser le nouveau président sénégalais en remplacement du franc CFA. Mais le projet fait du surplace. Aucun des pays n’est à ce stade en mesure de remplir les critères de convergence fixés pour aller vers une monnaie unique.

    Un autre facteur ralentit aussi cette avancée : le poids que le Nigéria pourrait exercer dans ce nouvel ensemble. Sans le dire ouvertement, beaucoup de ses voisins, notamment francophones, craignent d’abandonner un joug pour tomber sous un autre. Étant le pays démographiquement et économiquement le plus important, le Nigéria est une puissance indiscutable. Mais ses défaillances démocratiques, ses déboires économiques et le niveau de corruption de ses dirigeants dissuadent nombre de pays voisins à aller plus avant.

    Le rêve d’une rente pétrolière

    Pourquoi alors ne pas tenter la création d’une monnaie unique avec tous les pays actuels membres du franc CFA ? L’idée fait son chemin dans les pays africains francophones. Puisqu’ils sont déjà habitués à travailler ensemble, ont des instituts monétaires, abandonner le franc CFA pour le remplacer par une monnaie unique paraît être la voie la plus sûre.

    L’économiste sénégalais Ndongo Samba Sylla n’est guère tenté par cette solution qui lui paraît trop compliquée. Il est désormais favorable à une monnaie nationale.

    D’une part, explique-t-il, avoir une monnaie unique partagée entre plusieurs pays est l’exception plutôt que la règle : l’expérience de l’euro n’a pas été renouvelée par la suite. D’autre part, bien qu’ayant partagé pendant plus de soixante ans le franc CFA, les pays de la zone franc n’ont pas construit une zone économique commune.

    Les échanges entre eux sont réduits à la portion congrue : ils s’élèvent à peine à 5 %. Dès lors, pourquoi penser que la création d’une nouvelle monnaie commune changerait la donne ? D’autant que les divergences de vue entre les pays de la zone franc sur la politique à mener, ou les relations avec la France, risquent de ralentir toute évolution, voire d’empêcher ce mouvement d’émancipation.

    La tentation pour certains acteurs sénégalais de rompre seuls avec le franc CFA est d’autant plus grande qu’un renversement économique important est attendu dans le pays : le Sénégal est en passe de devenir un producteur d’hydrocarbures. D’importants gisements gaziers et pétroliers ont été découverts au large des côtes et doivent entrer en production dès cette année.

    Si cette perspective inquiète les populations locales et notamment les pêcheurs, cette manne potentielle fait rêver jusqu’au sommet de l’État. Beaucoup espèrent qu’ils vont enfin obtenir les moyens financiers qui leur font tant défaut pour assurer leur développement et affirmer leur indépendance.

    Sans attendre, le pouvoir s’est déjà préparé : il a réformé son code minier et changé sa fiscalité pour obtenir une part plus élevée des exploitations pétrolières et gazières. Et il envisage même de créer un fonds souverain pour placer les gains de cette rente.

    Dans ce nouvel environnement, abandonner le franc CFA paraît beaucoup moins aventureux, selon certains économistes. Mais pour d’autres, il présente le risque de tomber dans un autre piège, celui du mirage de la rente pétrolière, dans lequel s’est enfoncé notamment le Nigéria. Et quid dans ce cas-là des projets de panafricanisme ?

    Beaucoup de questions sont en suspens à l’aube de cette nouvelle présidence sénégalaise, qui entre concrètement dans l’ère des ruptures.

    Martine Orange❞

    #FrancCFA #Sénégal #néocolonialisme #souveraineté

  • Berlin roule pour Bibi | Mediapart | 30.03.24

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/300324/gaza-en-allemagne-le-grand-deni

    Alon Sahar - réalisateur Israélien primé pour Gelem (2014) et Out (2018), a quitté Israël pour Berlin en 2020. Devant son cappuccino, un dimanche midi de mars, dans un café de Neukölln, quartier populaire de l’est de Berlin, il nourrit les pires craintes pour son pays d’adoption. « Depuis le 7 octobre, les voix palestiniennes sont combattues en Allemagne », juge-t-il. Il soupire. « Bien sûr, je connaissais la relation particulière du pays avec Israël, à cause de l’Holocauste. Mais je ne pensais pas que cela irait si loin. Cela me rappelle les menaces de censure que j’ai subies en Israël. C’est de la folie. Et sous un gouvernement avec des gens de gauche ! Je crains que cela nous annonce vingt ans de droite dure. »

    • Udi Ratz, une guide free-lance de 37 ans, conduit des visites au musée juif de Berlin. Elle a grandi à Haïfa [...] et émigré à Berlin en 2010. [...] À la fin de ses visites, Udi aborde la situation en Cisjordanie occupée. Elle a pris l’habitude d’utiliser le mot « apartheid ». [...] Le 6 octobre 2023, Udi reçoit un mail de sa direction qui l’encourage à « ne plus utiliser [le terme apartheid] de sa propre initiative », pour ne pas « nuire à la réputation du musée ». Après le 7 octobre, elle persiste. La direction lui signifie qu’elle n’aura plus de créneaux de visites.

      Le tabloïd Bild Zeitung s’empare de l’affaire. Le quotidien conservateur qualifie Udi d’« Israel-Hasser » : celles et ceux qui « détestent » Israël, un blason d’infamie dont sont désormais affublées nombre de voix propalestiniennes. « C’est devenu viral. J’ai reçu des menaces, y compris de mort, commente la jeune femme. Je ne suis pas la seule, celles et ceux qui critiquent les politiques racistes de l’État d’Israël ont connu le même sort. »

    • Pas d’analyse des causes possibles (ou probables) de ce « soutien inconditionnel » à « Israël » de la part de l’Allemagne (disons, les institutions) ou de la France.

      Malgré l’ampleur et la violence de la répression anti-palestinienne en Europe, j’ai l’impression de ne trouver que quelques hypothèses explicatives, autour du cynisme habituel des gros marchands d’armes, de l’opportunisme politicien crasse de développer le racisme « anti-Arabes », de l’allégeance aux USA ou de la reconnaissance du camarade colonialiste.

      Pour les pays d’Europe centrale, Mediapart faisait en revanche un tour des potes fachos de Bibi ici : https://www.mediapart.fr/journal/international/300324/en-europe-centrale-l-impossible-critique-d-israel

      Si vous avez d’autres pistes...

  • Francesca Albanese : « Aucun État n’est au-dessus des lois » | Mediapart | 30.03.24

    https://www.mediapart.fr/journal/international/300324/francesca-albanese-aucun-etat-n-est-au-dessus-des-lois

    Entretien à Mediapart avec la rapporteure de l’ONU pour les Territoires palestiniens occupés.

    MP : Votre analyse est critiquée par plusieurs chancelleries, notamment en France, où le ministre des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, affirme qu’« accuser l’État juif de génocide, c’est franchir un seuil moral ». Que leur répondez-vous ?

    Le génocide est défini par le droit international. Il n’est pas défini par des opinions personnelles ou par des expériences historiques douloureuses. Aucun État n’est au-dessus des lois. Que signifie dire : comment peut-elle accuser l’État d’Israël ? Pourquoi ne le pourrais-je pas ?

    [...]

    Comment enquêter en tant qu’experte indépendante des Nations unies sur un tel terrain et alors que vous ne pouvez pas y accéder ?

    Israël a annoncé en février 2024 qu’il m’interdisait le territoire. Mais en réalité, aucun rapporteur spécial de l’ONU pour les Territoires palestiniens occupés n’a été autorisé à entrer dans le pays au cours des seize dernières années.

    Pour quelles raisons ?

    Parce qu’Israël agit au mépris du droit international et des règles de l’ONU de bout en bout, considérant que nous serions partiaux ou anti-israéliens, ce qui n’est pas vrai. Aucun de nous n’a jamais eu quoi que ce soit contre Israël. Nous voulons simplement qu’Israël se comporte conformément au droit international. Est-ce trop demander ? Il faut cesser de nier les comportements criminels imputables à Israël. À long terme, cela va être encore plus préjudiciable que cela l’a été jusqu’à présent, tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens.

  • Rabbi David Mivasair🔥 sur X :
    https://twitter.com/Mivasair/status/1773859602158776437

    Biden admin approves transferring 25 warplanes plus thousands more bombs to genocidal 🇮🇱

    וושינגטון פוסט : ממשל ביידן אישר העברת 25 מטוסי קרב ואלפי פצצות לישראל - מדיני ביטחוני
    https://www.haaretz.co.il/news/politics/2024-03-29/ty-article/.premium/0000018e-8ba7-db6e-a7df-abe78e4b0000

    לפי הדיווח, העסקה כוללת 25 מטוסים מדגם F-35A ומנועים בשווי כולל של 2.5 מיליארד דולר, וכן יותר מ-2,300 “פצצות טיפשות” כבדות משקל, שגרמו לנזק נרחב במהלך המלחמה ברצועת עזה

    #genocide_joe

  • Franc CFA : la nouvelle présidence sénégalaise donne le signal de la rupture | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/290324/franc-cfa-la-nouvelle-presidence-senegalaise-donne-le-signal-de-la-rupture

    Même s’il dit vouloir être prudent, le nouveau président sénégalais est déterminé à abandonner le franc CFA. Attendue par les populations d’Afrique de l’Ouest, cette sortie a des contours encore flous. Le Sénégal va-t-il créer sa propre monnaie ou participer à une monnaie régionale ?

    #sénégal #FCFA #CEDEAO
    https://justpaste.it/7zeg3

  • Retex Menace nucléaire : les discours et les actes | Mediapart | 27.03.24

    https://www.mediapart.fr/journal/international/270324/menace-nucleaire-les-discours-et-les-actes

    à la fois précise et pédagogique, avec la chercheuse Héloïse Fayet, responsable du programme « Dissuasion et prolifération », au centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (Ifri).

    Elle revient notamment sur les derniers discours de Vladimir Poutine concernant l’arme nucléaire, qu’elle invite à nuancer. « On ne voit rien, sur le terrain, qui laisserait penser que les [forces armées] russes s’apprêtent à l’utiliser », relève-t-elle.

    Nous voilà rassuré.es ! Toute cette peur armaguedonesque déversée sur le bon peuple d’occident, p.ex. par Biden, #célérusses !

  • En Suède, la grève contre Tesla se poursuit depuis quatre mois - Next
    https://next.ink/brief_article/en-suede-la-greve-contre-tesla-se-poursuit-depuis-quatre-mois

    Le brief du 05 mars 2024

    Le mouvement dure depuis la fin octobre.

    Des salariés suédois refusent de reprendre le travail tant que Tesla n’acceptera pas de signer l’accord collectif sur les salaires, dans un pays où les négociations entre employeurs et syndicats font partie intégrante de l’organisation des conditions de travail.

    C’était en début de mois. Et donc, là bas aussi, ça fait pas la grève à moitié (https://seenthis.net/messages/1047628).

    Et là, ça date du 21 février dernier, via le Figaro. Ça fait pas les gros titres, quand dans un autre pays que le notre, des salariés, prennent en otage tout un pays... C’est tout de même le comble que ce soit un journal de droite qui relaie ces infos. Apparemment, ça n’en parle pas des masses ailleurs.

    Grève chez Tesla en Suède : les bornes de recharges bloquées à partir du 4 mars
    https://www.lefigaro.fr/societes/greve-chez-tesla-en-suede-les-bornes-de-recharges-bloquees-a-partir-du-4-ma

    Publié le 21/02/2024
    Un syndicat suédois a annoncé mercredi qu’il bloquerait les stations de recharge des voitures électriques Tesla, après environ quatre mois de grève provoquée par le refus du constructeur automobile américain de signer une convention collective sur les salaires. L’entretien et l’installation des bornes Tesla en Suède seront suspendus à partir du 4 mars, a indiqué le syndicat des employés des services et de la communication (Seko) dans un communiqué, dans un acte de solidarité avec le mouvement en cours .

  • Gaza : « L’Europe et l’Occident sont complices du génocide en cours »
    « Comment vos pays peuvent-ils se regarder dans le miroir ? » Le directeur du Centre palestinien pour les droits humains exhorte l’Europe à cesser de « couvrir » Israël face aux massacres à Gaza. « Les Occidentaux, dit-il, n’ont aucune volonté politique. Et donc ils soutiennent. »

    Mathieu Magnaudeix | 22 mars 2024 à 13h18 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/220324/gaza-l-europe-et-l-occident-sont-complices-du-genocide-en-cours

    RajiRaji Sourani est un avocat palestinien, fondateur en 1995 et directeur exécutif du Centre palestinien pour les droits humains (PCHR), une ONG située à Gaza. Ancien militant politique, il a été incarcéré à plusieurs reprises en Israël dans les années 1970 et 1980 pour son appartenance au Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP).

    Il a ensuite débuté une carrière juridique, qui lui a valu une reconnaissance internationale. Récipiendaire du prix Nobel alternatif en 2013, décoré en 2021 de l’ordre du mérite français, il a fait partie de l’équipe juridique de l’Afrique du Sud qui a introduit en début d’année une requête demandant à la Cour internationale de justice (CIJ) de qualifier de « génocide » la guerre israélienne à Gaza. Le 26 janvier, la Cour a reconnu un « risque plausible » de génocide et exigé des mesures conservatoires, ignorées par Israël.

    Mediapart : Raji Sourani, vous êtes en ce moment de passage en Europe. Quel message lancez-vous à vos interlocuteurs ?

    Raji Sourani : Nous sommes déçus par les États comme la France, l’Europe et l’Occident. La devise de votre pays, c’est « liberté, égalité, fraternité », non ? Alors pourquoi, face au génocide en cours, souscrivez-vous à la terminologie de l’autodéfense d’Israël ?

    Il s’agit d’une occupation criminelle qui dure depuis des décennies. Le président israélien n’a pas fait de distinction entre les civils et le Hamas. Le premier ministre Benyamin Nétanhayou a appelé à la destruction de Gaza. Le ministre de la défense a dit : « Gaza n’aura pas d’eau, d’électricité, de nourriture. » Il y a les destructions et les morts.

    Et malgré tout, les Européens et l’Occident soutiennent. Ils sont complices. Ils donnent les armes, les fonds, une couverture légale et politique à Israël. Quelles sont vos valeurs ? Que signifie la loi pour vous ? Comment vos pays peuvent-ils se regarder dans le miroir face à ce génocide en cours ? Comment peuvent-ils se dire impuissants ? Comment Joe Biden et son ministre des affaires étrangères peuvent-ils dire : « C’est très triste de voir mourir des enfants à Gaza », alors qu’il leur suffit d’une phrase pour tout stopper ?

    Je pense que les Occidentaux n’ont aucune volonté politique. Et donc ils soutiennent. Ma colère, ma vraie colère, elle est là.
    Illustration 1
    Raji Sourani, directeur du Centre palestinien pour les droits humains, à Madrid, le 22 janvier 2024. © Photo Daniel Gonzalez / EFE via MaxPPP

    La France plaide désormais ouvertement pour un cessez-le-feu. Et elle n’est plus la seule désormais...
    Mais il n’y a pas de cessez-le-feu ! Tout se passe selon les souhaits de Nétanyahou, et ses ministres [d’extrême droite – ndlr] Smotrich et Ben-Gvir : des tueries de masse, la destruction de masse, la famine de masse, le déplacement de masse. Une nouvelle Nakba est en cours. Un million et demi de personnes qui sont à Rafah en ce moment même, près de la frontière avec l’Égypte, peuvent être expulsées de Gaza d’une minute à l’autre.

    Nous sommes tués par des armes américaines et européennes. Pourquoi continuent-ils de soutenir Israël ? Je n’arrive pas à comprendre !

    Depuis des mois, nous assistons à un génocide. Ce ne sont pas des allégations : c’est la Cour internationale de justice, la plus importante du monde, qui a parlé de « génocide plausible ». Et vos pays ne font rien ! Nous sommes tués par des armes américaines et européennes. Pourquoi continuent-ils de soutenir Israël ? Je n’arrive pas à comprendre ! Les seuls États en Europe qui ne se comportent pas ainsi sont l’Espagne, la Belgique, le Luxembourg, la Slovénie.

    Que demandez-vous aux pays européens ?

    Le respect de la loi. Agissez envers la Palestine comme vous agissez pour l’Ukraine ! Arrêtez les tueries, arrêtez la famine, arrêtez les déplacements de population ! De nombreuses ONG internationales, mais aussi israéliennes, ont documenté la violation des droits des l’homme par Israël. Pourquoi les relations commerciales continuent-elles comme si de rien n’était, alors que le traité entre l’Union européenne et Israël mentionne le nécessaire respect des droits de l’homme ?

    Pourquoi Israël est-il à l’Eurovision ? Pourquoi Israël est-il présent aux Jeux olympiques ? Pourquoi les Israéliens peuvent-ils venir sans visa en Europe alors que les Européens, même des ministres, doivent demander aux autorités israéliennes s’ils veulent visiter Gaza, et la plupart du temps n’y sont pas autorisés ? Que quelqu’un me dise pourquoi ils sont récompensés parce qu’ils commettent un génocide !

    Les États-Unis présentent ce vendredi une résolution au Conseil de sécurité des Nations unies pour un « cessez-le-feu » et la libération des otages. La France annonce elle aussi une résolution sur un « cessez-le-feu immédiat ». Qu’en pensez-vous ?

    Ce sont des menteurs. Comment leur faire confiance, à moins d’être stupide, naïf ou les deux ? Ils fournissent les avions, les bombes. Des soldats occidentaux nous combattent. Des Français, des Italiens, des Américains. Ce n’est pas un secret, la population de Gaza le voit. Israël procède à une occupation militaire et criminelle depuis des décennies. C’est l’occupation la plus longue et la plus documentée au monde. L’Afrique du Sud mais aussi le Brésil donnent à l’Europe une leçon de morale et de droits humains.

    Vous êtes gazaoui…

    Je suis un fier résident de Gaza. Je dis « résident » et pas « ressortissant », parce que nous n’avons pas la nationalité, et ce sont les Israéliens qui décident de notre résidence.

    Au début de la guerre, votre propre maison a été bombardée.

    J’ai subi deux bombardements. Je monte les dossiers des crimes de guerre israéliens devant les tribunaux : je fais donc partie de ceux qui sont ciblés. J’ai été bombardé une première fois le 18 octobre, la nuit, chez moi, j’étais avec ma femme et mon fils. Ça a duré près de deux heures : un tapis de bombes dans le quartier, jusqu’à deux cent mètres de nous. Une bombe a même touché la maison. J’ai déménagé dans une autre maison à Gaza City.

    Le 23 octobre, à nouveau, la mosquée et le poste de police à côté de mon domicile ont été ciblés, bombardés par sept énormes bombes. Nous avons survécu. Chaque minute, chaque heure, nous avons eu peur que le bâtiment tombe sur notre tête. Il faut vous imaginer : ce sont des bombes gigantesques, qui vont jusqu’à 20 mètres dans le sol. Vous avez l’impression qu’elles vous atteignent directement.

    Des centaines, des milliers de ces bombes ont été utilisées à Gaza. J’ai tenté de partir au sud, à Khan Younès, mais je n’ai pas pu. La deuxième fois, un ami m’a enjoint à la dernière minute de revenir sur mes pas : d’autres gens avaient essayé de fuir, il y avait des dizaines de corps dans la rue. J’ai fini par rejoindre Khan Younès fin novembre, et j’ai pu finalement me rendre en Égypte.

    Je n’arrive toujours pas à réaliser le nombre de morts.

    Que sont devenus vos proches, vos ami·es ?

    Dès la première semaine, j’ai arrêté d’adresser des condoléances. Je n’arrive toujours pas à réaliser le nombre de morts. Chaque jour, j’entends parler d’amis, de voisins, de collègues morts, partout dans la bande de Gaza.

    J’ai connu les six guerres de Gaza, j’ai mené des enquêtes sur de nombreux crimes de guerre. Cette fois, dès le premier jour, j’ai compris que c’était différent. Pour la première fois, j’ai demandé aux 65 collaborateurs de mon organisation de ne pas bouger de chez eux, de ne pas aller enquêter sur place, de seulement documenter ce qui se passe dans leur voisinage.

    Onze collaborateurs sont partis au Caire, sept sont en Cisjordanie. Deux ont été tuées. L’une avec trente-sept membres de sa famille. Une autre avec sept de ses proches.

    Qu’est-ce qui est différent cette fois ?

    Dès le premier jour, les hôpitaux, les écoles, les abris, les locaux de l’UNRWA [l’agence onusienne des réfugiés palestiniens, cheville ouvrière de l’aide humanitaire à Gaza, victime d’une campagne d’Israël – ndlr] ont été ciblés. Mais aussi les boulangeries, les installations pour désaliniser l’eau, les systèmes d’assainissement, les usines d’électricité, les routes.

    C’était très clair dès le début. Il s’agit d’une stratégie planifiée et intentionnelle de nettoyer Gaza de ses civils. C’est une évidence. J’en ai beaucoup discuté avec mes collègues avocats, qu’ils soient palestiniens, européens, américains ou sud-africains. Au bout de dix jours, tout le monde était d’accord : c’est un génocide. Les faits sont clairs.

    Bombarder deux, trois, voire cinq hôpitaux, à la limite, on peut le concevoir. Mais pourquoi attaquer 38 hôpitaux ? Quelle est l’intention ? Pourquoi s’en prendre aux enfants malades, aux docteurs, aux ambulances ? Pourquoi attaquer les mosquées et les églises ? Pourquoi s’en prendre aux zones les plus peuplées ? Anéantir des familles entières, avec parfois des dizaines de morts, et selon nos estimations encore jusqu’à 10 000 tués encore sous les décombres ? Forcer les gens à quitter le nord tout en les bombardant ? Les affamer et empêcher l’accès de l’aide humanitaire ? Détruire des supermarchés ?

    Dans ce chaos, comment pouvez-vous documenter les crimes de guerre ?

    Le premier mois, cinq ou six d’entre nous ont commencé à collecter tout ce qu’ils pouvaient. Nous ne pouvons pas documenter les destructions contre les 38 hôpitaux. Mais nous pouvons nous concentrer sur ce qui s’est produit à l’hôpital Al-Shifa, à l’hôpital Al-Qods, à l’hôpital indonésien. Car ce qui s’y est passé s’est répété ailleurs, selon le même scénario.

    Donc nous recueillons de nombreux témoignages, relevons les munitions utilisées. Nous documentons les stratégies de famine, le déplacement. Et la torture. Personne ne parle des 4 000 prisonniers arrêtés à Gaza. Ils ont été torturés dans des conditions pires que Guantanamo et Abu Ghraib. Personne ne parle non plus des meurtres extrajudiciaires de l’armée israélienne contre des familles et des jeunes.

    Votre organisation a contribué à la procédure pour génocide de l’Afrique du Sud à la Cour internationale. Vous étiez vous-même à La Haye lors des auditions. Le 26 janvier, la Cour a exigé des mesures provisoires pour éviter un « génocide plausible ». Et depuis ?

    Israël affirme que tout cela n’existe pas. Mais ce qu’a dit la CIJ, ce n’est pas une discussion d’intellectuels dans un coin que personne ne devrait respecter ! Les mesures provisoires prononcées signifient que quelque chose de grave se passe et qu’il faut le stopper. La Cour n’a pas demandé un cessez-le-feu, mais en réalité elle a soulevé le sujet : car comment protéger les civils, arrêter les massacres, faire entrer les médicaments et la nourriture s’il n’y a pas de cessez-le-feu ?

    La CIJ a signalé à la communauté internationale que c’était à elle d’agir. La France et l’Allemagne s’étaient engagées à respecter sa décision. Et maintenant ? Les Français et les Allemands prient Israël d’autoriser l’aide humanitaire, de coopérer. Honte à eux ! Ils permettent à Israël d’exécuter son plan : faire sortir les Palestiniens de Gaza, mener son génocide. C’est une autorisation de tuer. À l’heure où nous parlons, un million et demi de Gazaouis se retrouvent dans une aire de 40 kilomètres carrés près de Rafah. À tout moment, en bombardant Rafah, Nétanyahou peut déclencher une nouvelle Nakba.

    Vous représentez des victimes palestiniennes devant la Cour pénale internationale depuis des années. Qu’attendez-vous d’elle ?

    C’est une question importante. En 2015, l’Autorité palestinienne est devenue membre de la CPI [elle a ainsi saisi la juridiction de la Cour sur les crimes présumés commis « dans les Territoires palestiniens occupés, Jérusalem-Est inclus, depuis le 13 juin 2014 – ndlr]. L’enquête a été réellement ouverte en 2021 par l’ancienne procureure générale, Fatou Bensouda.

    Nous étions soulagés. Nous nous sommes dit : enfin, Israël va payer pour ses crimes de guerre, ses persécutions et ses crimes contre l’humanité. L’actuel procureur, Karim Khan, a pris la tête de la CPI en juin 2021. Depuis, il n’a rien fait. Nous avons tous les dossiers. Nous l’avons imploré de nous recevoir. Il n’a jamais accepté.

    Après le 7 octobre, il s’est dépêché de voir les victimes israéliennes sur le théâtre des crimes. Mais il n’est pas venu à Gaza. Pour moi, il est l’homme de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de l’Europe. Dans le cas ukrainien, il a commencé une enquête très vite. Il a émis un mandat d’arrêt contre Poutine un an après le début de la guerre. Pour nous, il n’a rien fait.

    Le procureur de la Cour pénale internationale nous a promis qu’il ne nous décevrait pas. C’était en janvier. Depuis ? Aucune nouvelle.

    Nous avons protesté, il a commencé à sentir notre pression. Il n’a demandé à nous rencontrer que lorsque nous avons déposé la requête devant la Cour internationale de justice. Nous lui avons parlé en visio le 11 janvier, le deuxième jour des auditions devant la CIJ. Je lui ai adressé toutes mes critiques. Je lui ai dit qu’il devrait être la conscience légale des victimes, que nous avons tous les dossiers, les preuves, les faits. Je lui ai dit : « Si vous aviez réagi avant, si vous aviez dans ce cas aussi déclenché des procédures, peut-être auriez-vous envoyé des messages à Israël et cet affreux génocide n’aurait pas eu lieu. »

    Il a reconnu que ce qui se passe n’est pas acceptable, nous a demandé de coopérer avec lui, nous a promis qu’il ne nous décevrait pas. C’était en janvier. Depuis ? Aucune nouvelle, ni rien de tangible. Notre sentiment, c’est qu’il ne veut pas qu’Israël rende des comptes. Je ne le respecte pas et je ne lui fais pas confiance.

    Depuis des semaines, des discussions ont lieu sur une trêve, la libération des otages israéliens et des prisonniers palestiniens, entre Israël et le Hamas, sous l’égide des États-Unis et du Qatar. Pourtant, elles n’aboutissent pas.

    Mais Israël se moque des otages ! Ils détiennent à peu près 3 000 prisonniers arrêtés en Cisjordanie, et 4 000 prisonniers de Gaza. À vrai dire, ceux de Gaza, nous ne connaissons même pas leur nombre exact. Déjà, parce que personne ne sait qui est mort ou vivant parmi ceux [les membres du Hamas et des autres groupes palestiniens – ndlr] qui étaient en Israël au moment du 7 octobre.

    Par ailleurs, c’est l’armée israélienne qui contrôle tout, au point que l’autorité israélienne chargée des prisons n’a pas d’informations précises. Les prisonniers sont dans des camps militaires. Ce que nous savons, c’est qu’ils sont d’abord interrogés, puis qu’une enquête est menée. Les prisonniers n’ont pas de nom, seulement un numéro. Nous avons documenté des centaines de cas de torture. C’est sans précédent. Certains prisonniers ont été tués.

    Ensuite, les prisonniers sont interrogés par le Shin Bet israélien [les services du renseignement intérieur – ndlr] dans un camp militaire près de Jérusalem. Tout cela se passe hors du droit. Imaginez ce qu’ils peuvent faire avec eux dans ces conditions. Israël a ramené et enterré de nombreux corps à Gaza. Sur ces cadavres, nous ne savons rien : pourquoi et comment Israël les détenait, qui ils sont, il n’y a aucun moyen de les identifier. Si vous ajoutez leurs cas à tous les morts déjà connus, nous avons là un crime de masse qu’il va falloir documenter.

    Les Palestiniens vivent l’époque la plus sanglante, la plus destructrice de leur histoire. Nous n’avons pas le droit d’abandonner ni le droit d’être de bonnes victimes aux yeux du monde. Nous défendons une cause juste. Nous sommes dans le bon sens de l’histoire. Je reste un optimiste stratégique et compte documenter les crimes en cours avec les armes du droit.

    Pour l’heure, la guerre est en cours. Un jour, elle s’arrêtera. Quelle est la solution politique ?

    Je me doutais que les accords d’Oslo allaient institutionnaliser l’occupation. Maintenant ? Nous voulons la fin de cette occupation. C’est tout. Il n’y a jamais d’occupation juste. Nous serons heureux avec les 22 % de la Palestine historique [les Territoires occupés par Israël – ndlr], et la possibilité de décider de notre futur, avec, je l’espère, un paysage politique qui pourrait changer si [le militant palestinien] Marwan Barghouti ou d’autres personnalités sont libérés de prison.

    Notre existence ne peut être niée. Nous avons toujours été là. Et nous serons toujours là. Et nous sommes d’autant plus forts que la société civile américaine, européenne et mondiale nous soutient. À elles et eux, je veux dire merci : nous sommes fiers de vous, nous savons ce que vous faites, vous êtes la clé du changement.

    Mathieu Magnaudeix

    • [...] c’est la Cour internationale de justice, la plus importante du monde, qui a parlé de « génocide plausible ». Et vos pays ne font rien ! Nous sommes tués par des armes américaines et européennes. Pourquoi continuent-ils de soutenir Israël ? Je n’arrive pas à comprendre ! Les seuls États en Europe qui ne se comportent pas ainsi sont l’Espagne, la Belgique, le Luxembourg, la Slovénie.
      [...]

      Boîte noire

      Raji Sourani était de passage à Paris jeudi 21 et vendredi 22 mars. L’entretien a eu lieu jeudi après-midi dans un café près de l’Assemblée nationale. Il n’a pas été relu par l’intéressé.

  • Le nucléaire selon LeMaire | Mediapart | 21.03.24

    https://www.mediapart.fr/journal/international/210324/nucleaire-cet-uranium-russe-que-la-france-continue-d-importer

    Interrogé par Mediapart, le cabinet de Bruno Le Maire, désormais chargé du nucléaire, semble tomber de sa chaise : « C’est complètement faux, la France ne dépend pas de la Russie pour l’enrichissement de son uranium. » Et invite à se méfier de Greenpeace car « cette association a toujours tout fait pour décrédibiliser le nucléaire français ».

    Vivement la dissolution.

    Presque un demi milliard d’import par an - 358 et 400 millions - en 2022 et 2023, tamponnés par la douane française.

    #célérusses

    • Henri Proglio, ancien PDG d’EDF, qui a expliqué en décembre 2022 à la commission d’enquête parlementaire sur la souveraineté énergétique, qu’il siégeait au conseil consultatif international de Rosatom « parce qu[’il] y trouve un intérêt intellectuel, d’une part, qu’[il] connaî[t] ces personnes depuis toujours, d’autre part » : « Je ne vois donc pas pourquoi je leur ferais l’affront de démissionner, que cela fasse plaisir ou pas à certains. » Et d’ajouter : « EDF et le nucléaire français continuent de travailler avec le nucléaire russe, et elle devra encore durablement travailler avec les nucléaires russe et chinois, ne vous en déplaise ! »

    • Alors pourquoi continuer d’acheter autant d’uranium transformé à Rosatom ? L’ancienne ministre de l’énergie, Agnès Pannier-Runacher, y avait répondu devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, lors de l’examen de la loi d’accélération du nucléaire, en mars 2023. « EDF est liée par contrat avec une entreprise russe et la non-exécution de ce contrat apporterait plus d’argent à la Russie que son exécution minimale, avait-elle expliqué. Nous ne sommes pas idiots : nous donnons le minimum d’argent à la Russie. C’est aussi simple que cela. »

      Et un contrat, c’est sacré. Avec un état voyou ou pas. Il faut respecter les règles de l’OMC. Sinon c’est la porte ouverte à la chienlit. C’est pas comme les « sanctions » :-)

    • Alors pourquoi continuer d’acheter autant d’uranium transformé à Rosatom ?

      Plusieurs hypothèses pour répondre à cette question sont abordées dans ce rapport Power Plays Developments in Russian Enriched Uranium Trade, du RUSI, qui consacre son troisième chapitre, le plus long…, à la France.

      The Royal United Services Institute (RUSI) is the world’s oldest and the UK’s leading defence and security think tank. Its mission is to inform, influence and enhance public debate on a safer and more stable world. RUSI is a research-led institute, producing independent, practical and innovative analysis to address today’s complex challenges.
      Since its foundation in 1831, RUSI has relied on its members to support its activities. Together with revenue from research, publications and conferences, RUSI has sustained its political independence for 193 years.

      https://static.rusi.org/SR-power-plays-web-final.pdf

      Parmi les pistes évoquées :
      • constitution de stock pour anticiper un renforcement des sanctions visant spécifiquement l’uranium
      • réorientation des flux qui partaient en Suède, flux totalement interrompus au lendemain de l’invasion de l’Ukraine ; la France écoulerait ce qui passait par la Suède

      la synthèse du rapport (lecture vivement recommandée !)

      This report examines the extent of Western (European and US) dependencies on Russian enriched uranium and identifies ways in which Rosatom may be continuing to access global, including Western, nuclear fuel supply chains, despite some efforts in the US and Europe to diversify away from Russian supply. The report studies changes in Russian enriched uranium trade patterns since the start of 2022 to identify possible indicators of efforts to adapt to restrictions on Russian uranium supply that have been or may be introduced by governments and companies.

      The report examines four main case studies. In the first case study, the report outlines possible Chinese displacement activity using Russian material, identifying trade patterns that suggest that increased imports of Russian enriched uranium into China may be facilitating greater exports of Chinese enriched uranium supply, including to the US. The second case study addresses well-documented increases in enriched uranium imports from Russia to France and considers a range of possible explanations for this growth. While the precise flow and use of the additional Russian material that is being imported into France is difficult to ascertain definitively, it appears that France may be offering an outlet for Russian enriched uranium that is no longer welcome in other countries. This may be facilitating the reallocation of Russian supplies across European utilities’ supply chains, allowing Russia to continue accessing the European nuclear fuel market even as some countries seek to diversify away from Russian supply. The third case study examines reported deliveries through France and possibly the Netherlands of Russian enriched uranium to a French-owned fuel fabrication facility in Germany. The trade data reviewed for this report could not confirm the extent of deliveries to Germany of Russian material through third countries, or whether there have been shifts in such activity since the start of 2022; however, any such deliveries to Germany may be providing an additional option for Russian enriched uranium imports no longer welcome in other countries and may potentially be used in the future fabrication of VVER assemblies in Germany. The fourth case study touches on US dependencies on Russian enriched uranium and the likely limits of a proposed US ban on imports of Russian uranium in limiting Russia’s role in global nuclear fuel supply chains and Rosatom revenues.

      Ultimately, the report demonstrates how Russia may be able to take advantage of incongruencies in sanctions or other restrictions, as well as persistent contractual dependencies and supply challenges, to maintain access to Western nuclear fuel supply chains and continue generating revenue through its enriched uranium exports. To improve effectiveness, any future sanctions or other bans aimed at limiting Russia’s presence in global nuclear fuel supply chains must be multilateral and accompanied by a concerted effort to increase Western and partner capacity across the supply chain, to successfully undercut dependence on Russian supply.

      It is worth noting that most of the activities described in this report are entirely legal and likely represent logical efforts by companies to adapt to the changing trade and geopolitical landscape while continuing to meet whatever contractual obligations they may have for continued purchase and import of Russian material. As such, the report does not imply any violations of the laws of any relevant jurisdiction, or any international laws or sanctions. As described in more detail in Chapter II, the delivery to the US of enriched uranium that has been displaced by Russian supply, as may be the case with Chinese enriched uranium trade, may be in contravention of US regulation, unless assurances have been given to US authorities that such displacement is not taking place.

      The practices described in this report raise questions over the extent of Western dependencies on Russian enriched uranium supply, the implications for Western energy security, the imbalance of vulnerability this may create between some Western governments and Moscow, and the effectiveness of efforts to cut Russia out of global, or even Western, nuclear supply chains. While the nuclear sector holds strategic significance for Moscow, it is not a major revenue source for Russia when compared to Russian trade in other commodities, such as oil and gas. However, as outlined in this report, Western reliance on Russian enriched uranium supply is proving challenging to shake, at least in the short term, and may create some difficulties for Western generation of nuclear energy, although experts disagree on the urgency and extent of potential challenges. The willingness, or necessity, of some Western countries to overlook Russian adaptations following efforts by other countries to limit Russian presence in Western nuclear fuel supply chains also points to a political and moral dissonance with stated US and European commitments to support Ukraine in its fight against Russian aggression.

  • En Cisjordanie, les enfants palestiniens meurent aussi | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/130324/en-cisjordanie-les-enfants-palestiniens-meurent-aussi

    Depuis le 7 octobre 2023, les enfants de Cisjordanie et de Jérusalem-Est occupées voient leurs droits encore plus malmenés qu’avant. « 128 enfants palestiniens » y ont été tués depuis cinq mois, indique Ayed Abu Eqtaish, de l’ONG Défense des enfants International.

  • Lazzarini : In 4 Months, Israel Killed More Children Than Children Killed In Conflicts Globally
    Mar 13, 2024 - IMEMC News
    https://imemc.org/article/lazzarini-in-four-months-israel-killed-more-children-than-child-killed-global

    Philippe Lazzarini, Commissioner-General of UNRWA, stated that Israel has killed more Palestinian children in Gaza in just four months than all children killed in wars globally over the last four years.

    Lazzarini stated that the number of Palestinian children killed by Israeli missiles, shells, and bullets in the Gaza Strip since October 7, 2023, exceeds the umber of slain children globally and described what is happening in Gaza as a “war on the children’s childhood and their future.”

    He stated that based on data from the Palestinian Health Ministry and data by the United Nations, the number of slain children in Gaza between October 7, 2023, and February 29, 2024, is four times bigger than the number of children killed in wars globally over the last four years.

    A chart published by Lazzarini revealed that Israel killed +12.300 Palestinian children in Gaza between October 7, 2023, and February 29, 2024, compared to 12.193 children killed globally in 2019-2022.

    He called for stopping the war on Gaza and saving the lives of children amidst the ongoing Israeli onslaught.

    It is worth mentioning that Israel has now killed +31.184, and injured +72.889 Palestinians (%72 of the victims are women and children) in the Gaza Strip since October 7, 2023.

    #Génocide

    • À Gaza, la guerre d’Israël contre les enfants palestiniens
      Rachida El Azzouzi | 13 mars 2024 | Mediapart
      https://www.mediapart.fr/journal/international/130324/gaza-la-guerre-d-israel-contre-les-enfants-palestiniens

      (...) « Cette guerre est une guerre contre les enfants. Une guerre contre leur enfance et leur avenir », a abondé mardi 12 mars Philippe Lazzarini, le commissaire général de l’office onusien pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), sur le réseau social X. Il cite une statistique vertigineuse : le nombre d’enfants tués à Gaza depuis le 7 octobre 2023 est plus élevé que le nombre d’enfants tués en quatre ans dans l’ensemble des conflits à travers le monde.

      En cinq mois, plusieurs dizaines de milliers d’enfants ont été tués ou blessés par les bombardements israéliens. Ils constituent, avec les femmes, la majorité des plus de 31 000 morts comptabilisés à ce jour, selon le ministère de la santé du Hamas, soit plus de 13 000 enfants. Un chiffre jugé crédible par les Nations unies mais sous-estimé selon plusieurs organisations humanitaires car il n’intègre pas les milliers de corps ensevelis sous les décombres.

      « Avec 30 000 morts officiels et un nombre par définition inconnu de disparus à Gaza, sans même parler de la mortalité indirecte liée à la malnutrition et aux maladies, les pertes gazaouies en cinq mois sont équivalentes à la mort d’un million de personnes en France », note dans Mediapart l’historien Stéphane Audoin-Rouzeau.
      Des souffrances physiques et mentales

      Aux morts s’ajoutent les blessés dont « il faut imaginer les blessures », insiste Guillemette Thomas, coordinatrice médicale pour la Palestine de Médecins sans frontières (MSF). Des blessures graves, des fractures multiples, des brûlures sur une grande partie du corps, des membres arrachés…

      « Imaginez une jambe arrachée quand on n’a pas encore atteint l’âge de la marche », égrène Guillemette Thomas en insistant sur « la souffrance absolue des enfants, premières victimes d’une guerre qui n’est pas la leur ». Ces derniers arrivent « massivement dans des hôpitaux qui manquent de tout, où ils ne peuvent être soignés dans des conditions dignes faute de médicaments, de produits de sédation ».

      Son collègue Léo Cans, chef de mission en Palestine, a raconté à Mediapart l’histoire de Myriam, une enfant de 6 ans amputée de la jambe droite. Le visage à moitié brûlé, elle a perdu son frère, sa sœur, sa mère. Son père est porté disparu. Elle n’a plus que sa tante : « Faute de matériel, on a dû changer son bandage sans anesthésie. Pendant une demi-heure, elle a hurlé de douleur en appelant sa mère qui était morte. Chaque fois qu’une personne entre dans un hôpital, ce n’est jamais une personne seule. C’est une famille entière qui est détruite. » (...)

  • À Strasbourg, l’Europe intensifie discrètement le fichage des migrants

    Dans un bâtiment discret, 350 personnes travaillent à renforcer le #contrôle et le #suivi des personnes entrant dans l’#espace_Schengen. Reportage dans l’agence de l’Union européenne qui renforce le fichage des migrants.

    Dans le quartier du Neuhof à Strasbourg, un bâtiment hautement sécurisé attire l’œil. Dissimulée derrière le gymnase du Stockfeld et entourée de terrains vagues, l’#agence_européenne #eu-Lisa est protégée par deux lignes barbelées surplombées de caméras. Aux alentours du bâtiment, les agents de sécurité portent au cœur un petit drapeau bleu aux douze étoiles. Des véhicules immatriculés en France, au Luxembourg, en Belgique et en Allemagne stationnent sur le parking.

    Créée en 2011 et opérationnelle depuis 2012, l’#agence_européenne_pour_la_gestion_opérationnelle_des_systèmes_d’information à grande échelle eu-Lisa développe et fait fonctionner les #bases_de_données de l’Union européenne (UE). Ces dernières permettent d’archiver les #empreintes_digitales des demandeurs et demandeuses d’asile mais aussi les demandes de visa ou les alertes de personnes portées disparues.

    Le siège d’eu-Lisa est à Tallinn, en Estonie. Un bureau de liaison se trouve à Bruxelles et son centre opérationnel a été construit à Strasbourg. Lundi 26 février, le ministre délégué aux affaires européennes, Jean-Noël Barrot, est venu visiter l’endroit, où sont développés les nouveaux systèmes de suivi et de #filtrage des personnes migrantes et des voyageurs et voyageuses non européen·nes. Le « cœur de Schengen », selon la communication de l’agence.

    Sur les écrans de contrôle, des ingénieur·es suivent les requêtes adressées par les États membres aux différents #systèmes_d’information_opérationnels. L’un d’eux raconte que le nombre de cyberattaques subies par l’agence est colossal : 500 000 tentatives par mois environ. La quantité de données gérées est aussi impressionnante : en 2022, le système #VIS (#Visa_Information_System) a enregistré 57 millions de demandes de #visas et 52 millions d’empreintes digitales. La même année, 86,5 millions d’alertes ont été transmises au système #SIS (#Schengen_Information_System).

    Dans l’agence du Neuhof, une vingtaine de nationalités sont représentées parmi les 350 travailleurs et travailleuses. En tout, 500 mètres carrés sécurisés abritent les données confidentielles de dizaines de millions de personnes. 2 500 ordinateurs fonctionnent en permanence pour une capacité de stockage de 13 petabytes, soit 13 milliards de gigabytes. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, l’eu-Lisa répond aux demandes de données des pays membres de l’espace Schengen ou de l’Union européenne.

    Traduire la politique en #technologie

    Au-delà de la salle de réunion, impossible de photographier les murs ou l’environnement de travail. L’enclave européenne est sous haute surveillance : pour entrer, les empreintes digitales sont relevées après un passage des sacs au scanner. Un badge connecté aux empreintes permet de passer un premier sas d’entrée. Au-delà, les responsables de la sécurité suivent les visiteurs de très près, au milieu d’un environnement violet et vert parsemé de plantes de toutes formes.

    Moins de six mois avant le début des Jeux olympiques et paralympiques de Paris et deux mois après l’accord européen relatif au Pacte sur la migration et l’asile, l’agence aux 260 millions d’euros de budget en 2024 travaille à mettre en place le système de contrôle des flux de personnes le plus précis, efficace et complet de l’histoire de l’espace Schengen. Le pacte prévoit, par exemple, que la demande d’asile soit uniformisée à travers l’UE et que les « migrants illégaux » soient reconduits plus vite et plus efficacement aux frontières.

    Pour accueillir le ministre, #Agnès_Diallo, directrice de l’eu-Lisa depuis 2023, diffuse une petite vidéo en anglais dans une salle de réunion immaculée. L’ancienne cadre de l’entreprise de services numériques #Atos présente une « agence discrète » au service de la justice et des affaires intérieures européennes. À l’eu-Lisa, pas de considération politique. « Notre agence a été créée par des règlements européens et nous agissons dans ce cadre, résume-t-elle. Nous remplaçons les frontières physiques par des #frontières_numériques. Nous travaillons à laisser passer dans l’espace Schengen les migrants et voyageurs qui sont légitimes et à filtrer ceux qui le sont moins. »

    L’eu-Lisa invente, améliore et fait fonctionner les sept outils informatiques utilisés en réseau par les États membres et leurs institutions. L’agence s’assure notamment que les données sont protégées. Elle forme aussi les personnes qui utiliseront les interfaces, comme les agents de #Frontex, d’#Europol ou de la #police_aux_frontières. Au Neuhof, les personnes qui travaillent n’utilisent pas les informations qu’elles stockent.

    Fichés dès l’âge de 6 ans

    L’agence eu-Lisa héberge les empreintes digitales de 7,5 millions de demandeurs et demandeuses d’asile et « migrants illégaux » dans le système appelé Eurodac. Pour le moment, les données récoltées ne sont pas liées à l’identité de la personne ni à sa photo. Mais avec l’adoption des nouvelles règles relatives au statut de réfugié·e en Europe, Eurodac est en train d’être complètement refondé pour être opérationnel en 2026.

    La réforme décidée en décembre 2023 prévoit que les demandeurs d’asile et « migrants illégaux » devront fournir d’autres informations biométriques : en plus de leurs empreintes, leur photo, leur nom, prénom et date et lieu de naissance seront enregistrés lors de leur entrée dans Schengen. La procédure vaudra pour toute personne dès l’âge de 6 ans (contre 14 avant la réforme). Les #données qui étaient conservées pour dix-huit mois pourront l’être jusqu’à cinq ans.

    La quantité d’informations stockées va donc croître exponentiellement dès 2026. « Nous aurons énormément de données pour #tracer les mouvements des migrants irréguliers et des demandeurs d’asile », se félicite #Lorenzo_Rinaldi, l’un des cadres de l’agence venant tout droit de Tallinn. Eurodac permettra à n’importe quelle autorité policière habilitée de savoir très précisément par quel pays est arrivée une personne, ainsi que son statut administratif.

    Il sera donc impossible de demander une protection internationale dans un pays, puis de s’installer dans un autre, ou de demander une seconde fois l’asile dans un pays européen. Lorenzo Rinaldi explique : « Aujourd’hui, il nous manque la grande image des mouvements de personnes entre les États membres. On pourra identifier les tendances, recouper les données et simplifier l’#identification des personnes. »

    Pour identifier les itinéraires et contrôler les mouvements de personnes dans l’espace Schengen, l’agence travaille aussi à ce que les sept systèmes d’information fonctionnent ensemble. « Nous avions des bases de données, nous aurons désormais un système complet de gestion de ces informations », se réjouit Agnès Diallo.

    L’eu-Lisa crée donc également un système de #traçage des entrées et des sorties de l’espace Schengen, sobrement appelé #Entry-Exit_System (ou #EES). Développé à l’initiative de la France dès 2017, il remplace par une #trace_numérique le tamponnage physique des passeports par les gardes-frontières. Il permet notamment de détecter les personnes qui restent dans Schengen, après que leur visa a expiré – les #overstayers, celles qui restent trop longtemps.

    Frontières et Jeux olympiques

    « Toutes nos équipes sont mobilisées pour faire fonctionner le système EES [entrées-sorties de l’espace Schengen – ndlr] d’ici à la fin de l’année 2024 », précise Agnès Diallo. Devant le Sénat en 2023, la directrice exécutive avait assuré que l’EES ne serait pas mis en place pendant les Jeux olympiques et paralympiques si son influence était négative sur l’événement, par exemple s’il ralentissait trop le travail aux frontières.

    En France et dans onze autres pays, le système EES est testé depuis janvier 2024. L’agence estime qu’il sera prêt pour juillet 2024, comme l’affirme Lorenzo Rinaldi, chef de l’unité chargé du soutien à la direction et aux relations avec les partenaires de l’eu-Lisa : « Lorsqu’une personne non européenne arrive dans Schengen, elle devra donner à deux reprises ses #données_biométriques. Donc ça sera plus long la première fois qu’elle viendra sur le territoire, mais ses données seront conservées trois ans. Les fois suivantes, lorsque ses données seront déjà connues, le passage sera rapide. »

    Ce système est prévu pour fonctionner de concert avec un autre petit nouveau, appelé #Etias, qui devrait être opérationnel d’ici au premier semestre de 2025. Les personnes qui n’ont pas d’obligation d’avoir de visa pour entrer dans 30 pays européens devront faire une demande avant de venir pour un court séjour – comme lorsqu’un·e citoyen·ne français·e demande une autorisation électronique de voyage pour entrer aux États-Unis ou au Canada. La procédure, en ligne, sera facturée 7 euros aux voyageurs et voyageuses, et l’autorisation sera valable trois ans.

    L’eu-Lisa gère enfin le #système_d’information_Schengen (le #SIS, qui gère les alertes sur les personnes et objets recherchés ou disparus), le système d’information sur les visas (#VIS), la base de données des #casiers_judiciaires (#Ecris-TCN) et le #Codex pour la #coopération_judiciaire entre États membres.

    L’agence travaille notamment à mettre en place une communication par Internet entre ces différents systèmes. Pour Agnès Diallo, cette nouveauté permettra une coordination sans précédent des agents aux frontières et des institutions judiciaires nationales et européennes dans les 27 pays de l’espace Schengen.

    « On pourra suivre les migrants, réguliers et irréguliers », se félicite Fabienne Keller, députée européenne Renew et fervente défenseuse du Pacte sur les migrations. Pour la mise en place de tous ces outils, l’agence eu-Lisa devra former les États membres mais également les transporteurs et les voyageurs et voyageuses. L’ensemble de ces systèmes devrait être opérationnel d’ici à la fin 2026.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/050324/strasbourg-l-europe-intensifie-discretement-le-fichage-des-migrants

    #fichage #migrations #réfugiés #biométrie
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