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  • Au #Mali, #Niger et #Sénégal, le marché de l’identité en plein essor

    De plus en plus d’États africains font appel à des entreprises étrangères, notamment françaises, pour fabriquer des #cartes_d’identité biométriques, qui servent aussi de #cartes_électorales sécurisées. Un projet soutenu par l’Europe qui y voit une occasion de mieux contrôler les flux migratoires.

    De plus en plus d’États africains font appel à des entreprises étrangères, notamment françaises, pour fabriquer des cartes d’identité biométriques, qui servent aussi de cartes électorales sécurisées. Un projet soutenu par l’Europe qui y voit une occasion de mieux contrôler les flux migratoires.

    Niger, Sénégal, Mali, de nos envoyés spéciaux.- Sur le continent africain, les États font de plus en plus souvent appel aux services d’entreprises étrangères spécialisées dans le domaine de l’état civil et leur confient la fabrication de cartes d’identité biométriques, qui sont aussi souvent utilisées comme cartes électorales.
    C’est par exemple le cas, au Mali, du groupe français #Idemia [nouveau nom, depuis 2017, de #OT-Morpho, né de la fusion des sociétés #Oberthur_Technologies (OT) et Morpho], du franco-néerlandais #Gemalto au Niger, et de la société malaisienne #Iris au Sénégal.
    Ce processus est appuyé par la Commission européenne, par le biais de son #Fonds_fiduciaire_d’urgence_pour_l’Afrique. Un partenariat dans lequel chacun trouve son intérêt : les chefs d’État ouest-africains entrevoient la tenue d’élections indiscutables, tandis que la diplomatie européenne touche du doigt le Graal du contrôle de l’immigration irrégulière en permettant l’accès direct à une base de données centralisée des citoyens subsahariens. Celle-ci permettrait aux États membres de l’Union européenne (UE) d’identifier et de renvoyer plus facilement les migrants irréguliers dans leur pays d’origine.
    Un projet « gagnant-gagnant » donc, pour lequel la Commission européenne pourra recevoir un retour sur investissement des 25 millions d’euros dépensés au Mali, et des 28 millions d’euros au Sénégal. Le projet devrait permettre de disposer d’un système d’information de l’état civil informatisé relié à une #base_de_données biométriques à même de sécuriser l’identité de la population et d’être exploitable par d’autres administrations utilisatrices.
    « Il y a une demande d’appui des autorités maliennes auprès de l’UE, qui considère qu’il y a un besoin. C’est une sorte d’interactivité : un état civil qui fonctionne bien va permettre à la population de bénéficier des services auxquels elle a droit. L’aspect contrôle des populations n’est que secondaire », assure Omar Merabet, conseiller du PDG de Civipol, agence française qui travaille, au Mali et au Sénégal, sur deux importants programmes d’état civil qui servent de base de données pour la biométrie électorale.
    Il résume : « La relation entre identité et sécurité est là : si on a un fichier sécurisé, on a une possibilité de traçabiliser la population – un idéal de politique. »
    Des militants de la société civile ouest-africaine s’interrogent néanmoins sur l’utilisation réelle des données personnelles collectées et sur le risque d’utilisation abusive par l’État ou des tiers. Cette préoccupation est également partagée par Omar Merabet : « On sait l’usage qu’en fait un pays donné aujourd’hui, mais qu’en sera-t-il demain ? C’est un problème essentiel car on va consacrer énormément de financements à centraliser ces données, pour la question de l’immigration par exemple, avoir des fichiers ultra précis, partagés avec les services… Il va y avoir de plus en plus de communication et donc de possibilités d’utiliser frauduleusement ces données. »

    « Nous pensons que nous n’avons pas assez de détails sur la question et que nous ne sommes pas bien informés par nos gouvernements, estime le juriste Djabel Magassa, porte-parole de Kouloubametre, site internet « d’initiative citoyenne d’évaluation et suivi des actions des gouvernants ». Quelles sont les garanties de la part de l’Union européenne que ces données ne seront pas utilisées à d’autres fins – par exemple, d’identifier des migrants en vue de leur expulsion par Frontex ? »

    L’hypothèse est balayée par l’État malien. « Au Mali existe une loi qui protège les données personnelles, ainsi que l’Autorité de protection des données à caractère individuel qui surveille l’utilisation des telles informations. Il n’est donc pas possible de donner ces données à un pays européen ou à une structure pour surveiller les migrants », affirme Fousseyni Diarra, directeur du Centre pour le traitement des données de l’état civil et président de la commission technique du Comité de pilotage des élections présidentielles qui ont eu lieu l’été dernier.

    En dépit des risques et des limites, la solution biométrique s’étend dans l’Afrique subsaharienne. Un nouveau front s’est ouvert au Niger, voisin du Mali.

    Au Niger, la France et l’Allemagne à la manœuvre

    « On est entourés de pays plongés dans la tourmente, comme le Mali, le Nigeria, la Libye et le Burkina Faso, explique Issaka Souna. Le Niger ne peut pas se permettre un processus électoral tendu. » Avocat et haut fonctionnaire des Nations unies, Souna a été nommé en octobre 2017 à la tête de la Commission électorale indépendante du Niger (CENI). Au cœur de son travail, la mise en place d’un fichier électoral biométrique.

    Après des années de pourparlers, le fichier biométrique a été intégré dans le nouveau code électoral. Pour Issaka Souna, la difficulté principale est l’absence d’un système d’état civil fiable : « Moins de 30 % de nos concitoyens possèdent une pièce d’identité. On a un territoire immense et une partie de la population est nomade : fournir presque dix millions de cartes électorales biométriques en moins d’un an sera une épreuve colossale. »

    Le premier test, ce seront les élections locales, reportées quatre fois depuis 2016 et prévues pour début 2020. Présidentielle et législatives sont prévues pour 2021. Mahamadou Issoufou sera alors arrivé au terme de son deuxième mandat et ne sera plus éligible.

    Ici, tout en étant le principal bailleur de fonds du Niger, l’Union européenne n’a pas financé la #biométrisation des élections. « Sans un état civil performant, cela n’a pas de sens, confie un fonctionnaire de Bruxelles, sous le couvert de l’anonymat. C’est comme acheter une Porsche là où on n’a même pas un chemin pour se promener. »

    Selon le fonctionnaire, « l’inscription d’un #fichier_biométrique dans la loi permet aux gouvernements de faire du #chantage à l’UE. Ils disent : “Si vous voulez des élections démocratiques, il faut financer la biométrie.” » Soit une dépense, pour créer le fichier, qui tournerait autour des 60 millions d’euros.

    Le fonctionnaire ajoute qu’au sein de la délégation européenne au Niger, « on a dû résister aux pressions des diplomates français et allemands qui voulaient qu’on finance cette biométrie ».
    Les pressions des groupes français

    Un document interne, obtenu par Mediapart, détaille le parcours de sélection de l’opérateur privé au Niger. En concurrence, quatre sociétés : #Gemalto, dont l’actionnaire majoritaire est la Banque publique d’investissement français, #Idemia, propriété de l’État français à 14 %, la société privée allemande #Dermalog, et #Lithotech, compagnie du géant sud-africain #Bidvest, liée à un fonds public de Johannesburg.

    Seuls les deux premiers, français, ont survécu au long processus de sélection – 17 jours de travail d’un comité technique, en octobre 2018 –, dont les résultats, pas encore proclamés après des mois, ont déjà provoqué quelques bouleversements : Dermalog, exclue de la sélection finale en raison de son mauvais score (32,5 points sur 100), aurait fait appel. Contactée, la société a refusé de commenter.

    Gemalto (déjà fortement sollicité sur le marché biométrique africain, notamment en #Algérie, #Bénin, #Burkina_Faso, #Comores, #Gabon et #Guinée-Conakry) a fini par l’emporter, avec 92 points sur 100 face aux 77 de Idemia, d’après l’évaluation technique. Le marché s’élève à 20 milliards de francs CFA (30,5 millions d’euros) sur 16 mois, d’après le président de la CENI Issaka Souna.

    Avant l’officialisation du contrat, le groupe français était à l’affût de la moindre mise en cause de ses activités : il a ainsi exigé la publication d’un droit de réponse dans le bi-hebdomadaire nigérien L’Événement. En cause : des informations « de nature à nuire à la bonne réputation du groupe », selon Gemalto. L’entreprise y conteste notamment l’existence d’une plainte pour corruption passive ou active d’agent étranger au Gabon. Plainte qui a pourtant bien été enregistrée à Paris.

    Le Sénégal, pionnier des cartes biométriques dans la région

    Contrairement au Mali et au Niger, le marché de la biométrie au Sénégal n’est pas dominé par une société française mais par le groupe malaisien #Iris_Corporation_Berhad. Premier pays de la région à avoir, en 2007, engagé le processus de biométrisation prévu par l’accord de la #CEDEAO – visant officiellement à faciliter la circulation des personnes dans l’espace régional –, le Sénégal a élu son président, le 24 février dernier, en utilisant des documents électoraux produits par le géant asiatique pour un montant de 50 milliards de francs CFA (environ 76 millions d’euros).

    Si, à quelques jours des élections du 24 février, le gouvernement a annoncé un taux de distribution des cartes biométriques de 97 %, la société traîne encore quelques casseroles.

    Lors des élections législatives de juillet 2017, de graves dysfonctionnements dans le processus de distribution des cartes ont empêché environ 800 000 personnes de voter. En 2007, le contrat de production de passeports biométriques, attribué déjà à Iris, a été suspendu et jugé, dans un rapport public de la Cour des comptes sénégalaise de 2009, « contraire à l’intérêt général » et « irrégulier » parce que trop coûteux et lent (118 milliards de francs CFA pour 10 millions de documents en vingt ans).

    L’expert informaticien et cyberactiviste sénégalais Cheick Fall, cofondateur de la Ligue africaine des web activistes pour la démocratie Africtivistes, parle d’#indépendance_numérique violée. « Le Sénégal a péché en allant confier le traitement de ces données à une entreprise étrangère. » Selon lui, il y aurait dans le pays toutes les compétences techniques et humaines pour confectionner la carte biométrique directement au Sénégal, « à un dixième du coût ».

    Pour lui, pas mal de questions se cachent dans cette petite carte. « Comment cette entreprise va-t-elle traiter nos informations ? Qui gère, qui collabore et qui a des intérêts avec elle ? Quels sont les contrats qui lient l’État avec cette société sur la confection mais aussi sur le traitement et la conservation des donnés sensibles ? » Une interrogation plus profonde sous-tend sa réflexion : « Aujourd’hui, on parle beaucoup des barrières, mais dans une société de plus en plus dématérialisée et fondée sur la citoyenneté digitale, qu’est-ce qu’une frontière ? »

    https://www.mediapart.fr/journal/international/050319/au-mali-niger-et-senegal-le-marche-de-l-identite-en-plein-essor?onglet=ful
    #externalisation #asile #migrations #réfugiés #biométrie #privatisation
    #contrôles_frontaliers #identification #business #complexe_militaro-industriel #UE #EU #big-data #surveillance_de_masse #traçabilité

    signalé par @pascaline via la mailing-list de Migreurop
    ping @karine4

    Ajouté à la métaliste externalisation :
    https://seenthis.net/messages/731749

  • Maghreb : une labellisation du couscous moins anodine qu’il n’y paraît - Le Point
    https://www.lepoint.fr/culture/maghreb-une-labellisation-du-couscous-moins-anodine-qu-il-n-y-parait-13-02-2

    Un plat de couscous pourrait-il adoucir les relations diplomatiques compliquées entre pays d’Afrique du Nord ? Un projet commun d’inscription du plat emblématique de la région à l’Unesco pourrait au moins amorcer un réchauffement.

    Où fait-on le meilleur couscous ? Quels ingrédients sont légitimes, lesquels sont apocryphes ? Maroc, Algérie, Tunisie... Les pays du Maghreb ont tous leur idée et revendiquent le savoureux plat, y compris sur les réseaux sociaux.

    Voulant sans doute éviter un psychodrame comme celui de la « guerre du houmous » entre le Liban et Israël, qui se disputent la paternité de la purée de pois chiches, plusieurs experts des pays du Maghreb doivent débattre d’une éventuelle demande commune d’inscription du couscous au patrimoine immatériel de l’humanité.

    Slimane Hachi, directeur du Centre algérien de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH) et promoteur du projet, a précisé à la radio algérienne que l’initiative devrait réunir Algérie, Maroc, Tunisie, Libye, Mauritanie et même Mali, sans donner de date ni de lieu.

    Une démarche à l’issue incertaine mais qui a plus de chance d’aboutir qu’une tentative unilatérale : en 2016, l’Algérie avait suscité un tollé au Maroc, son voisin et rival, en voulant la jouer solo à l’Unesco.

    C’est que le couscous n’appartient à aucun des pays du Maghreb en particulier, soulignent experts et gastronomes.

    « Le couscous a une origine berbère, bien avant que les pays du Maghreb tels qu’on les connaît aujourd’hui n’existent », explique l’historien français des pratiques culinaires et alimentaires, Patrick Rambourg.

    « Il remonte incontestablement aux Berbères, même si l’histoire commence avec les Romains, venus avec du blé », abonde l’anthropologue, gastronome et restauratrice à Paris Fatema Hal, né à Oudja (Maroc).

    Néanmoins, même l’origine de l’introduction du blé ne fait pas l’unanimité, certains évoquant un apport arabe.

    Souvent citée, l’historienne culinaire Lucie Bolens avait décrit des pots primitifs de couscous retrouvés en Algérie, remontant au règne du roi Massinissa (202-148 av. JC), Berbère qui unifia la Numidie (nord de l’Algérie et des portions de la Tunisie et de la Libye).❞

    #maghreb #unesco

  • Au #Niger, l’UE mise sur la #police_locale pour traquer les migrants

    Au Niger, l’Union européenne finance le contrôle biométrique des frontières. Avec pour objectif la lutte contre l’immigration, et dans une opacité parfois très grande sur les méthodes utilisées.

    Niger, envoyé spécial.– Deux semaines après une attaque meurtrière attribuée aux groupes armés djihadistes, un silence épais règne autour du poste de la gendarmerie de Makalondi, à la frontière entre le Niger et le Burkina Faso. Ce jour de novembre 2018, un militaire nettoie son fusil avec un torchon, des cartouches scintillantes éparpillées à ses pieds. Des traces de balles sur le mur blanc du petit bâtiment signalent la direction de l’attaque. Sur le pas de la porte, un jeune gendarme montre son bras bandé, pendant que ses collègues creusent une tranchée et empilent des sacs de sable.
    L’assaut, à 100 kilomètres au sud de la capitale Niamey, a convaincu le gouvernement du Niger d’étendre les mesures d’état d’urgence, déjà adoptées dans sept départements frontaliers avec le Mali, à toute la frontière avec le Burkina Faso. La sécurité a également été renforcée sur le poste de police, à moins d’un kilomètre de distance de celui de la gendarmerie, où les agents s’affairent à une autre mission : gérer les flux migratoires.
    « On est les pionniers, au Niger », explique le commissaire Ismaël Soumana, montrant les équipements installés dans un bâtiment en préfabriqué. Des capteurs d’empreintes sont alignés sur un comptoir, accompagnés d’un scanneur de documents, d’une microcaméra et d’un ordinateur. « Ici, on enregistre les données biométriques de tous les passagers qui entrent et sortent du pays, on ajoute des informations personnelles et puis on envoie tout à Niamey, où les données sont centralisées. »
    Makalondi est le premier poste au Niger à avoir installé le Midas, système d’information et d’analyse de données sur la migration, en septembre 2018. C’est la première étape d’un projet de biométrisation des frontières terrestres du pays, financé par l’UE et le #Japon, et réalisé conjointement par l’#OIM, l’Organisation internationale pour les migrations – créatrice et propriétaire du système #Midas –, et #Eucap_Sahel_Niger, la mission de sécurité civile de Bruxelles.


    Au cœur de ce projet, il y a la Direction pour la surveillance du territoire (DST), la police aux frontières nigérienne, dont le rôle s’est accru au même rythme que l’intérêt européen à réduire la migration via le Niger. Dans un quartier central de Niamey, le bureau du directeur Abdourahamane Alpha est un oasis de tranquillité au milieu de la tempête. Tout autour, les agents tourbillonnent, en se mêlant aux travailleurs chinois qui renouvellent leur visa et aux migrants ouest-africains sans papiers, en attente d’expulsion.
    Dessinant une carte sur un morceau de papier, le commissaire Alpha trace la stratégie du Niger « pour contrôler 5 000 kilomètres de frontière avec sept pays ». Il évoque ainsi les opérations antiterrorisme de la force G5 Sahel et le soutien de l’UE à une nouvelle compagnie mobile de gardes-frontières, à lancer au printemps 2019.
    Concernant le Midas, adopté depuis 2009 par 23 pays du monde, « le premier défi est d’équiper tous les postes de frontière terrestre », souligne Alpha. Selon l’OIM, six nouveaux postes devraient être équipés d’ici à mi-2020.

    Un rapport interne réalisé à l’été 2018 et financé par l’UE, obtenu par Mediapart, estime que seulement un poste sur les douze visités, celui de Sabon Birni sur la frontière avec le Nigeria, est apte à une installation rapide du système Midas. Des raisons de sécurité, un flux trop bas et composé surtout de travailleurs frontaliers, ou encore la nécessité de rénover les structures (pour la plupart bâties par la GIZ, la coopération allemande, entre 2015 et 2016), expliquent l’évaluation prudente sur l’adoption du Midas.
    Bien que l’installation de ce système soit balbutiante, Abdourahamane Alpha entrevoit déjà le jour où leurs « bases de données seront connectées avec celles de l’UE ». Pour l’instant, du siège de Niamey, les agents de police peuvent consulter en temps quasi réel les empreintes d’un Ghanéen entrant par le Burkina Faso, sur un bus de ligne.
    À partir de mars 2019, ils pourront aussi les confronter avec les fichiers du Pisces, le système biométrique du département d’État des États-Unis, installé à l’aéroport international de Niamey. Puis aux bases de données d’Interpol et du Wapis, le système d’information pour la police de l’Afrique de l’Ouest, un fichier biométrique financé par le Fonds européen de développement dans seize pays de la région.
    Mais si le raccordement avec des bases de données de Bruxelles, envisagé par le commissaire Alpha, semble une hypothèse encore lointaine, l’UE exerce déjà un droit de regard indirect sur les écrans de la police nigérienne, à travers Frontex, l’agence pour le contrôle des frontières externes.

    Frontex a en effet choisi le Niger comme partenaire privilégié pour le contrôle migratoire sur la route dite de la Méditerranée centrale. En août 2017, l’agence y a déployé son unique officier de liaison en Afrique et a lancé, en novembre 2018, la première cellule d’analyse de risques dans le continent. Un projet financé par la coopération au développement de l’UE : 4 millions d’euros destinés à ouvrir des cellules similaires dans huit pays subsahariens.
    L’agence n’a dévoilé à Mediapart que six documents sur onze relatifs à ses liens avec le Niger, en rappelant la nécessité de « protéger l’intérêt public concernant les relations internationales ». Un des documents envoyés concerne les cellules d’analyse de risques, présentées comme des bureaux équipés et financés par Frontex à l’intérieur des autorités de contrôle des frontières du pays, où des analystes formés par l’agence – mais dépendants de l’administration nationale – auront accès aux bases de données.
    Dans la version intégrale du document, que Mediapart a finalement pu se procurer, et qui avait été expurgée par Frontex, on apprend que « les bases de données du MIDAS, PISCES et Securiport [compagnie privée de Washington qui opère dans le Mali voisin, mais pas au Niger – ndlr] seront prises en considération comme sources dans le plan de collecte de données ».
    En dépit de l’indépendance officielle des cellules par rapport à Frontex, revendiquée par l’agence, on peut y lire aussi que chaque cellule aura une adresse mail sur le serveur de Frontex et que les informations seront échangées sur une plateforme digitale de l’UE. Un graphique, également invisible dans la version expurgée, montre que les données collectées sont destinées à Frontex et aux autres cellules, plutôt qu’aux autorités nationales.
    Selon un fonctionnaire local, la France aurait par ailleurs fait pression pour obtenir les fichiers biométriques des demandeurs d’asile en attente d’être réinstallés à Paris, dans le cadre d’un programme de réinstallation géré par le UNHCR.
    La nouvelle Haute Autorité pour la protection des données personnelles, opérationnelle depuis octobre 2018, ne devrait pas manquer de travail. Outre le Midas, le Pisces et le Wapis, le Haut Commissariat pour les réfugiés a enregistré dans son système Bims les données de presque 250 000 réfugiés et déplacés internes, tandis que la plus grande base biométrique du pays – le fichier électoral – sera bientôt réalisée.
    Pendant ce temps, au poste de frontière de Makalondi, un dimanche de décembre 2018, les préoccupations communes de Niamey et Bruxelles se matérialisent quand les minibus Toyota laissent la place aux bus longue distance, reliant les capitales d’Afrique occidentale à Agadez, au centre du pays, avec escale à Niamey. Des agents fouillent les bagages, tandis que les passagers attendent de se faire enregistrer.
    « Depuis l’intensification des contrôles, en 2016, le passage a chuté brusquement, explique le commissaire Ismaël Soumana. En parallèle, les voies de contournement se sont multipliées : si on ferme ici, les passeurs changent de route, et cela peut continuer à l’infini. »
    Les contrôles terminés, les policiers se préparent à monter la garde. « Car les terroristes, eux, frappent à la nuit, et nous ne sommes pas encore bien équipés », conclut le commissaire, inquiet.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/280219/au-niger-l-ue-mise-sur-la-police-locale-pour-traquer-les-migrants
    #migrations #réfugiés #asile #traque #externalisation #contrôles_frontaliers #EU #UE #Eucap #biométrie #organisation_internationale_contre_les_migrations #IOM

    J’ajoute à la métaliste :
    https://seenthis.net/messages/731749

    • Biometrics: The new frontier of EU migration policy in Niger

      The EU’s strategy for controlling irregular West African migration is not just about asking partner countries to help stop the flow of people crossing the Mediterranean – it also includes sharing data on who is trying to make the trip and identifying to which countries they can be returned.

      Take Niger, a key transit country for migrants arriving in Europe via Libya.

      European money and technical assistance have flowed into Niger for several years, funding beefed-up border security and supporting controversial legislation that criminalises “migrant trafficking” and has led to a sharp fall in the registered number of people travelling through the country to reach Libya – down from 298,000 in 2016 to 50,000 in 2018.

      Such cooperation is justified by the “moral duty to tackle the loss of lives in the desert and in the Mediterranean”, according to the EU’s head of foreign policy, Federica Mogherini. It was also a response to the surge in arrivals of asylum seekers and migrants to European shores in 2015-16, encouraging the outsourcing of control to African governments in return for development aid.

      In April, as a further deterrent to fresh arrivals, the European Parliament passed a tougher “Regulation” for #Frontex – the EU border guard agency – authorising stepped-up returns of migrants without proper documentation to their countries of origin.

      The regulation is expected to come into force by early December after its formal adoption by the European Council.

      The proposed tougher mandate will rely in part on biometric information stored on linked databases in Africa and Europe. It is a step rights campaigners say not only jeopardises the civil liberties of asylum seekers and others in need of protection, but one that may also fall foul of EU data privacy legislation.

      In reply to a request for comment, Frontex told The New Humanitarian it was “not in the position to discuss details of the draft regulation as it is an ongoing process.”

      Niger on the frontline

      Niger is a key country for Europe’s twin strategic goals of migration control and counter-terrorism – with better data increasingly playing a part in both objectives.

      The #Makalondi police station-cum-immigration post on Niger’s southern border with Burkina Faso is on the front line of this approach – one link in the ever-expanding chain that is the EU’s information-driven response to border management and security.

      When TNH visited in December 2018, the hot Sunday afternoon torpor evaporated when three international buses pulled up and disgorged dozens of travellers into the parking area.

      “In Niger, we are the pioneers.”

      They were mostly Burkinabès and Nigeriens who travelled abroad for work and, as thousands of their fellow citizens do every week, took the 12-hour drive from the Burkina Faso capital, Ouagadougou, to the Niger capital, Niamey.

      As policemen searched their bags, the passengers waited to be registered with the new biometric #Migration_Information_and_Data_Analysis_System, or #MIDAS, which captures fingerprints and facial images for transmission to a central #database in Niamey.

      MIDAS has been developed by the International Organisation for Migration (#IOM) as a rugged, low-cost solution to monitor migration flows.

      “In Niger, we are the pioneers,” said Ismael Soumana, the police commissioner of Makalondi. A thin, smiling man, Soumana proudly showed off the eight new machines installed since September at the entry and exit desks of a one-storey prefabricated building. Each workstation was equipped with fingerprint and documents scanners, a small camera, and a PC.
      Data sharing

      The data from Makalondi is stored on the servers of the Directorate for Territorial Surveillance (DTS), Niger’s border police. After Makalondi and #Gaya, on the Benin-Niger border, IOM has ambitious plans to instal MIDAS in at least eight more border posts by mid-2020 – although deteriorating security conditions due to jihadist-linked attacks could interrupt the rollout.

      IOM provides MIDAS free of charge to at least 20 countries, most of them in sub-Saharan Africa. Its introduction in Niger was funded by Japan, while the EU paid for an initial assessment study and the electrical units that support the system. In addition to the border posts, two mobile MIDAS-equipped trucks, financed by #Canada, will be deployed along the desert trails to Libya or Algeria in the remote north.

      MIDAS is owned by the Nigerien government, which will be “the only one able to access the data,” IOM told TNH. But it is up to Niamey with whom they share that information.

      MIDAS is already linked to #PISCES (#Personal_Identification_Secure_Comparison_and_Evaluation_System), a biometric registration arm of the US Department of State installed at Niamey international airport and connected to #INTERPOL’s alert lists.

      Niger hosts the first of eight planned “#Risk_Analysis_Cells” in Africa set up by Frontex and based inside its border police directorate. The unit collects data on cross-border crime and security threats and, as such, will rely on systems such as #PISCES and MIDAS – although Frontex insists no “personal data” is collected and used in generating its crime statistics.

      A new office is being built for the Niger border police directorate by the United States to house both systems.

      The #West_African_Police_Information_System, a huge criminal database covering 16 West African countries, funded by the EU and implemented by INTERPOL, could be another digital library of fingerprints linking to MIDAS.

      Frontex programmes intersect with other data initiatives, such as the #Free_Movement_of_Persons_and_Migration_in_West_Africa, an EU-funded project run by the IOM in all 15-member Economic Community of West African States. One of the aims of the scheme is to introduce biometric identity cards for West African citizens.

      Frontex’s potential interest is clear. “If a European country has a migrant suspected to be Ivorian, they can ask the local government to match in their system the biometric data they have. In this way, they should be able to identify people,” IOM programme coordinator Frantz Celestine told TNH.

      The push for returns

      Only 37 percent of non-EU citizens ordered to leave the bloc in 2017 actually did so. In his 2018 State of the Union address, European Commission President Jean-Claude Juncker urged a “stronger and more effective European return policy” – although some migration analysts argue what is needed are more channels for legal migration.

      Part of the problem has been that implementing a returns policy is notoriously hard – due in part to the costs of deportation and the lack of cooperation by countries of origin to identify their citizens. Europe has had difficulty in finalising formal accords with so-called third countries unwilling to lose remittances from those abroad.

      The Commission is shifting to “informal arrangements [that] keep readmission deals largely out of sight” – serving to ease the domestic pressure on governments who cooperate on returns, according to European law researcher, Jonathan Slagter.

      The new Frontex regulation provides a much broader mandate for border surveillance, returns, and cooperation with third countries.

      It contains provisions to “significantly step up the effective and sustainable return of irregular migrants”. Among the mechanisms is the “operation and maintenance of a platform for the exchange of data”, as a tool to reinforce the return system “in cooperation with the authorities of the relevant third countries”. That includes access to MIDAS and PISCES.

      Under the new Frontex policy, in order to better identify those to be deported, the agency will be able “to restrict certain rights of data subjects”, specifically related to the protection and access to personal data granted by EU legislation.

      That, for example, will allow the “transfer of personal data of returnees to third countries” - even in cases where readmission agreements for deportees do not exist.

      Not enough data protection

      The concern is that the expanded mandate on returns is not accompanied by appropriate safeguards on data protection. The #European_Data_Protection_Supervisor – the EU’s independent data protection authority – has faulted the new regulation for not conducting an initial impact study, and has called for its provisions to be reassessed “to ensure consistency with the currently applicable EU legislation”.

      “Given the extent of data sharing, the regulation does not put in place the necessary human rights safeguards."

      Mariana Gkliati, a researcher at the University of Leiden working on Frontex human rights accountability, argues that data on the proposed centralised return management platform – shared with third countries – could prove detrimental for the safety of people seeking protection.

      “Given the extent of data sharing, the regulation does not put in place the necessary human rights safeguards and could be perceived as giving a green light for a blanket sharing with the third country of all information that may be considered relevant for returns,” she told TNH.

      “Frontex is turning into an #information_hub,” Gkliati added. “Its new powers on data processing and sharing can have a major impact on the rights of persons, beyond the protection of personal data.”

      For prospective migrants at the Makalondi border post, their data is likely to travel a lot more freely than they can.

      https://www.thenewhumanitarian.org/news-feature/2019/06/06/biometrics-new-frontier-eu-migration-policy-niger
      #empreintes_digitales #OIM #identification #renvois #expulsions #échange_de_données

      ping @albertocampiphoto @karine4 @daphne @marty @isskein

    • La #criminalisation_de_la_mobilité et la rhétorique de la défense des migrants : l’expérience du Niger

      Le Niger joue un rôle central dans les stratégies européennes de gouvernance des migrations. Depuis 2015, avec l’approbation de la loi n° 36, les dynamiques de lutte contre la liberté de circulation se sont multipliées : derrière la rhétorique de la lutte contre le trafic et la traite, se cachent les intérêts pressants de l’UE pour limiter la mobilité.

      Depuis 2015, on assiste à une redéfinition des objectifs de la coopération européenne avec les pays tiers dans une perspective sécuritaire et de gestion des frontières plutôt que de coopération au développement. Ce changement de cap est particulièrement évident au Niger, un pays qui occupe une position centrale dans les stratégies européennes de gestion des migrations.

      Les stratégies adoptées par l’Union européenne et les organisations internationales au Niger ces dernières années visent à imposer une réorganisation bureaucratique et judiciaire de l’État afin de réduire à court terme le nombre de migrants et de demandeurs d’asile en transit dans la région d’Agadez, considérant le pays comme la frontière sud de l’Europe.

      https://sciabacaoruka.asgi.it/fr/focus-niger/?_se=ZGlsZXR0YS5hZ3Jlc3RhQGdtYWlsLmNvbQ%3D%3D

  • PRÉSIDENTIELLES ET MANIFESTATIONS EN ALGÉRIE : SCÉNARIOS PROBABLES POUR UNE FIN DE RÈGNE – Salimsellami’s Blog
    https://salimsellami.wordpress.com/2019/02/18/presidentielles-et-manifestations-en-algerie-scenarios-proba

    Le constat est établi par tous : ce régime n’a aucun atome de légitimité, aucune capacité à innover pour remettre l’Algérie en mouvement et s’assurer une sortie honorable ou un maintien au pouvoir sous de nouvelles formes plus subtiles et moins brutales. La raison est évidente : la tête est sénile, le corps moribond, les organes maintenus en vie par la rente qui s’appauvrit et ne suffit plus à tous.

    Qu’est ce qui pourrait se passer de salutaire ou de catastrophique pour mettre fin au marasme et à la honte ?

    PLUSIEURS SCÉNARIOS SONT POSSIBLES D’AUTRES SONT PROBABLES
    Parmi les scénarios possibles, les choses continuent dans leur pourrissement, car rien ne va s’opposer à la tricherie. On installe le même président, la même équipe, on révise la constitution et on installe les valets de la France ou des USA et les serviteurs-accapareurs de la rente. Mais il y a trois facteurs qui échappent à la raison humaine. Le premier facteur est d’ordre eschatologique : Bouteflika rappelé à Dieu avant que le scénario ne se déroule. Le second facteur est que Macron et Trump ne se mettent pas d’accord sur le profil du dauphin vu le désordre actuel sur la scène mondiale et le caractère trumpien « America first ». Nous revenons à la case de départ avec plus de chaos et surtout l’impossibilité des clans de se départager et de trouver un consensus. Une fois Bouteflika disparu ou maintenu en vie, mais avec une évidence notoire, qu’il est incapable de gouverner et que son équipe est incapable de trouver une voie de sortie de crise. Le troisième facteur, que ce soit avant ou après les élections, l’armée se divise entre clans et ces clans se radicalisent pour des solutions incompatibles. Dans ce climat de divergence générale, toutes les convergences idéologiques, régionalistes, nationalistes ou préférence à l’étranger ainsi que la convergence des pourris du système avec la lie de la société (baltagia à l’égyptienne financée par le marché noir et organisé par les réseaux occultes nationaux et étrangers) vont cristalliser les paradoxes et générer une guerre civile étendue à tout le territoire.

    La conscience du militaire le plus politisé et qui dispose d’unités combattantes efficaces, discipliné, loyal peut être choqué par ce qui se prépare. Il doit savoir qu’il s’agit de l’anéantissement de l’Algérie et que les circonstances géopolitiques ainsi que la situation de déstabilisation de la Libye et du Mali avec tout l’armement disponible et tous les services secrets du monde qui y opèrent en liaison avec les mercenaires professionnels sont favorables à l’embrasement de l’Algérie pour une guerre de cent ans. Ajouter à cela la convergence des revendications à l’autonomie des grandes régions d’Algérie et le désir des Français de récupérer le Sahara, Mers el Kebir ; et des Américains de disposer de bases navales et aériennes. Ce militaire conscient va-t-il cette fois-ci laisser l’Algérie s’embraser et tolérer que l’ANP continue à jouer le rôle d’agent de répression pour maintenir au pouvoir des gens qui ont la haine du peuple et l’incompétence de gouverner. La logique veut qu’il tente un coup de force. La crise va atteindre son paroxysme et il va (il doit) se passer quelque chose de dramatique qui va nous amener vers le salut ou vers le néant.

    Cela va dépendre d’un dernier facteur : quel est le désir le plus intime et le plus sincère des Algériens ?

    Parmi les scénarios les plus probables, c’est le pire par la convergence des bêtises et des méchancetés qui ont des armes, de l’argent, des réseaux avec l’oisiveté irresponsable et délinquante dans la jeunesse algérienne. Ces jeunes sont déjà fichés, organisés et préparés à accomplir le pire, à leur insu. L’argent sale et les experts en guerre psychologique et en opérations de sape militaire vont les mobiliser et les mettre en situation d’offensive pour créer le chaos, du moins l’insécurité et imposer un Etat d’urgence, des tribunaux d’exception et un directoire d’administrateurs civils et militaires supervisé par des conseillers étrangers. Cela peut se produire avant le vote pour se débarrasser d’une procédure à risque ; cela peut se produire avant l’annonce des résultats officiels car plus que jamais le vote sanction sera présent même s’il y aura beaucoup d’abstention. Le régime a su créer les conditions psychologiques pour disqualifier les candidats en donnant la parole aux fous et aux insensés ; l’opposition inféodée à ce régime a accepté de jouer le rôle de lièvre en ordre dispersé et confus. Dans cette confusion tout est possible. Sur ce scénario catastrophe trois facteurs peuvent fausser les calculs. Le premier facteur est un événement eschatologique. Le second est le refus de l’armée (les chefs des unités combattantes qui vont aller sur le terrain et se confronter aux algériens pour une effusion de sang inutile pour un destin joué d’avance : ce régime est fini). Le troisième est qu’un candidat sérieux et compétent, nous pensons au général Ali Ghediri, prenne l’initiative historique au péril de sa vie et de sa liberté d’appeler le peuple et l’armée à garder le calme, à ne pas tomber dans le piège. Il doit annoncer les deux couleurs que les Algériens attendent : la rupture totale et définitive avec ce régime. L’avertissement aux étrangers qui veulent s’ingérer dans les affaires intérieures. Il doit rester non partisan et surtout sans attache avec les forces de l’argent et les entités oppositionnelles qui vont l’encombrer et le miner. S’il n’y a pas d’appel haut et fort et si cet appel n’est pas entendu, alors tous les rassemblements pré-électoraux et post électoraux seront l’étincelle mise dans une poudrière. Les régimes en place, en Algérie et en France, savent diaboliser, criminaliser, infiltrer et pousser à la violence pour justifier la répression et faire passer des lois liberticides et des mesures antipopulaires. Les Algériens, faute d’encadrement politique ne savent pas contester, ils passent à la violence sans organisation et sans but, ils saccagent les biens publics, et donnent ainsi toutes les justifications « légales », morales et médiatiques pour que la violence « institutionnelle » s’exerce contre eux d’une manière démesurée et impitoyable.

    Si Ali Ghediri ne dispose pas d’une équipe de campagne compétente, d’un directeur de communication efficace et de garanties, le conseil le plus sincère que nous nous permettons de lui donner et d’annoncer officiellement le retrait de sa candidature pour laisser le régime en place face à ses responsabilités et le déshabiller totalement, lui enlevant le peu de crédibilité ou d’intelligence qu’il affiche en vain. Si par contre il veut la rupture, il doit aller sur le terrain et prendre la posture de président en attente d’investiture. La crise va atteindre son paroxysme : ceux qui vont gérer la suite doivent se préparer maintenant et être connu ainsi que leur équipe. L’expérience de Lamine Zéroual et de Mohamed Boudiaf doit nous inciter non seulement à la prudence, mais à la mobilisation des forces du changement sous une seule bannière. La situation est grave, elle ne permet aucune improvisation, elle interdit de laisser l’ennemi prendre une quelconque initiative. Il faut l’acculer à la défensive, à la rupture de ses lignes et à la débâcle qui ne permet plus jamais de se remobiliser et d’engager un nouveau combat ni dans l’ombre ni dans les arrières.

    Il faut éviter la violence, la manipulation et méditer l’invitation de Marx qui demeure l’un des analystes les plus précis et les plus honnêtes sur le pouvoir de la bourgeoisie : « Il faut oser provoquer le scandale pour ne pas devenir sa proie (otage) ». La conjugaison des désabusés, des frustrés, des revanchards peut entrer en collusion avec la convergence du crime, de la subversion et de la rente. Cette collusion peut se révéler désastreuse. L’intelligence, c’est de donner des voies de sorties ou prendre l’initiative. L’armée est la seule capable de prendre l’initiative et d’imposer une solution favorable au changement pacifique. Ses chefs ne veulent pas et ils doivent assumer leur responsabilité, devant leurs soldats, si la catastrophe venait à se produire. La menace intégriste ne peut plus être invoquée puisqu’il est évident que la menace vient des imposteurs et des usurpateurs qui nous gouvernent contre notre gré.

    Le régime a peur, il panique, il est sans solution crédible, faisable et viable. Il peut assassiner un peuple sans état d’âme. Il n’y a pas d’État pour le contenir et lui fixer des limites. Mais il peut se produire deux choses qu’il fait provoquer : la panne qui le pousse à se suicider comme ce fut le cas en fin de règne de l’Empire romain ; la fuite dans le désordre du « sauve-qui-peut » comme celle des Haragas sur des embarcations de fortune sans garantie de trouver bon port.

    Je rappelle que j’ai écrit sur les garanties minimales qui manquent pour mener à bon port les élections. Nous voyons déjà comment s’opère le volet des signatures des candidats et nous voyons pire que cela : l’intimidation, la menace et les voies de fait sur des candidats en campagne. La police, la Gendarmerie et les forces de sécurité publique devraient assurer leur protection, mais ils sont jetés en pâture aux Baltagisqui se structurent et montent en puissance pire que le terrorisme de la « décennie noire ».

    J’ai écrit un livre, une cinquante d’articles sur le printemps arabe (Syrie, Libye, Égypte et Tunisie) à chaud, sans prendre de distance avec les événements, mais sans esprit partisan. J’ai réfléchi sur la « décennie noire » et ses causes justes pour interroger ma conscience et pouvoir dire un jour comment éviter l’impasse et l’effusion de sang. Il n’y a toujours pas de cadre de débat sérieux et responsable.

    Des manifestations menées par des activistes (progressistes ou islamistes) pour dénoncer un régime sans plateforme de changement, sans vision doctrinaire sur le changement, sans programme alternatif de gouvernance, sans garantie de ne pas être récupérés par les appareils de l’opposition classique et incompétente ne peut que déboucher sur une caporalisation des jeunes émergents et une confiscation de leurs sacrifices. Les Etrangers et les Maffieux locaux savent converger pour trouver les interlocuteurs valides et éradiquer les rebelles. Ils parviennent à remettre en selle l’ancien régime avec de nouveaux visages en donnant l’illusion du changement. Ils trouvent les opportunités et les pertinences que leur donnent l’absence de cadre réformateur et la confusion sur les positions du curseur idéologique pour imposer par la violence leurs solutions. La contestation d’un régime ne suffit pas pour opérer le changement, il faut l’adhésion à un programme de rupture. Ce programme n’est pas encore explicite et visible pour être compris et porté par des millions de gens et un seul cri.

    Il ne s’agit pas d’une affaire technicienne où on fait appel à des experts, mais une vision où les sincères et les compétents se mobilisent pour effectuer ensemble la quête de résolution des problèmes. Mouloud Hamrouche et Ghazi Hidouci ont initié et conduit des réformes avec un contenu et des perspectives dignes de considération, mais ils se sont appuyés sur des techniciens sans vision sur l’Algérie et sans connaissance de l’humain. Ça ne pouvait donc passer, mais casser. Un exemple parmi tant d’autres est la nomination de Monsieur Aboud à la tête de la télévision algérienne qui était libre d’avoir une idéologie laïque et d’être porté sur l’alcool, mais il ne pouvait mépriser le peuple algérien en disant que la télévision n’est pas une mosquée. Au lieu de toucher aux sensibilités religieuses des gens, il aurait du répondre à la demande du peuple algérien. S’il était intelligent il aurait ouvert le débat religieux et théologique en appelant des sommités mondiales et algériennes pour s’opposer à la montée de l’intégrisme. Les actuels ministres de l’Éducation nationale et des Affaires religieuses ont le même travers et continuent de heurter le peuple algérien au lien de le guider et de lui ouvrir des horizons plus sereins. Tous veulent caporaliser le peuple algérien et croire qu’ils connaissent son bien et le chemin de sa libération mieux que lui.

    Face à eux il y avait des aventuriers, les uns au nom de « l’Islam est la solution » et les autres au nom de « la République laïque est la solution », ainsi que ceux qui revendiquent « Haybat ad Dawla – l’autorité de l’Etat est la solution) par la force des armes et de la répression. Avec toutes ces fausses ou imparfaites solutions et leurs paradigmes singuliers nous sommes demeurés sans solution et inertes dans un système sénile et moribond. Personne n’avait et n’a de vision d’éducateur et de réformateur qui s’appuie sur la réalité de l’Algérie, la connaissance des Algériens et qui met ses pas à la suite des Prophètes et des visionnaires. A quelques semaines ou à quelques jours de la rencontre des Algériens avec un destin que personne ne peut deviner, nous n’avons toujours pas mis le curseur idéologique sur l’essentiel et nous n’avons toujours pas identifié la bannière de rassemblement. Dénoncer les généraux algériens et criminaliser l’armée algérienne est à la portée de n’importe quel oisif de n’importe quel café maure. Refuser Bouteflika, maintenant qu’il est en fin de vie, ne va pas donner naissance à un vivant capable de gouverner l’Algérie. Nous sommes enterrés sous des tonnes de faux calculs, de fausses idéologies, de fausses promesses.

    En définitive nous n’avons qu’une alternative : ou fin existentielle de l’Algérie ou rupture avec le système qui anéantit l’avenir.

    Omar MAZRI – www.algerie-rupture.com

    https://www.euroalgerie.org/2019/02/17/presidentielles-algerie-scenarios-probables-pour-une-fin-de-regne

  • “These displaced people live in fear of being attacked at any time”

    After increased insecurity in the Tillabéry region of Niger caused large numbers of people to flee their homes, MSF carried out an emergency response in early January 2019.

    MSF deputy head of mission Boulama Elhadji Gori describes the situation.
    Why did MSF carry out an emergency response in the rural area of #Dessa in the #Tillabéry region last week?

    A state of emergency was declared recently in the department of Tillabéry, in the region of the same name. Like many other departments in the region, Tillabéry faces many security challenges.

    The people living in this border area between Mali and Niger find themselves trapped in violence that comes from two directions: on one side, the community conflict; on the other, the activities of non-state armed groups.

    After receiving information about people being displaced in the region, an MSF team visited the immediate area, where they saw first-hand the precarious situation in which the displaced people were living.

    We are talking about a total of 1,287 people at three sites within a five-kilometre radius. These people were already vulnerable, having been displaced several times already.

    What were people’s main needs?

    These people had been forced to leave their homes, their fields and often their animals in order to escape the violence orchestrated by armed groups and other opportunists. Because of the hostilities in the area, basic services such as schools and health centres have been closed.

    The displaced people lack shelter, food, healthcare and protection. They are also drinking untreated river water, which brings the risk of various diseases.

    Given the urgency of their needs, and in the absence of other humanitarian organisations, the MSF team decided to launch a response.
    What did MSF’s response involve?

    Our medical team conducted 170 medical consultations, mainly for respiratory infections, malaria, dermatitis and severe malnutrition, as well as 20 antenatal consultations.

    We also assessed the nutritional status of children and vaccinated nearly 130 children against measles. Five mental health promotion sessions were organised for approximately 160 people.

    Several patients were referred to the health centre for follow-up care, which MSF was also involved in. Our team distributed essential relief items to 220 families, including blankets, cooking utensils, washing kits, mosquito nets and jerry cans.

    To make sure that people have safe drinking water, the teams distributed 4,000 water purification tablets, and ran sessions on how to use them.

    Who are the displaced people?

    “Most of the people who fled the violence are women, children and the elderly, of different ethnicities, living in the border area between Mali and Niger. There are also a number of young people who reject violence and want to settle in places that are considered more secure.

    The displaced include refugees from Mali and internally displaced people from Niger.

    The majority of the displaced people live in fear of being attacked at any time, because of what they have already experienced – their villages being attacked, assassinations, their markets burned down, their animals stolen, and living with the threat of death.

    Other than this emergency response, what is MSF doing in Tillabéry region?

    MSF has been working in Niger’s Bani-Bangou department, near the border with Mali, since November 2018. Long before the state of emergency was declared, schools, health centres and other social infrastructure were not functioning because of the violence.

    MSF is working in the area to ensure access to free quality medical care for displaced people and local communities. We support two health centres and five health posts.

    We are also monitoring the situation in other areas which could potentially receive newly displaced people, or where there are needs not covered by other organisations, particularly in the area around Innates. MSF also supports medical services, from health posts to hospitals, in Bani-Bangou and Ouallam.

    Our teams work in collaboration with the Ministry of Health. In December 2018, we treated 4,599 people, provided 452 antenatal consultations and assisted 22 births. In addition, 588 children under the age of two received routine immunisations, and 34 women of childbearing age were vaccinated against tetanus. We also referred to hospital seven patients in need of emergency treatment.
    What are people’s main needs in this region? And what are the challenges of assisting them?

    People in this region need food, essential relief items, physical and mental healthcare, clean water, good sanitation and hygiene, and protection.

    The main challenge we face is the climate of insecurity in the region, which can make it difficult to reach the people who need assistance.

    https://www.msf.org/displaced-people-tillabery-niger-living-fear
    #IDPs #déplacés_internes #réfugiés_maliens #Mali #Niger #migrations #réfugiés

  • Lettre ouverte à Macron à propos des violences policères
    https://grenoble.indymedia.org/2019-01-17-Lettre-ouverte-a-Macron-a-propos

    Je partage cette belle lettre ouverte à Macron sur les violences policières. A partager sans modération. Anne-Marie Chartier 2 place Beaumarchais 38130 Echirolles le 16-1-2019 (Maître de Conférence à la retraite Université de Grenoble) A MR MACRON Pdt de la République Objet : La violence d’Etatest organisée audegré le plus haut. Monsieur le Président de la République Dans votre lettre aux français publiée dans le Monde du 15-1-19, vous dites « n’accepter aucune forme de violence (...)

    #Articles

    / Répression / Contrôle social, Révoltes / Luttes sociales, #Soupe_politicienne, #Autres_infos

    #Répression_/_Contrôle_social #Révoltes_/_Luttes_sociales

    • Anne-Marie Chartier le 16-1-2019 (Maître de Conférence à la retraite Université de Grenoble) A MR MACRON Pdt de la République
      Objet : La violence d’Etat est organisée au degré le plus haut.

      Monsieur le Président de la République

      Dans votre lettre aux français publiée dans le Monde du 15-1-19, vous dites « n’accepter aucune forme de violence ».Affirmation paradoxale car vous pratiquez, sans scrupule, à la suite de vos prédécesseurs, la violence d’Etat au plus haut degré,dans tous les domaines, social, militaire, et de la répression. Et vous vous inclinez devant la violence économique des sociétés, telle par exemple, Ford-Blanquefort qui met au chômage 850 salariés, au nom de la rentabilité et de la compétitivité.

      – 1)Vous avez désertifié quantité de petites villes et des campagnes,en supprimant leurs tribunaux, leurs hôpitaux et maternités,les écoles, les Postes, les lignes de chemin de fer locales….sous prétexte de concentrer les moyens financiers, dans un pays où vous prêchez pourtant la décentralisation comme vos aînés….Cette désertification exclut un grand nombre de citoyens de l’accès à ces services, contrairement à ce que vous dites dans votre lettre. Plus personne ne peut croire à la vérité des mots employéspar ceux qui vous ont précédé, et par vous.

      Il n’est plus possible également de s’adresser normalement aux services publics administratifs de la Préfecture, de la Sécurité sociale, des Allocations familiales, des impôts….pour obtenir le moindre renseignement, la moindre aide. Votre gouvernement a pour politique de détruire progressivement les services publics utiles à la population sous le vocable de « réorganisation » et de « modernisme ». Encore des mots dont nous avons appris qu’ils ne cachent que des spoliations au profit des…..holdings.

      Ceci relève d’une violence sociale planifiée contre les citoyens.

      – 2)En tant que chef d’Etat,vous avez engagé la France, directement ou indirectement, dans des guerres les plus destructrices au Mali, au Tchad… au Yémen, en y envoyant l’armée française ou en vendant des armes, entre autres à l’Arabie Saoudite. Or ce pays est le principal propagateur d’une idéologie salafiste intégriste, celle-là même de « L’Etat Islamique », et celle des jeunes « fichés S » qui parfois passent à l’acte. Alors que vous prétendez combattre cette idéologie. Pensez-vous que les citoyens et les jeunes soient incapables d’établir le double ou triple jeu de votre gouvernement ?

      La ministre des Armées, Florence Parly, sous votre direction, a annoncé en septembre 2018 que la France se dotait de drones armés qui permettront « d’allier en permanence la surveillance, l’endurance dans la discrétion, et la capacité de frappe…. », lesquels nécessitent des pilotes qui, à distance,pratiquent des « assassinats ciblés ». Ainsi c’est l’Etat qui décide de se faire justice contre des individus qui n’ont pas été jugés : c’est le droit de tuer sans jugement. Il serait plus que nécessaire de qualifier les actes de ces individus.. Pensez-vous que la jeunesse n’ait pas intégré cette morale éhontée ?

      Ces faits ne sont autres qu’une terrible violence qui détruit peu à peu la République, la justice et toute éthique.

      – 3)La France est le seul pays qui, en Europe, dans des opérations de répression, utilise, en plus des grenades lacrymogènes, des nouveaux lances ballesLDB 40 de longue portée ou GL06-NL, et des grenades GLI-F4. Ce sont ces armes de guerrequi sont responsables des nombreuses blessures recensées chaque week-end depuis novembre 2018 contre les Gilets jaunes (GJ) et la population qui se trouve dans la rue (pertes des yeux, mains arrachées, mâchoires détruites, membres cassés…...) et qui montrent que la police a l’ordre de tirer surtout vers la haut du corps !Ces armes ont été développées dans la deuxième moitié des années 2000 et expérimentées contre les zadistes de Notre Dame des Landes. L’Inspection générale de la Police nationale (IGPN) décrit les grenadesexplosives GLI-F4en ces termes : « …elles comprennent des dispositifs à effet de souffle produit par une substance explosive ou déflagrante et sont susceptibles de mutiler ou de blesser mortellement un individu ».

      C’est donc l’Etat, par l’intermédiaire de son ministre de la défense et de ses préfets, qui arme la police et qui, en d’autres termes, ordonne de tuer des opposants. Par un effet de projection, il a été écrit que les GJ montaient à Paris pour tuer… C’est un pur mensonge.

      Le Monde diplomatique de janvier 2019 (p 13) rappelle les paroles d‘un haut responsable de la police qui confiait « C’est nous, l’institution, qui fixons le niveau de violence de départ. Plus la nôtre est haute, plus celle des manifestants l’est aussi » Il est assez clair que c’est vous qui ordonnez à l’appareil policier le niveau de violence désirée pour asseoir votre politique générale et vos projets de société. Quitte, si cela ne marche pas, à en appeler, pourquoi pas, à l’armée ?? N’y avez-vous pas pensé comme feu le Général de Gaulle en 1968 ?

      La demande faite aux médias de se taire sur les exactions que vous commandez, et de vous exonérer d’être le premier facteur de violence est une évidence. Les contre-vérités répandues dans certains médias (particulièrement dans BFM-TV) sur la violence primitive des Gilets Jaunes, alors que celle-ci n’est qu’une violence en réponse, en dit long sur le mépris que vous avez vis-à-vis de « vos gueux » pour reprendre l’expression d’un gilet jaune de Bourges.

      A propos des mensonges, il en est un qui m’a fait bondir dans votre lettre. Et j’en finirai là. Vous dites que l’impôt sur le revenu, parfois lourd, réduit les inégalités L’Impôt sur le revenu dans sa forme moderne, voulu par les radicaux pour avoir un effet redistributif, et crée en 1914, a eu comme objectif de faire face à la dette publique, et de trouver de nouvelles recettes pour la guerre. Les services publics sont nés bien après, sous l’effet du danger communiste de l’après deuxième guerre mondiale. Il n’a actuellement pas diminué les inégalités sociales. Cessez de penser que les GJ aient des illusions à ce sujet.

      La répression, que vous voulez sévère, ne fait qu’accentuer la colère, et accroît la certitude que la justice, la liberté humaine, la réflexion intelligente pour le mieux-être pour tous, appartiennent à des espaces à créer contre tous les oligarques anciens et modernes, et contre vous et les vôtres.

      Mes salutations républicaines. AM Chartier

  • Le terrible bilan de deux mois de violences policières
    19 janvier 2019 / Émilie Massemin (Reporterre)
    https://reporterre.net/Le-terrible-bilan-de-deux-mois-de-violences-policieres

    Depuis le début de la mobilisation Gilets jaunes, plusieurs recensements font état d’au moins 97 blessés graves par les armes de la police, dont quatre ont eu la main arrachée et au moins quatorze ont perdu un oeil. La faute aux lanceurs de balle de défense, aux grenades GLI-F4 et à une doctrine de maintien de l’ordre ultraviolente.

    #maintien_de_l'ordre #violencespolicières

  • La persécution des chrétiens progresse le plus en Algérie - Le Desk
    https://ledesk.ma/encontinu/la-persecution-des-chretiens-progresse-le-plus-en-algerie

    Plus de 245 millions de chrétiens, soit un sur neuf dans le monde, subissent violences ou discriminations, selon l’index.

    Le niveau de persécutions augmente ou reste à un niveau très élevé dans la plupart des pays entourant la zone saharienne, Libye, Somalie, Erythrée, Centrafrique, Mauritanie, Soudan, Mali ou Algérie.

    Ce dernier pays est crédité de la plus forte progression de l’index, passant en un an de la 42e place à la 22e et d’un total de 58 points à 70. Si la violence contre les chrétiens y reste contenue, les discriminations dans la sphère ecclésiale, sociale et familiale y sont pointées du doigt.

    « Les autorités ont beaucoup de mal à nous accepter », a déclaré lors de la conférence de presse Youssef Ourahmane, vice-président de l’église protestante d’Algérie, mettant en cause “une pression des islamistes au sein du gouvernement et en dehors” .

    Il est précisé dans le traitement en arabe de cette info (https://www.alquds.co.uk/%d9%82%d8%b3-%d8%ac%d8%b2%d8%a7%d8%a6%d8%b1%d9%8a-%d8%a7%d9%84%d8%b3%d8%b9) que les pressions « du dehors de l’Algérie », viennent d’#Arabie_saoudite

  • Au Niger, la France donne l’asile à des migrants rescapés des geôles libiennes

    Début décembre, une mission de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides s’est délocalisée au #Niger pour examiner la situation d’environ 200 demandeurs d’asile.

    « Vous pouvez sourire ! » Cela fait une heure que Jemal raconte pourquoi il a quitté son pays, l’Erythrée, il y a quatre ans. La mort de sa mère, son père infirme, lui travaillant dans les mines d’or, la « discrimination » subie par la communauté protestante dont il fait partie, la peur d’être enrôlé de force dans l’armée… Et puis sa fuite en Ethiopie. L’attente près de deux ans dans un camp de réfugiés, puis le passage au Soudan. Il détaille comment il a été vendu par un passeur à un autre et son arrivée en Libye. Les mois de détention, la torture, par l’eau, les câbles électriques… « Souriez », répète, encourageant, l’officier de protection français. Il a placé son appareil à bonne hauteur pour tirer le portrait du demandeur d’asile. Il ne lui manque plus que cette photo d’identité pour compléter le dossier. Jemal (tous les prénoms des demandeurs d’asile ont été modifiés) a 21 ans et il voudrait obtenir la protection de la France.
    En ce début du mois de décembre, dans l’exiguïté des petits préfabriqués d’une antenne du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à Niamey, au Niger, ils sont autour de 200, parmi lesquels une très grande majorité d’hommes érythréens, à passer des entretiens avec des agents français. C’est la sixième mission effectuée depuis un an au Niger par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).
    Ce dispositif singulier de délocalisation de l’examen de la demande d’asile au Sahel est le fruit d’un engagement du président de la République. Le 9 octobre 2017, Emmanuel Macron s’était ainsi positionné pour accueillir, d’ici à octobre 2019, 10 000 réfugiés dans le cadre des programmes de réinstallation, dont 3 000 en provenance du Niger et du Tchad. La spécificité du Niger est qu’il reçoit des migrants évacués de Libye, après qu’ils ont été identifiés par le HCR dans des centres de détention, principalement à Tripoli.
    Horreur de la Libye
    « Même si notre mission de protection est limitée, j’y tiens beaucoup car elle permet de prendre en charge des gens très vulnérables », défendait Pascal Brice, directeur de l’Ofpra, jusqu’à fin décembre. Dans un contexte où, depuis un an, le taux de mortalité en Méditerranée centrale a plus que doublé pour les migrants qui tentent de la traverser, elle est aussi un moyen « d’éviter des drames », appuie Sophie Pegliasco, directrice de cabinet de l’Ofpra.
    Rapportés au nombre de personnes qui restent bloquées dans le pays, les quelque 2 700 migrants évacués de Libye depuis un an vers douze pays d’accueil en Occident demeurent une goutte d’eau. Près de 58 000 réfugiés et demandeurs d’asile sont enregistrés par le HCR dans le pays mais l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) des Nations unies estime à près de 700 000 le nombre de migrants présents, dont un nombre indéterminé est détenu dans des prisons sauvages, aux mains de passeurs ou de milices. Une partie de ces migrants ont pour projet de gagner l’Europe. Mais, résultat d’unesérie de mesures adoptées par l’Union européenne depuis fin 2016, l’itinéraire migratoire à travers la Méditerranée centrale s’est refermé et les arrivées en Europe depuis la Libye sont en chute libre, passées de près de 120 000 en 2017 à moins de 25 000 en 2018.
    Au fil des entretiens entre les officiers de protection et les demandeurs d’asile, auquel Le Monde a pu assister, c’est d’ailleurs l’horreur de la Libye qui est reconstituée. Ali a failli ne pas en réchapper. Comme de nombreux jeunes Erythréens, il a fui son pays notamment pour ne pas être soumis au service militaire obligatoire à durée indéterminée. Le jeune homme aurait voulu rester en Ethiopie, dans le camp de réfugiés où il a d’abord atterri. Mais porteur d’un projet de vie qui dépasse sa simple personne, « [ses] frères n’ont pas accepté », avoue-t-il. Sa famille débourse 1 700 dollars pour qu’il gagne le Soudan. Comme d’autres avant lui, Ali tombe aussitôt dans un trafic d’êtres humains. Il dit avoir été kidnappé et revendu à un Soudanais, un certain Aziz, qui détient plusieurs hangars en Libye, où les migrants sont reclus et rackettés.

    Aziz, Kidani, Mohamed… Dans les récits des personnes rescapées de Libye, « il y a des noms qui reviennent, souligne Vincent (qui a requis l’anonymat), chef de la mission Ofpra au Niger. Ce sont des gens qui souvent travaillent pour des Libyens dans des hangars où ils font régner la terreur. Cela donne l’impression d’une structuration du système. Compte tenu de l’argent en jeu, c’est logique ». Le rançonnage y est en effet systématisé. Dans le cas d’Ali, le passeur réclame 6 000 dollars en échange d’une libération et d’une traversée de la Méditerranée. Le jeune Erythréen passe six mois en détention. Il est battu, jusqu’à ce que sa famille lui transfère l’argent.
    Prisons sauvages
    Qu’ils parviennent ou non à réunir les sommes exigées, le sort des détenus demeure très aléatoire. Kidane, un Erythréen de 20 ans, également entendu par l’Ofpra, raconte au Monde les cinq mois qu’il a passés dans l’une des prisons sauvages de Beni Oualid, une commune sur la route vers le littoral libyen. « C’est le foyer des passeurs, dit-il. Ils font ce qu’ils veulent. Ils te frappent à coups de bâtons, ils te déshabillent et te jettent dans l’eau… Certains migrants restent enfermés un ou deux ans. D’autres meurent de faim parce qu’ils n’ont pas d’argent. Et même si tu paies, tu n’as aucune garantie d’être libéré. » La famille de Kidane aurait déboursé 4 000 dollars à deux reprises et en vain. Il a fini par réussir à s’échapper. Beaucoup des migrants entendus par la France au Niger ont tenté la traversée de la Méditerranée. Ali a été intercepté en mer par les garde-côtes libyens. Moussa, un Erythréen de 28 ans, aussi. Il a alors été envoyé dans un centre de détention « officiel » à Tripoli. C’est là qu’il sera repéré par le HCR, au bout de cinq mois. L’agence des Nations unies a conclu un accord avec les autorités libyennes pour pouvoir organiser des évacuations du pays depuis les centres gérés par le gouvernement où sont actuellement détenues environ 5 000 personnes.
    Kidane s’est rendu à l’un d’eux, de son plein gré, justement dans l’espoir d’être identifié par le HCR et de quitter la Libye. Il a attendu des mois, avec un millier d’autres migrants, réunis dans une seule et même pièce. « Même si j’ignorais ce qui allait se passer, au moins on ne me demandait pas d’argent. Je n’en pouvais plus d’être kidnappé par les passeurs et torturé. »
    « Dormir et attendre »
    Après l’exfiltration de la Libye, l’attente est longue encore. Moussa est arrivé au Niger en mai. Dans le centre du HCR où il est logé, « on ne fait que dormir et attendre », résume-t-il. Sur les 1 500 personnes que la France doit réinstaller depuis le pays d’ici à fin 2019, seules 352 sont déjà arrivées sur le territoire. Outre les migrants évacués de Libye, l’Ofpra auditionne aussi à Niamey des demandeurs d’asile identifiés par le HCR au Niger. A l’image de Bintou, une femme malienne arrivée en 2012, fuyant la région de Gao, dans le nord du Mali, où son village a été le théâtre de combats entre les djihadistes du Mujao et les Touareg du MNLA. Son « plus grand souhait » est d’être choisie par la France.
    Le Niger, pays parmi les plus pauvres du globe, accueille près de 60 000 réfugiés maliens qui ont fui comme Bintou le nord du pays en 2012 et près de 120 000 réfugiés nigérians qui ont fui Boko Haram à partir de 2013. Si les missions de réinstallation pilotées par le HCR sont aussi l’occasion de faire partir quelques poignées de ces réfugiés, parmi les plus vulnérables, elles génèrent par ailleurs des effets plus inattendus.
    Il y a un peu plus d’un an, au moment où le programme de réinstallation était lancé, un groupe d’environ 2 000 Soudanais originaires du Darfour est arrivé à Agadez, dans le nord du Niger. La plupart étaient descendus directement de Libye, où ils avaient transité après de longues années dans des camps de réfugiés au Tchad ou au Soudan. Certains observateurs voient dans ce mouvement un effet d’« appel d’air » créé par les missions de réinstallation, ce que dément le HCR sur place. Début décembre, plusieurs dizaines de ces réfugiés soudanais ont pourtant manifesté et organisé pendant plusieurs jours un sit-in devant les bureaux du HCR à Niamey. Ils réclamaient d’être eux aussi réinstallés en Europe ou en Amérique. Un projet qui n’est pas au programme.
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    Programmes de #réinstallation
    Depuis novembre 2017, douze pays occidentaux, parmi ­lesquels la France, la Belgique, le Canada et la Finlande, participent au Niger à un programme de réinstallation de réfugiés évacués par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) des centres de détention du gouvernement libyen. Ces Etats ont promis d’accorder l’asile à près de 5 500 migrants au total. Emmanuel ­Macron s’est engagé à accueillir en France, d’ici à la fin de l’année 2019, 10 000 réfugiés, dans le cadre des programmes de réinstallation depuis des pays du Sahel et du Proche-Orient. Parmi eux, 1 500 seront réinstallés depuis le Niger, dont une partie ayant été évacués de Libye.
    En Libye, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a identifié près de 700 000 migrants. Certains d’entre eux ­seulement souhaitent gagner l’Europe. En 2018, l’OIM a rapatrié plus de 16 000 migrants de Libye vers leurs pays d’origine au moyen d’un programme d’aide au retour volontaire.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/01/05/au-niger-la-france-donne-l-asile-a-des-migrants-rescapes-de-libye_5405385_32
    #OFPRA #asile #migrations #externalisation #procédure_d'asile #réfugiés #France #délocalisation

  • Patrimoines endommagés des régions du nord du Mali – CRAterre
    https://craterre.hypotheses.org/1435

    Le patrimoine culturel malien a connu des dommages sans précédent durant la crise de 2012. Pour l’UNESCO , le Gouvernement du mali et leurs partenaires, il est indispensable de prendre conscience du rôle primordial que joue le patrimoine culturel comme facteur de paix et de cohésion sociale. L’action de réhabilitation du patrimoine culturel du nord du pays ne s’est donc pas limitée à la reconstruction matérielle, mais a aussi traité les questions d’identité, de dignité et d’édification d’une paix durable au Mali. Cette brochure fait état de l’avancement de toutes les composantes du projet intitulé « Patrimoines endommagés des régions du nord du Mali : Sauvegarde, Reconstruction, Réhabilitation, Restauration, Revitalisation ».

    #afrique #mali #patrimoine #djoliba

  • Refoulés par l’Algérie vers le Niger, des réfugiés seraient “en #détresse_absolue”, selon la LADDH

    La ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) a lancé ce lundi « un appel urgent » aux autorités algériennes, l’État du Niger, le HCR et l’OIM (organisation internationale des migrations), pour « intervenir et apporter assistance » à une cinquantaine de personnes, en majorité des syriens, refoulés vers le Niger entre le 25 et le 26 décembre.

    Selon, la LADDH (aile de M. Nourredine Benissad), citant le témoignage d’un syrien, ces personnes se trouveraient « en détresse absolue, quelque part entre l’Algérie et le Niger » et souffriraient de « faim et de froid ». « Ce refoulement vers la frontière aurait été effectué par bus avec l’implication des éléments du Croissant rouge algérien. Le groupe qui contient aussi des Palestiniens et des Yéménites, et dans lequel figurent des femmes et des enfants, notamment une femme enceinte à son neuvième mois, était en rétention dans le centre de Tamanrasset depuis plus de deux mois », relate le communiqué.

    Selon la LADDH, les ressortissants syriens sont rentrés en Algérie en septembre par la frontière du Mali. Ils se sont présentés aux services de sécurité algériens dans le but de trouver protection avant d’être placés dans le centre de rétention suite à leur condamnation par un tribunal à trois mois de prison avec sursis pour « entrée illégale » sur le territoire national.

    Tout en dénonçant ce refoulement qui a visé des demandeurs d’asile, « venus en Algérie pour chercher protection », la LADDH considère que cet acte est une « violation délibérée de la Convention de Genève sur les réfugiés ratifiée par l’Algérie ». « Le refoulement de femmes enceintes et d’enfants dans de telles conditions, constitue une violation multiple des différentes conventions internationales ratifiées par l’Algérie et peut être qualifié de crime au regard du droits international », conclut le texte.

    https://www.tsa-algerie.com/refoules-par-lalgerie-vers-le-niger-des-refugies-seraient-en-detresse-a

    #réfugiés_syriens #réfugiés #expulsions #renvois #désert #Algérie #Niger #asile #migrations

  • Le gouvernement va « reprendre la pêche commerciale » de la baleine
    Le Japon répond à la pétition dénonçant son « inaction climatique »

    Un Guatémaltèque de 8 ans meurt devant la télé
    « Ils sont mieux ici que seuls en détention à la frontière des Etats-Unis », un Noël avec les « gilets jaunes »

    Quels sont les monuments les plus détruits sur les chaînes publiques en France
    Faut-il reconstruire les films les plus rediffusés ?

    Dans son message de Noël, les hommes ne pèsent pas lourd
    Dans la balance du vivant, le pape célèbre « la fraternité entre les personnes aidées différentes »

    En Indonésie, avec les candidats à l’ « aventure »
    Au Mali les survivants du tsunami manquent d’eau, de nourriture et de médicaments

    Le pouvoir serbe de retour en République démocratique du Congo
    Le Virus Ebola fait arrêter le leader de la contestation

    #de_la_dyslexie_créative

  • 18/12/2018 La France donne un coup de pouce financier au Tchad
    https://lemonde-arabe.fr/14/12/2018/france-tchad 1/1

    Très présent dans le dossier G5 Sahel, Emmanuel Macron a donné un coup de pouce financier à N’Djamena.
    Alors que le président français doit se rendre prochainement au Tchad afin de faire le point sur le dossier djihadisme qui sévit toujours autant dans la région, plusieurs médias internationaux ont révélé la teneur des deux conventions signées le 6 novembre dernier par Paris en faveur des autorités locales.
    Selon le site Mondo Afrique, un prêt d’une valeur de 40 millions d’euros solutionnera dans un premier temps le paiement de la solde nette des fonctionnaires civils tchadiens pour le mois de décembre (30 millions d’euros environ), ainsi que le versement des pensions et retraites à hauteur du reliquat. Soit 10 millions d’euros correspondant à plus de trois mois de prise en charge.
    Quand à la seconde, il s’agit d’un don de 10 millions d’euros destiné aux dépenses prioritaires en matière de santé. Il couvrira, notamment, la subvention de fonctionnement des principaux hôpitaux du pays (trois dans la capitale et dix en provinces), du Centre national de Transfusion sanguine et des services relatifs à la
    gratuité de soins, à la lutte contre le Sida et à la vaccination.
    Macron après Parly
    Pour rappel, la ministre française des Armées s’était déjà rendue à
    N’Djaména début octobre pour conforter le processus du G5 Sahel. Florence Parly s’était entretenue à cette occasion avec le chef de l’Etat, Idriss Déby Itno, et son ministre délégué à la Défense, Bichara Issa Djadallah.
    Cette force conjointe (Tchad, Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso) a en effet pour but de lutter efficacement et durablement contre la menace djihadiste au Sahel. Et de prendre le relais, à terme, de la force française, Barkhane, déployée notamment dans le nord du Mali où elle combat les groupes terroristes.

    • Philippe FREOUR
      Aider les pays en difficulté est normal ; mais que peuvent penser nos propres fonctionnaires français civils ou militaires qui mendient le paiement de leurs heures supplémentaires ??? Les gendarmes auxiliaires français (personnels civils effectuant des missions ponctuelles mais récurrentes pour la gendarmerie) ne sont pas payés depuis août dernier !!!!!!!
      D’autre part, nous aimerions savoir quelles contreparties espère Macron en échange de ces aides.....

    • We found that local rural people have become increasingly disgruntled with a predatory and corrupt state. They are also fed up with an economic model imposed by the state and international donors that isn’t taking pastoral priorities into account. Rent-seeking by government officials has been especially intense in relation to conflicts over pastoral land, environmental management and the fight against desertification.

      Conflicts over land use help to explain why small-scale farmers, and in particular livestock-keepers, join armed groups. Many herders support the jihadist takeover because they are similarly anti-state, anti-elite and pro-pastoral.

      Livestock herders throughout the Sahel are disgruntled by development policies and programmes that favour agriculture at the expense of pastures and livestock corridors. Herders and farmers are unhappy about the way a corrupt state exploits rural peasants. Herders also feel that the development model imposed by the state and international donors ignores their needs.

      This model favours agricultural expansion at the cost of pastoralism. The result is that key pastures are lost and that livestock corridors are blocked by new agricultural fields. Herders need to pass with their livestock even if corridors are blocked. This often leads to conflicts.

      #pastoralisme_nomade

  • AFFAIRE JAMAL KASHOGGI. POUR QUI SONNE LE GLAS ? – Salimsellami’s Blog
    https://salimsellami.wordpress.com/2018/11/28/affaire-jamal-kashoggi-pour-qui-sonne-le-glas

    La mort atroce de Jamal Kashoggi ne peut être que condamnée. Cet acte abject indigne de toute conscience humaine a été de surcroît commis dans un lieu censé être un sanctuaire, une représentation diplomatique. Ce journaliste piégé et assassiné par traîtrise mérite en ce sens le statut de martyr. Mais ces circonstances tragiques n’ont semble-t-il pas encore révélé tous leurs secrets et ne peuvent nous empêcher de nous poser de légitimes questions.

    La médiatisation de ce drame par les faiseurs d’opinion occidentaux ne peut absoudre les crimes commis par leurs gouvernements respectifs et ne peuvent en tous les cas les faire oublier. La Palestine usurpée avec un peuple condamné depuis 1948 à l’errance, les crimes tus de l’entité sioniste et les guerres livrées contre des populations innocentes sont des marqueurs indélébiles. D’abord l’Afghanistan puis l’Irak et enfin la Syrie. L’ingérence en Egypte avec à la clé un président légitime jeté en prison et ses militants assassinés broyés sur la place publique où jetés en prison. Le démantèlement de la Libye puis la guerre au Mali. Ces agressions n’ont en tous les cas rarement suscité l’indignation et encore moins la condamnation chez ceux qui les ont inspirés et soutenus et qui aujourd’hui exploitent l’affaire Kashoggi pour d’obscurs desseins que nous devinons déjà.

    Ce journaliste saoudien que l’on dit proche de la famille royale s’est subitement retrouvé piégé dans un endroit où il avait vraisemblablement rendez-vous. Les Etats-Unis et la Turquie qui continuent de livrer à doses homéopathiques les informations qu’ils détiennent à propos de cette scabreuse affaire auraient-ils failli à la mission qui était aussi la leur, celle de veiller sur un homme qui ne l’oublions pas vivait aux Etats-Unis et se rendait régulièrement au Turquie où il disposait d’attaches solides.

    De quels éléments disposons-nous pour condamner et designer les commanditaires de cet acte barbare même si la gouvernance qu’ils incarnent n’est pas indemne de tout reproche ? Bien au contraire.

    Mais un prince qui prétend incarner le renouveau peut-il à moins d’être extrêmement naïf commettre un tel acte au point d’hypothéquer ses propres chances d’accéder au trône ?

    Qui aurait réussi si tel était le cas à vendre ce projet à un prince que l’on dit extrêmement rusé et prudent ? Serait-ce comme le prétendent certains un proche du Président Trump ?

    Disposons-nous de tous les éléments pour légitimement condamner ce Prince alors que l’unanimité des dirigeants occidentaux commence déjà à se fissurer ?

    Beaucoup d’éléments et aussi de services semblent se télescoper dans ce que l’on peut déjà qualifier aujourd’hui d’affaire Kashoggi.

    La façon dont les médias occidentaux se sont vite emparés de ce crime laisse perplexe et ces géniteurs de l’amalgame Islam et terrorisme ne se sont pas fait priés pour cracher encore une fois le feu.

    Car au delà de la famille royale saoudienne et des frasques qu’on veut bien leur attribuer et après avoir cautionné la mise sous séquestre et la confiscation des lieux saints de l’Islam en Palestine, il s’agit de s’attaquer désormais à ce qui constitue le sanctuaire de milliards de musulmans, la Mecque.

    Il serait donc bien naïf et surtout hasardeux d’obéir aux injonctions de ceux qui manipulent les consciences et qui du haut de leur suffisance et des crimes qu’ils ont depuis des siècles commis osent encore dire à l’opinion internationale ce qu’est le bien et ce qu’est le mal.

    L’Algérie n’a pas à rentrer dans cette danse macabre. Notre pays entretient d’excellentes relations avec l’Iran, la Turquie d’Erdogan, le Qatar et le Royaume d’Arabie saoudite ne doit pas faire exception. Nous ne sommes pas naïfs et notre pays n’ignore pas les enjeux de la géopolitique régionale. Le monde arabe auquel de ce point de vue là nous appartenons a souvent brillé par ses paradoxes et il serait fastidieux de les énumérer tous. Les vertus démocratiques n’ont jamais été les siennes et les revirements ainsi que les mauvais coups souvent sanglants ont toujours jalonné son histoire. Ceux qui aujourd’hui ont déjà condamné Mohamed Ben Salmane seront peut-être demain si la conjoncture venait à changer les premiers à le courtiser. La condamnation sans équivoque de l’assassinat de Kashoggi par l’Algérie a et bien qu’elle soit un peu tardive le mérite d’exister et balise en tous les cas le voyage de ce Prince dans notre pays. Mais la realpolitik a aussi ses vertus. Nous avons souvent été nous-mêmes bernés par notre naïveté et cette fougue congénitale à tout appréhender par l’affect et à mettre souvent en veilleuse la raison. Seuls aujourd’hui les intérêts vitaux de l’Algérie comptent. Nous recevons ce prince comme nous en avons reçu déjà beaucoup d’autres. Il s’agit de notre souveraineté. Une diplomatie sage et sereine nous est absolument nécessaire si nous voulons devenir grands. Et il faut toujours privilégier les compromis. Et condamner sans équivoque et avec force les compromissions.                                                                                      
    Salim METREF                                                                   http://lequotidienalgerie.org/2018/11/28/affaire-jamal-kashoggi-pour-qui-sonne-le-glas

  • Dans l’ouest du Mali, l’arrêt du train siffle le départ des jeunes vers l’Europe

    Depuis la fin du transport de voyageurs entre Bamako et Dakar, l’#économie tourne au ralenti dans la région de #Kayes, poussant les habitants à émigrer.
    La gare de Mahina, dans l’ouest du Mali, le 30 octobre. MORGANE LE CAM
    Les trous sont larges et profonds, les voitures zigzaguent, parfois à contresens, pour les éviter et garder leurs quatre pneus. La seule route goudronnée reliant Bamako à Kayes, dans l’ouest du Mali, n’en est plus vraiment une. Des carcasses de cars et de voitures, abandonnées sur le bas-côté, en témoignent. Depuis l’arrêt du train, il y a un an et demi, la route est devenue l’unique moyen d’accès à cette région frontalière du Sénégal.
    Le premier train y est arrivé en 1924, apporté par les colons français. Une large partie de l’économie de cette zone de plus de 2 millions d’habitants tournait autour des rails. Mais à partir de 2005, les trains de voyageurs n’ont plus circulé que par intermittence. Et puis plus rien. En cause : l’absence de rentabilité du transport de voyageurs, à laquelle se sont ajoutés le manque d’investissements et la mauvaise gestion.
    En 2003, l’Etat s’est vu contraint de privatiser la ligne, qu’il a confiée à la société Transrail. Malgré sa promesse de maintenir le volet voyageurs en parallèle du transport de marchandises, le consortium franco-canadien s’en est détourné. Il en sera de même pour Dakar-Bamako Ferroviaire, la structure bi-étatique qui a repris la ligne en 2015. Conséquence : les populations locales s’appauvrissent et ne croient plus aux promesses de l’Etat.
    « Je ferai tout pour quitter cette ville »
    A #Mahina, commune de 23 000 habitants située à deux heures de route de Kayes, la population est à bout de nerfs. La gare y était le principal lieu de vie et de commerce. Aujourd’hui, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Sur les rails menant côté ouest à Dakar, côté est à Bamako, l’herbe a poussé et les bâtiments se sont transformés en cimetière de charrettes. Ce mardi 30 octobre, quelques cheminots errent, attendant désespérément que le train revienne.
    Mahina et sa gare incarnent ce sentiment d’abandon partagé par de nombreux Maliens pour qui l’Etat a le regard tourné vers le nord du pays, en guerre, au détriment des habitants du sud. « On passe notre journée à regarder les rails, ce n’est plus possible », regrette Boubacar Sissoko, la trentaine, assis dans une des boutiques de la gare. Il n’a pas travaillé depuis dix jours. « Lorsque le train était là, tout allait à merveille, je me débrouillais pour gagner ma vie », se remémore-t-il. Torches, biscuits, jouets… Le long des 1 287 km de la ligne Bamako-Dakar, le jeune Malien vendait tout ce qu’il pouvait et cela marchait. « En un trajet, je pouvais faire jusqu’à 50 000 francs CFA [76 euros] », assure-t-il.

    Aujourd’hui, il prépare sa traversée de la Méditerranée. Il l’a déjà tentée l’an dernier. Mais une fois arrivé en Algérie après avoir franchi la frontière les yeux bandés dans un 4x4 pour la somme de 125 000 francs CFA, il a été mis en prison pendant cinq jours. Ce voyage périlleux ne l’a pas découragé pour autant : « Tant que le train ne circulera pas, je ferai tout pour quitter cette ville. Ici, nous survivons. Il faut que l’Etat sache que les populations du bord des rails vivent un enfer. »
    « Le président nous a menti »
    Le gouvernement est pourtant conscient de l’importance du train pour le développement économique de la région. Le 15 juillet, en pleine campagne électorale, le président Ibrahim Boubacar Keïta s’était rendu à Kayes pour annoncer la redynamisation du transport de voyageurs.
    Douze jours plus tard, le ministère des transports annonçait l’acquisition de trois locomotives en Afrique du Sud, pour un montant de 2 milliards de francs CFA (3 millions d’euros). « Attendues au Mali dans les meilleurs délais, ces trois locomotives vont certainement relancer l’activité du train voyageurs Bamako-Kayes et aussi le train marchandises, au grand soulagement des milliers de Kayésiens », précisait le communiqué. Depuis, silence radio. Contacté à plusieurs reprises, le ministère n’a pas donné suite à nos sollicitations.
    « Rien n’est vrai, le président nous a menti, l’Etat nous a bernés et ce n’est pas la première fois ! », tempête Makoro Coulibaly en rangeant son stand sur le marché. Cette commerçante de 40 ans a participé à la révolte qui a secoué Mahina en mars 2017. A l’époque, afin d’obtenir le rétablissement du train de voyageurs, un collectif, Sauvons les rails, avait décidé d’empêcher le train de marchandises de circuler pour faire pression sur les autorités.

    Deux mois plus tard, face aux pertes économiques engendrées par ce blocage, l’Etat s’était engagé à donner aux habitants ce qu’ils réclamaient : le retour du train de voyageurs. Le gouvernement promet alors un investissement de 4,6 milliards de francs CFA pour l’achat de trois locomotives. « La population a retrouvé espoir. Une locomotive est arrivée et a commencé à circuler. Mais au bout d’un mois à peine, le train est tombé en panne. Ils n’avaient fait que réparer de vieilles locomotives et les repeindre », dénonce Adama Bandiougou Sissoko, le maire de Mahina.
    L’élu est en colère : « La situation est catastrophique. Les rails, c’est toute notre vie. Depuis l’arrêt du train, les prix des denrées alimentaires ont augmenté d’une manière extraordinaire, car le transport routier est beaucoup plus cher », souligne-t-il. La route, 20 % plus coûteuse que le rail, a selon lui plongé des milliers de commerçants dans la pauvreté. « Aujourd’hui, nous n’attendons plus rien de l’Etat. Il nous a montré son vrai visage, il nous a abandonnés. L’arrêt du train a suscité beaucoup de départs vers l’Europe », déplore Adama Bandiougou Sissoko.

    Un migrant par famille
    Comme Boubacar, les trois enfants de Makoro Coulibaly préparent leur « aventure », une expression utilisée par les habitants de la région pour qualifier l’émigration vers l’Europe. La zone est réputée compter un migrant par famille. La migration y est une tradition, mais les habitants l’assurent : l’arrêt du train n’a fait qu’augmenter le nombre de départs.
    Makoro Coulibaly, dont les revenus ont été divisés par deux, a vu ses trois enfants partir travailler dans une mine d’or de la région, une façon de gagner beaucoup d’argent, rapidement, et ainsi financer la traversée de la Méditerranée. « Ce n’était pas mon souhait. J’ai peur qu’ils meurent, confie-t-elle, émue mais résignée. C’est comme ça. Les jeunes préfèrent mourir là-bas plutôt que de vivre dans la misère ici. »

    « J’ai vu les images en décembre 2017. Des enfants morts en mer ou alors bastonnés et vendus en Libye », se souvient Goundo Dembélé. Elle aussi est commerçante. Dans sa petite boutique, les trois frigos sont débranchés. Lorsque le train sifflait, ils fonctionnaient et étaient remplis de jus de gingembre, qu’elle vendait à la gare avec ses deux fils. Mais il y a quatre ans, ils sont partis. « Leur père venait de mourir et je n’avais plus de salaire depuis l’arrêt du train. Il n’y avait plus de travail pour eux non plus », raconte-t-elle.
    Coincés depuis en Libye, ils appellent leur mère chaque semaine. « Ils me supplient de trouver une solution pour les faire rentrer. Mais je n’en ai pas. Je n’ai pas d’argent pour les faire revenir et ils n’en ont pas assez pour traverser la mer, soupire Goundo Dembélé, les larmes aux yeux. S’il y avait encore le train, mes enfants ne seraient pas partis. Maintenant, je ne peux plus rien faire pour eux, à part prier. »

    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/11/13/dans-l-ouest-du-mali-l-arret-du-train-siffle-le-depart-des-jeunes-pour-l-eur

    #Mali #facteurs_push #facteurs-push #push-factors #train #transport

  • Adoma — Wikipédia
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Adoma

    Annotations :

    La « #grève_des_loyers » débute en janvier 1975 avec les résidents du foyer Romain Rolland de Saint-Denis, en majorité originaires d’Algérie avec une forte minorité issue du Mali et du Sénégal. À la suite de l’annonce de l’augmentation générale des loyers de 30 %, la plateforme de revendications du comité des résidents est reprise en septembre par un Comité de coordination des foyers en #lutte qui ne sera jamais reconnu par la #Sonacotra et le gouvernement. En l’absence de négociation le conflit se durcit (expulsions de résidents des foyers et même du territoire en avril 1976) et se politise. Initiés par des résidents ayant acquis une expérience syndicale dans le cadre (...)

    #immigration #logement #-France #-1970~

  • Burkina Faso: June – October 2018 Chronology of Violent Incidents Related to Al-Qaeda and Islamic State in the Greater Sahara (ISGS)
    Sahel Memo
    http://www.sahelmemo.com/2018/11/01/burkina-faso-june-october-2018-chronology-of-violent-incidents-related-to

    Burkina Faso: June – October 2018 Takeaways and Trends
    – Militants activity in Burkina Faso have been on the rise for the past two years. Since June 2018 Sahel MeMo observed similar trend with an expansion from Northern parts bordering Mali and Niger, to the Est Region on the borders with Benin, Niger, and Togo. Militant groups have been trying to establish a base there since early 2016, explaining groups’ ability to carry complex deadly attacks, including the use of improvised explosive devices (IEDs).
    – Violence in the eastern part of Burkina Faso by militant groups most likely to continue. In addition to targeting security forces and intimidation acts against civil servants, militants will look to continue to disrupt gold mining in the area. In fact, security forces in charge of protecting gold mines or escorting staff have been subject to attacks by militants at least in August 2018. If this to continue, livelihoods of local communities benefiting from gold mining could be at risk if security situation continues to deteriorate in the region.
    – These attacks are mostly attributed rather than claimed by militant groups known to operate in Burkina Faso. These militant groups include Ansaroul Islam, Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimeen (JNIM), and Islamic State in the Greater Sahara (ISGS). Out of the three only JNIM have been consistent releasing official claims of attacks. Thus analysts, observers, journalists, and Burkinabe authorities are contributing most of violent incidents based on the area where occurred and means used. Important to note that between June and October 2018 no incidents officially claimed by JNIM. This could be explained by difficulty of movement during rainy season (June – October) in the region.
    – October 3rd witnessed the first reported French airstrikes against militants after request of support from Burkinabe authorities. This was following a deadly attack against Inata gold mine gendarmerie post.


    #Burkina #Terrorisme

  • Pays basque, la nouvelle route de l’exil

    De plus en plus de migrants entrent en Europe par l’Espagne et franchissent la frontière dans le Sud-Ouest. Reportage.

    Le car est à peine garé le long du trottoir que, déjà, ils se pressent à ses portes. Ils regardent avec anxiété la batterie de leur téléphone, elle est presque à plat, il faut qu’elle tienne quelques minutes encore, le temps de présenter le billet. Quatre jeunes filles s’inquiètent, leur ticket affiche un prénom masculin, le chauffeur les laissera-t-il passer ? Ou vont-elles perdre les 100, 200 ou 300 euros qu’elles ont déboursés à des « frères » peu scrupuleux - la valeur officielle est de 35 euros - pour acquérir ce précieux sésame vers Paris ? Chaque soir depuis quelques semaines, le même scénario se répète au terminus des « bus Macron » sur la place des Basques, à #Bayonne. Une centaine de jeunes, pour la plupart originaires d’Afrique francophone, plus rarement du Maghreb, monte par petits groupes dans les cars en partance pour Bordeaux ou Paris, dernière étape d’un périple entamé depuis des mois. Ils ont débarqué la veille d’Irun, en Espagne, à 40 kilomètres plus au sud, après un bref passage par la ville frontalière d’Hendaye.

    De #Gibraltar, ils remontent vers le nord de l’Espagne

    Les arrivées ont commencé au compte-gouttes au printemps, elles se sont accélérées au cours de l’été. Depuis que l’Italie se montre intraitable, l’Espagne est devenue le principal point d’entrée en Europe, avec 48 000 nouveaux exilés depuis le début de l’année. Croisés à Irun ou à Hendaye, qu’ils viennent de Guinée-Conakry, de Côte d’Ivoire ou du Mali, ils racontent la même histoire. Thierno est guinéen, il a 18 ans. Il a tenté la traversée par la Libye, sans succès, il a poursuivi par l’Algérie et le Maroc, puis fini par franchir le détroit de Gibraltar en bateau après deux échecs. Tous évoquent la difficulté à travailler et à se faire payer au Maroc, les violences, parfois, aussi. Puis ils parlent de l’Espagne, d’Algesiras, Cadix ou Malaga, en experts de la géographie andalouse. Parfois, la Croix-Rouge espagnole, débordée au Sud, les a envoyés en bus vers ses centres de Madrid ou Bilbao, leur assurant une partie de leur voyage. Aboubacar, 26 ans, est, lui, remonté en voiture, avec des « frères ».

    Personne n’en parle, les réseaux sont pourtant bien là, à prospérer sur ces flux si lucratifs. On estime à 1500 euros le prix de la traversée à Gibraltar, 100 ou 200 euros le passage de la frontière française depuis #Irun. Tous n’ont qu’un objectif, rejoindre la #France, comme cette femme, sénégalaise, qui demande qu’on l’emmène en voiture et suggère, si on se fait contrôler, de dire qu’elle est notre bonne. La quasi-totalité veut quitter l’Espagne. Parce qu’ils n’en parlent pas la langue et qu’ils ont souvent en France sinon de la famille, au moins des connaissances. Parce qu’il est plus difficile de travailler dans la péninsule ibérique, où le taux de chômage reste de 15 %. Parce qu’enfin ceux qui envisagent de demander l’asile ont intérêt à effectuer les démarches en France, où 40 575 protections ont été accordées en 2017, plutôt qu’en Espagne (4 700 statuts délivrés).

    Alors, ils essaient, une fois, deux fois, trois fois, dans un absurde jeu du chat et de la souris avec les policiers français. Les 150 agents de la #police_aux_frontières (#PAF) en poste à #Hendaye tentent, avec l’aide d’une compagnie de #CRS, de contrôler tant bien que mal les cinq points de passage. Depuis le début de 2018, 5600 réadmissions ont été effectuées vers l’Espagne, contre 3520 en 2017, mais, de l’aveu même d’un officiel, « ça passe et ça passe bien, même ». Si l’autoroute est gardée quasiment toute la journée, il reste un créneau de deux heures durant lequel elle ne l’est pas faute d’un effectif suffisant. Chaque nuit, des taxis espagnols en profitent et déposent des gens sur la place des Basques à Bayonne. La surveillance des deux ponts qui enjambent la #Bidassoa et séparent Irun d’Hendaye est aléatoire. A certaines heures, le passage à pied se fait sans difficulté. Il ne reste plus ensuite aux migrants qu’à se cacher jusqu’au prochain passage du bus 816, qui les conduira à Bayonne en un peu plus d’une heure.

    Les agents de la Paf ne cachent pas leur lassitude. Même si la loi antiterroriste de 2017 autorise des contrôles renforcés dans la zone frontière, même si des accords avec l’Espagne datant de 2002 leur permettent de renvoyer sans grande formalité les personnes contrôlées sans papiers dans un délai de quatre heures, ils ont le sentiment d’être inutiles. Parce qu’ils ne peuvent pas tout surveiller. Parce que l’Espagne ne reprend que contrainte et forcée les « réadmis », les laissant libres de franchir la frontière dès qu’ils le souhaiteront. Certains policiers ne prennent même plus la peine de raccompagner les migrants à la frontière. Gare d’Hendaye, un après-midi, le TGV pour Paris est en partance. Des policiers fouillent le train, ils trouvent trois jeunes avec billets mais sans papiers, ils les font descendre, puis les laissent dans la gare. « De toute façon, ça ne sert à rien d’aller jusqu’à la frontière, dans deux heures, ils sont de nouveau là. Ça ne sert qu’à grossir les chiffres pour que nos chefs puissent faire de jolis camemberts », lâche, avec aigreur, l’un des agents.

    La compassion l’emporte sur le rejet

    L’amertume n’a pas encore gagné le reste de la population basque. Au contraire. Dans cette zone où l’on joue volontiers à saute-frontière pour aller acheter des cigarettes à moins de cinq euros ou du gasoil à 1,1 euro, où il est fréquent, le samedi soir, d’aller boire un verre sur le littoral espagnol à San Sebastian ou à Fontarrabie, où près de 5000 Espagnols habitent côté français, où beaucoup sont fils ou petits-fils de réfugiés, la compassion l’emporte sur le rejet. Même le Rassemblement national, qui a diffusé un communiqué mi-août pour dénoncer « une frontière passoire », doit reconnaître que son message peine à mobiliser : « Les gens commencent à se plaindre, mais je n’ai pas entendu parler de débordements, ni rien d’avéré », admet François Verrière, le délégué départemental du parti. Kotte Ecenarro, le maire socialiste d’Hendaye, n’a pas eu d’écho de ses administrés : « Pour l’instant, les habitants ne disent rien, peut-être parce qu’ils ne les voient pas. » Lui, grand joggeur, les aperçoit lorsqu’il va courir tôt le matin et qu’ils attendent le premier bus pour Bayonne, mais aucun ne s’attarde dans la zone frontière, trop risquée.

    Chaque soir, place des Basques à Bayonne, des migrants embarquent dans les bus pour Paris.

    Le car est à peine garé le long du trottoir que, déjà, ils se pressent à ses portes. Ils regardent avec anxiété la batterie de leur téléphone, elle est presque à plat, il faut qu’elle tienne quelques minutes encore, le temps de présenter le billet. Quatre jeunes filles s’inquiètent, leur ticket affiche un prénom masculin, le chauffeur les laissera-t-il passer ? Ou vont-elles perdre les 100, 200 ou 300 euros qu’elles ont déboursés à des « frères » peu scrupuleux - la valeur officielle est de 35 euros - pour acquérir ce précieux sésame vers Paris ? Chaque soir depuis quelques semaines, le même scénario se répète au terminus des « bus Macron » sur la place des Basques, à Bayonne. Une centaine de jeunes, pour la plupart originaires d’Afrique francophone, plus rarement du Maghreb, monte par petits groupes dans les cars en partance pour Bordeaux ou Paris, dernière étape d’un périple entamé depuis des mois. Ils ont débarqué la veille d’Irun, en Espagne, à 40 kilomètres plus au sud, après un bref passage par la ville frontalière d’Hendaye.
    Des dizaines de bénévoles se succèdent pour apporter et servir des repas aux migrants, place des Basques, à Bayonne.

    Des dizaines de bénévoles se succèdent pour apporter et servir des repas aux migrants, place des Basques, à Bayonne.

    Les arrivées ont commencé au compte-gouttes au printemps, elles se sont accélérées au cours de l’été. Depuis que l’Italie se montre intraitable, l’Espagne est devenue le principal point d’entrée en Europe, avec 48 000 nouveaux exilés depuis le début de l’année. Croisés à Irun ou à Hendaye, qu’ils viennent de Guinée-Conakry, de Côte d’Ivoire ou du Mali, ils racontent la même histoire. Thierno est guinéen, il a 18 ans. Il a tenté la traversée par la Libye, sans succès, il a poursuivi par l’Algérie et le Maroc, puis fini par franchir le détroit de Gibraltar en bateau après deux échecs. Tous évoquent la difficulté à travailler et à se faire payer au Maroc, les violences, parfois, aussi. Puis ils parlent de l’Espagne, d’Algesiras, Cadix ou Malaga, en experts de la géographie andalouse. Parfois, la Croix-Rouge espagnole, débordée au Sud, les a envoyés en bus vers ses centres de Madrid ou Bilbao, leur assurant une partie de leur voyage. Aboubacar, 26 ans, est, lui, remonté en voiture, avec des « frères ».

    Personne n’en parle, les réseaux sont pourtant bien là, à prospérer sur ces flux si lucratifs. On estime à 1500 euros le prix de la traversée à Gibraltar, 100 ou 200 euros le passage de la frontière française depuis Irun. Tous n’ont qu’un objectif, rejoindre la France, comme cette femme, sénégalaise, qui demande qu’on l’emmène en voiture et suggère, si on se fait contrôler, de dire qu’elle est notre bonne. La quasi-totalité veut quitter l’Espagne. Parce qu’ils n’en parlent pas la langue et qu’ils ont souvent en France sinon de la famille, au moins des connaissances. Parce qu’il est plus difficile de travailler dans la péninsule ibérique, où le taux de chômage reste de 15 %. Parce qu’enfin ceux qui envisagent de demander l’asile ont intérêt à effectuer les démarches en France, où 40 575 protections ont été accordées en 2017, plutôt qu’en Espagne (4 700 statuts délivrés).

    Un migrant traverse le pont de St Jacques à Irun en direction de la France.

    Alors, ils essaient, une fois, deux fois, trois fois, dans un absurde jeu du chat et de la souris avec les policiers français. Les 150 agents de la police aux frontières (PAF) en poste à Hendaye tentent, avec l’aide d’une compagnie de CRS, de contrôler tant bien que mal les cinq points de passage. Depuis le début de 2018, 5600 réadmissions ont été effectuées vers l’Espagne, contre 3520 en 2017, mais, de l’aveu même d’un officiel, « ça passe et ça passe bien, même ». Si l’autoroute est gardée quasiment toute la journée, il reste un créneau de deux heures durant lequel elle ne l’est pas faute d’un effectif suffisant. Chaque nuit, des taxis espagnols en profitent et déposent des gens sur la place des Basques à Bayonne. La surveillance des deux ponts qui enjambent la Bidassoa et séparent Irun d’Hendaye est aléatoire. A certaines heures, le passage à pied se fait sans difficulté. Il ne reste plus ensuite aux migrants qu’à se cacher jusqu’au prochain passage du bus 816, qui les conduira à Bayonne en un peu plus d’une heure.
    Un groupe des migrants se fait arrêter à Behobie, côté français, après avoir traversé la frontière depuis Irun en Espagne.

    Un groupe des migrants se fait arrêter à #Behobie, côté français, après avoir traversé la frontière depuis Irun en Espagne.

    La compassion l’emporte sur le rejet

    L’amertume n’a pas encore gagné le reste de la population basque. Au contraire. Dans cette zone où l’on joue volontiers à saute-frontière pour aller acheter des cigarettes à moins de cinq euros ou du gasoil à 1,1 euro, où il est fréquent, le samedi soir, d’aller boire un verre sur le littoral espagnol à #San_Sebastian ou à #Fontarrabie, où près de 5000 Espagnols habitent côté français, où beaucoup sont fils ou petits-fils de réfugiés, la compassion l’emporte sur le rejet. Même le Rassemblement national, qui a diffusé un communiqué mi-août pour dénoncer « une frontière passoire », doit reconnaître que son message peine à mobiliser : « Les gens commencent à se plaindre, mais je n’ai pas entendu parler de débordements, ni rien d’avéré », admet François Verrière, le délégué départemental du parti. Kotte Ecenarro, le maire socialiste d’Hendaye, n’a pas eu d’écho de ses administrés : « Pour l’instant, les habitants ne disent rien, peut-être parce qu’ils ne les voient pas. » Lui, grand joggeur, les aperçoit lorsqu’il va courir tôt le matin et qu’ils attendent le premier bus pour Bayonne, mais aucun ne s’attarde dans la zone frontière, trop risquée.

    Des migrants sont accueillis en face de la mairie d’Irun par des associations de bénévoles.

    Le flux ne se tarissant pas, la solidarité s’est organisée des deux côtés de la #Bidassoa. A Irun, un collectif de 200 citoyens a répondu aux premiers besoins durant l’été, les autorités jugeant alors qu’organiser de l’aide était inutile puisque les migrants ne rêvaient que d’aller en France. Elles ont, depuis, changé d’avis. Mi-octobre, un centre de la Croix-Rouge proposait 70 places et un hôpital, 25. « Ils peuvent rester cinq jours dans chaque. Dix jours, en général, ça suffit pour passer », note Ion, un des piliers du collectif. Dans la journée, ils chargent leurs téléphones dans un coin de la gare ou patientent, en doudounes et bonnets, dans un campement installé face à la mairie. Dès qu’ils le peuvent, ils tentent le passage vers la France.

    A Bayonne aussi, l’improvisation a prévalu. Le réseau d’hébergeurs solidaires mis en place depuis 2016 n’était pas adapté à cette situation d’urgence, à ces gens qui n’ont besoin que d’une ou deux nuits à l’abri avant de filer vers Paris. Chaque soir, il a fallu organiser des maraudes avec distribution de repas et de vêtements, il a fallu trouver des bénévoles pour loger les plus vulnérables - des femmes avec de jeunes enfants sont récemment apparues. Sous la pression de plusieurs collectifs, la mairie vient de mandater une association locale, Atherbea, pour organiser l’aide. A proximité du terminal des bus, vont être installés toilettes, douches, lits, repas et prises de téléphone - un équipement indispensable à ces exilés, pour qui le portable est l’ultime lien avec leurs proches. La municipalité a promis des financements, mais jusqu’à quand ?

    Longtemps discret sur la situation, le gouvernement affiche désormais son volontarisme. Depuis quelques semaines, des unités en civil ont été déployées afin d’identifier les filières de passeurs. Dans son premier entretien comme ministre de l’Intérieur au JDD, Christophe Castaner a dit s’inquiéter de la pression exercée dans la zone et promis un « coordonnateur sécurité ». Les policiers espèrent, eux, surtout des renforts. « Il faudrait 30 à 40 agents de la police aux frontières de plus », juge Patrice Peyruqueou, délégué syndical Unité SGP Police. Ils comptent sur la nomination de Laurent Nuñez comme secrétaire d’Etat au ministère de l’Intérieur pour se faire entendre. L’homme n’a-t-il pas été sous-préfet de Bayonne ? N’a-t-il pas consacré son premier déplacement officiel au Pays Basque, le vendredi 19 octobre ? Mais déjà les voies de passage sont en train de bouger. De nouvelles routes se dessinent, à l’intérieur des Pyrénées, via Roncevaux, le tunnel du Somport ou la quatre-voies qui relie Saragosse, Pau et Toulouse, des accès moins surveillés qu’Irun et Hendaye. Le jeu du chat et de la souris ne fait que commencer.

    https://www.lexpress.fr/actualite/societe/pays-basque-la-nouvelle-route-de-l-exil_2044337.html

    #pays_basque #asile #migrations #réfugiés #routes_migratoires #parcours_migratoires #Espagne #frontières #solidarité #contrôles_frontaliers

    via @isskein

    • Entre l’Espagne et la France, la nouvelle route migratoire prend de l’ampleur

      L’Espagne est devenue la principale porte d’entrée en Europe pour des personnes originaires d’Afrique de l’Ouest qui tentent de gagner la France.

      L’Espagne est devenue la principale porte d’entrée en Europe en 2018. La majorité des personnes qui arrivent sont originaires d’Afrique de l’Ouest et tentent de gagner la France.

      Emmitouflé dans un manteau, la tête abritée sous un bonnet, Boris disparaît dans la nuit, sous la pluie. Ce Camerounais de 33 ans, qui parle un français parfait, « traîne » à Irun de puis un mois. Dans cette petite commune du pays basque espagnol, il attend de pouvoir traverser la frontière et rejoindre la France, à quelques mètres de là. L’aventure a trop peu de chances de réussir s’il la tente à pied, et il n’a pas l’argent pour se payer un passage en voiture. Il aimerait rejoindre Paris. Mais il doute : « On me dit que c’est saturé. C’est vrai ? Est-ce qu’il y a des ONG ? Vous connaissez Reims ? »

      Parti depuis un an de son pays, Boris a traversé le Nigeria, le Niger, l’Algérie et le Maroc avant de gagner l’Europe par la mer. Comme de plus en plus de personnes, il a emprunté la route dite de la Méditerranée occidentale, qui passe par le détroit de Gibraltar. Le passage par la Libye, privilégié ces dernières années, est devenu « trop dangereux » et incertain, dit-il.

      En 2018, l’Espagne est devenue la principale porte d’entrée en Europe. Quelque 50 000 personnes migrantes sont arrivées sur les côtes andalouses depuis le début de l’année, en provenance du Maroc, ce qui représente près de la moitié des entrées sur le continent.

      Sous l’effet de la baisse des départs depuis la Libye et des arrivées en Italie, les routes migratoires se redessinent. Et bien que les flux soient sans commune mesure avec le pic de 2015, lorsque 1,8 million d’arrivées en Europe ont été enregistrées, ils prennent de court les autorités et en particulier en France, qui apparaît comme la destination privilégiée par ces nouveaux arrivants originaires majoritairement d’Afrique de l’Ouest et du Maghreb.

      80 à 100 arrivées quotidiennes

      A Irun, Txema Pérez observe le passage en nombre de ces migrants et il le compare à l’exil des réfugiés espagnols lors de la guerre civile en 1939 : « On n’a pas vu ça depuis la Retirada », lâche le président de la Croix-Rouge locale.

      Face à cet afflux, l’organisation humanitaire a ouvert cet été plusieurs centres d’accueil temporaire sur l’itinéraire des migrants, dans plusieurs communes du Pays-Basque mais aussi à Barcelone à l’autre extrémité des Pyrénées, où ils font étape quelques jours avant de tenter de gagner la France.

      Cette semaine, une trentaine de personnes ont dormi dans l’auberge de la Croix-Rouge d’Irun. « Ils reprennent des forces et disparaissent, constate Txema Perez. Ils finissent tous par passer la frontière. 90 % d’entre eux parlent français. Et ils voient Paris comme un paradis. »

      Sur le chemin qui mène ces personnes jusqu’à une destination parfois très incertaine, Bayonne et en particulier la place des Basques dans le centre-ville, s’est transformée dans le courant de l’été en point de convergence. C’est là qu’arrivaient les bus en provenance d’Espagne et en partance pour le nord de la France. Si, au début, une dizaine de personnes seulement transitaient par la ville chaque jour, aujourd’hui la mairie parle de 80 à 100 arrivées quotidiennes. Et autant de départs. « C’est la première fois qu’on constate un tel afflux », reconnaît David Tollis, directeur général adjoint des services à la mairie.

      « Ils sont en majorité originaires de Guinée et il y a notamment beaucoup de gamins qui se disent mineurs. On a l’impression que le pays se vide », confie Alain Larrea, avocat en droit des étrangers à Bayonne. « Les jeunes hommes évoquent la pauvreté qui a explosé mais aussi les risques d’arrestations et d’enfermements arbitraires, ajoute Julie Aufaure, de la Cimade. Les femmes fuient aussi les risques d’excision. »

      « Je ne sais pas encore ce que je vais faire »

      Face à l’augmentation des arrivées et à la dégradation des conditions météorologiques, la municipalité a commencé à s’organiser il y a une dizaine de jours. « Je ne me pose pas la question du régime juridique dont ces personnes relèvent. Simplement, elles sont dans une situation de fragilité et il faut leur venir en aide, justifie Jean-René Etchegaray, le maire UDI de Bayonne. Nous avons dans l’urgence tenté de les mettre à l’abri ». Après avoir mis à disposition un parking puis, le week-end dernier, une école, la municipalité a ouvert, lundi 29 octobre, les locaux désaffectés d’un ancien centre communal d’action sociale. Des douches y ont été installées, des couvertures et des repas y sont fournis. Dans le même temps, la mairie a déplacé les arrêts des bus aux abords de ce lieu, sur les quais qui longent l’Adour.

      Mercredi 31 octobre, plusieurs dizaines de personnes faisaient la queue à l’heure de la distribution du déjeuner. Parmi elles, Lamine, un Guinéen de 19 ans, raconte son voyage vers l’Europe entamé il y a trois ans : « Je suis resté trois mois au Mali, le temps de réunir l’argent pour pouvoir ensuite aller en Algérie. » En Algérie, il travaille encore deux ans sur des chantiers. « On avait entendu qu’il fallait environ 2 000 euros pour passer du Maroc à l’Espagne », poursuit-il.

      A la frontière entre l’Algérie et le Maroc, il dit s’être fait confisquer 1 000 euros par des Touaregs. Arrivé à Rabat, il travaille à nouveau sur un chantier de construction, payé 100 dirhams (environ neuf euros) par jour, pour réunir les 1 000 euros manquants au financement de sa traversée de la Méditerranée. Il y reste presque un an. En octobre, il part pour Nador, une ville côtière au nord-est du pays. « On est resté caché une semaine dans la forêt avant de prendre le bateau, témoigne-t-il. On était 57 à bord. Des Maliens, des Guinées, des Ivoiriens. Un bateau de la Croix Rouge nous a porté secours au bout de quatre heures de navigation ».

      Comme la plupart de ceux qui arrivent sur les côtes espagnoles, Lamine s’est vu remettre un document par les autorités du pays, lui laissant un mois pour régulariser sa situation. Le jeune homme a ensuite rejoint en car, Madrid puis Bilbao et Irun. Il tente une première fois le passage de la frontière en bus mais se fait renvoyer par la police française. La deuxième fois, en échange de 50 euros, il trouve une place dans une voiture et parvient à gagner la France. « Je ne sais pas encore ce que je vais faire, reconnait-il. Je n’ai pas de famille qui finance mon voyage et je ne connais personne ici ».

      10 500 refus d’entrée prononcés en 2018

      Face à l’augmentation des traversées, les autorités françaises ont renforcé les contrôles aux frontières. Depuis le début de l’année 2018, 10 500 refus d’entrée ont été prononcés à la frontière franco-espagnole, soit une augmentation de 20 % par rapport à 2017. « La pression la plus forte est observée dans le département des Pyrénées-Atlantiques, où les non-admissions sont en hausse de 62 % », explique-t-on au ministère de l’intérieur. Dans les Pyrénées-Orientales, l’autre voie d’entrée majeure en France depuis l’Espagne, le nombre de non-admissions est reparti à la hausse depuis l’été, mais dans une moindre mesure.

      « Beaucoup de monde arrive par ici, assure Jacques Ollion, un bénévole de la Cimade basé à Perpignan. Les gares et les trains sont contrôlés parfois jusqu’à Narbonne. Et les cars internationaux aussi, au péage du Boulou (à une dizaine de kilomètres de la frontière). Ça, c’est la pêche miraculeuse. »

      Le nombre de non-admissions reste toutefois très inférieur à celui remonté de la frontière franco-italienne. En Catalogne comme au Pays basque, tout le monde s’accorde à dire que la frontière reste largement poreuse. Mais certains s’inquiètent d’une évolution possible à moyen terme. « Dès qu’il y a une fermeture, cela démultiplie les réseaux de passeurs et les lieux de passage, met en garde Corinne Torre, cheffe de mission France à Médecins sans frontières (MSF). Dans les Pyrénées, il y a énormément de chemins de randonnée ». Des cas d’arrivée par les cols de montagne commencent à être rapportés.

      Dans le même temps, les réseaux de passeurs prospèrent face aux renforcements des contrôles. « Comme les migrants ne peuvent pas traverser à pied, ils se retournent vers les passeurs qui les font traverser en voiture pour 150 à 350 euros », témoigne Mixel Bernadet, un militant de l’association basque Solidarité migrants - Etorkinekin.

      Une fois qu’ils sont parvenus à rejoindre le territoire, à Bayonne, Paris ou ailleurs, ces migrants n’en sont pas moins en situation irrégulière et confrontés à une difficulté de taille : enregistrés en Espagne au moment de leur arrivée en Europe, ils ne peuvent pas demander l’asile ailleurs que dans l’Etat par lequel ils sont entrés, en tout cas pas avant une période allant de six à dix-huit mois. Ils sont donc voués à être renvoyés en Espagne ou, plus vraisemblablement, à errer des mois durant, en France.

      Julia Pascual (Bayonne et Irun – Espagne –, envoyée spéciale)

      Poursuivi pour avoir aidé une migrante sur le point d’accoucher, le parquet retient « l’immunité humanitaire ». Le parquet de Gap a annoncé vendredi 2 novembre avoir abandonné les poursuites engagées contre un homme qui avait porté secours à une réfugiée enceinte, durant l’hiver à la frontière franco-italienne. Le 10 mars, Benoît Ducos, un des bénévoles aidant les migrants arrivant dans la région de Briançon, était tombé sur une famille nigériane, un couple et ses deux jeunes enfants, et deux autres personnes ayant porté la femme, enceinte de huit mois et demi, durant leur marche dans le froid et la neige. Avec un autre maraudeur, il avait alors décidé de conduire la mère en voiture à l’hôpital de Briançon. En chemin, celle-ci avait été prise de contractions et à 500 mètres de la maternité, ils avaient été arrêtés par un contrôle des douanes ayant retardé la prise en charge médicale selon lui, ce que la préfecture avait contesté. Le bébé était né dans la nuit par césarienne, en bonne santé. Une enquête avait ensuite été ouverte pour « aide à l’entrée et à la circulation d’un étranger en situation irrégulière ».

      https://mobile.lemonde.fr/societe/article/2018/11/03/entre-l-espagne-et-la-france-la-nouvelle-route-migratoire-prend-de-l-

    • #SAA, un collectif d’accueil et d’accompagnement des migrants subsahariens aux frontières franco-espagnoles

      Dans ce nouveau numéro de l’émission “Café des libertés”, la web radio du RAJ “Voix de jeunes” a reçu sur son plateau deux activistes du sud de la France plus exactement à Bayonne, il s’agit de Marie cosnay et Vincent Houdin du collectif SAA qui porte le prénom d’un jeun migrant guinéen décédé durant sa traversé de l’Espagne vers la France.
      Nos invités nous ont parlé de la création du collectif SAA, ses objectifs et son travail d’accueil et d’accompagnement des migrants subsahariens qui traversent la frontière franco-espagnole dans l’objectif d’atteindre les pays du Nord telle que l’Allemagne.
      Ils sont revenus également sur les difficultés que posent les politiques migratoires dans la région notamment celle de l’union européenne marquées par une approche purement sécuritaire sans se soucier de la question du respect des droits et la dignité des migrants.
      Ils ont aussi appelé au renforcement des liens de solidarité entre les peuples dans le monde entier.

      https://raj-dz.com/radioraj/2018/11/11/saa-collectif-daccueil-daccompagnement-migrants-subsahariens-aux-frontieres-

    • France : 19 migrants interpellés dans un bus en provenance de Bayonne et assignés à résidence

      Des douaniers français ont interpellé 19 personnes, dont un mineur, en situation irrégulière lundi dans un car au péage de #Bénesse-Maremne, dans les #Landes. L’adolescent de 17 ans a été pris en charge par le département, les autres ont reçu une #obligation_de_quitter_le_territoire (#OQTF) et sont assignés à résidence dans le département.

      Lors d’un contrôle lundi 12 novembre au péage de Bénesse-Maremne, sur l’autoroute A6 (dans les Landes), un car de la compagnie #Flixbus a été intercepté par des douaniers français. Après avoir effectué un contrôle d’identité à l’intérieur du véhicule, les autorités ont interpellé 19 personnes en situation irrégulière, dont une femme et un adolescent de 17 ans.

      Les migrants, originaires d’Afrique de l’ouest, ont été envoyés dans différentes #casernes de gendarmerie de la région (#Castets, #Tarnos, #Tartas, #Lit-et-Mixe) puis libérés quelques heures plus tard. Le mineur a quant à lui été pris en charge par le département.

      En attendant de trouver un #accord_de_réadmission avec l’Espagne, la préfecture des Landes a notifié aux 18 migrants majeurs une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Ils sont également assignés à résidence dans le département des Landes et doivent pointer au commissariat trois fois par semaine.

      Un #accord signé entre la France et l’Espagne prévoit de renvoyer tout migrant se trouvant sur le territoire français depuis moins de quatre heures. Mais selon Jeanine de la Cimade à Mont-de-Marsan (à quelques kilomètres de Bayonne), ce n’est pas le cas de ces 18 migrants. « Ils ne peuvent pas être renvoyés en Espagne car ils ont passé quatre jours à Bayonne avant d’être arrêtés au péage », précise-t-elle à InfoMigrants.

      Les migrants sont assistés d’avocats du barreau de Dax, dans les Landes, et un bénévole de la Cimade est aussi à leurs côtés selon France Bleu.

      Cette opération des douanes a été menée le même jour que la visite du ministre français de l’Intérieur à la frontière franco-espagnole. Christophe Castaner s’est alors dit inquiet de « mouvements migratoires forts sur les Pyrénées » et a annoncé une coopération accrue avec l’Espagne.

      http://www.infomigrants.net/fr/post/13368/france-19-migrants-interpelles-dans-un-bus-en-provenance-de-bayonne-et
      #assignation_à_résidence

      –------

      Commentaire :
      On peut lire dans l’article :
      "Un accord signé entre la France et l’Espagne prévoit de renvoyer tout migrant se trouvant sur le territoire français depuis moins de quatre heures. »
      --> c’est quoi cet accord ? Quand est-ce qu’il a été signé ? Quelqu’un a plus d’information ?

      C’est l’équivalent de l’accord bilatéral de réadmission entre la Suisse et l’Italie (signé en 2000 : https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20022507/index.html) et qui a été « repêché » par la Suisse à partir de 2016 ?
      Ou comme celui qui a été apparemment signé entre la France et l’Italie récemment ?
      https://www.agi.it/estero/migranti_francia_salvini_respingimento_concordato-4511176/news/2018-10-20

      #accord_de_réadmission #accord_bilatéral

    • A Bayonne, nouvelle porte d’entrée des migrants, « l’urgence fait exploser les frontières politiques »

      Une fois la frontière franco-espagnole franchie, des migrants affluent par milliers à Bayonne. Là, le maire de centre-droit et des militants de gauche ont bricolé, main dans la main, un hébergement d’urgence sous le nez du préfet. Les exilés s’y reposent des violences subies au Maghreb, avant de sauter dans un bus et de se disperser aux quatre coins de France. Reportage dans les #Pyrénées.

      https://pbs.twimg.com/card_img/1075002126915518464/L_aQEp7o?format=jpg&name=600x314

      https://www.mediapart.fr/journal/france/181218/bayonne-nouvelle-porte-d-entree-des-migrants-l-urgence-fait-exploser-les-f

    • A Bayonne, nouvelle route migratoire, l’impressionnante #solidarité des habitants malgré les carences de l’État

      La route de la Libye et de l’Italie étant coupée, de plus en plus de migrants arrivent en Europe via le Maroc et l’Espagne. Certains passent ensuite par le Pays Basque. En deux mois, 2500 réfugiés ont déjà transité par un centre d’accueil ouvert à Bayonne. La démarche, d’abord spontanée, bénéficie désormais du soutien de la mairie. L’État a quant à lui exercé des pressions sur les chauffeurs de taxi ou les compagnies d’autobus, en exigeant notamment l’identité des voyageurs. Basta ! a passé la nuit du 31 décembre au 1er janvier aux côtés des bénévoles de la « Pausa », et des réfugiés qui appréhendent un avenir incertain.

      A peine investi, il a fallu trouver un nom au lieu. « Ça fait un peu stalag », remarque Joël dans un sourire navré [1]. Planté dans la cour de ce bâtiment désaffecté de la Légion, sous les lumières aveuglantes qui semblent plonger depuis des miradors invisibles, le salarié d’astreinte hésite encore à proposer aux migrants l’entrée d’un édifice tout en grillage et en barreaux. Sur le parvis goudronné, encadré par de hauts murs et surplombé par la citadelle militaire de Bayonne, l’ombre fuyante des lignes ferroviaires prolonge ce décor figé par le froid. Cependant, le panneau « Terrain militaire - défense de pénétrer » est déjà égayé d’une série colorée d’autocollants antifascistes, et de bienvenue aux migrants. A l’intérieur, derrière les vitres polies, la lumière se fait aussi plus chaleureuse.

      Le lieu s’appellera finalement « Pausa », la pause en basque. Comme le premier bâtiment d’accueil, à vingt mètres de là, trop exigu et qu’il a fallu abandonner aux premiers jours de décembre. Mais aussi comme cette authentique pause, au milieu d’un périple exténuant qui dure parfois plusieurs années. Bayonne est devenue en 2018 une nouvelle étape essentielle sur les chemins de l’exil vers la France ou le nord de l’Europe. Une porte d’entrée en terre promise. C’est ici qu’aura lieu, ce soir, le nouvel an des réfugiés. Comme un symbole d’espoir, celui d’une vie dans laquelle il serait enfin possible de se projeter, laissant de côté les embûches de la route déjà accomplie.

      Un répit salutaire de trois jours

      Kébé vient de Guinée, comme beaucoup d’arrivants ces dernières semaines. Au milieu des préparatifs de la fête, il lit, imperturbable dans sa couverture, le récit autobiographique d’un jeune footballeur camerounais qui rêve de gloire sportive mais ne connaît que désillusions. Kébé ne veut pas être footballeur. Ainé d’une famille nombreuse restée à Conakry, il voudrait reprendre l’école et apprendre le métier de coiffeur à Bayonne. Parce que, dit-il, « c’est une ville très jolie et d’importance moyenne ». Il a déjà commencé un dossier pour faire valoir sa minorité et prétendre à une scolarité. Mais le temps lui est compté au centre d’accueil des réfugiés, où l’on s’efforce de ne garder les migrants que trois jours. Le temps d’un répit salutaire pour faire le point, quand le quotidien des migrants n’est fait que de recherche d’argent, de nourriture, de transport, d’hébergement, de passeurs, de policiers, ou bien pire. Initialement en route pour Paris, sans rien connaître de la capitale et sans contact, il a trouvé, juge-t-il, sa destination.

      C’est aussi le cas d’Ibrahim, parti de Sierra Leone il y a deux ans, qui fixe les premiers spots colorés de la soirée, comme une célébration de son arrivée à bon port. « Ici on est bien accueilli », constate-t-il. Lui aussi a 17 ans. Sa vie n’est que succession de petits boulots pour financer des kilomètres vers l’Europe. Il a appris le français en route, et ne souhaitait pas rester en Espagne, « à cause du problème de la langue ». Il continue d’explorer, sur son smartphone, les possibilités sans doute infinies que lui promet sa nouvelle vie, en suivant avec intérêt les préparatifs de la fête.

      Internet, ce fil de vie qui relie les continents

      Les bénévoles ne ménagent pas leur peine pour faire de cette soirée de réveillon une réussite : pâtisserie, riz à la piperade, bisap à gogo, sono, lumières, ballons... seront de la partie. Un « Bonne année 2019 » gonflable barre l’allée centrale du vaste dortoir, et s’achève vers un minuscule renfoncement aménagé en salle de prière. Les affiches de la Légion n’ont pas disparu. Elles indiquent par exemple le lieu où devaient être soigneusement pliées les « chemises arktis sable ». Mais l’ordre militaire a largement été chamboulé. La pièce principale sert à la fois de dortoir, de réfectoire, de cuisine, de magasin de produits d’hygiène, de bureau.

      Une borne wifi assure le flux Internet, précieux fil de vie durant un voyage au long cours. La nouvelle connexion déleste au passage les bénévoles, auparavant contraints de connecter une flopée d’appareils sur leurs propres smartphones, pour improviser des partages de connexion. Les écrans des téléphones sont autant de lueurs qui recréent des foyers dans les recoins les plus sombres de ce camping chauffé. Des gamins jouent au foot dans la cour, et la musique résonne jusque sur le quai de l’Adour. L’avantage, c’est que chacun peut programmer sa musique et la défendre sur le dance floor, avant de retourner tenir salon dans la semi-pénombre ou disparaître sous une couverture. Le temps de quelques sourires, sur des masques d’inquiétude.

      Près de 450 bénévoles, militants aguerris ou nouveaux venus

      Les bénévoles ont trouvé le bon tempo, après avoir essuyé les plâtres des arrivées massives. Aux premiers jours d’ouverture de ce nouveau centre, début décembre, il fallait encore faire le tour complet d’une cuisine chaotique pour servir un seul café aux réfugiés qui arrivaient affamés et par paquets, jusqu’au milieu de la nuit. A Bayonne, on sent le sac et le ressac de la Méditerranée pourtant lointaine, et le tempo des traversées se prolonge au Pausa, au gré de la météo marine du détroit de Gibraltar. Les bénévoles ont intégré le rythme. Ils sont désormais près de 450, regroupés au sein de l’association Diakité, mélange improbable de militants associatifs aguerris et de présences spontanées, gérant l’urgence avec la seule pratique de l’enthousiasme.

      Cet attelage bigarré s’est formé à la fin de l’été 2017. Les premiers bayonnais ont commencé à descendre spontanément des gamelles et des vêtements sur la Place des Basques, de l’autre côté du fleuve. C’est là que se faisait le départ des bus long-courriers, avant que le vaste chantier du Tram’bus ne les déplace sur le quai de Lesseps. Puis l’automne est arrivé et les maraudes ont commencé, pour réchauffer les corps congelés et organiser, dans l’improvisation, un accueil d’urgence, qui prenait la forme d’un fil WhatsApp paniqué. Les bayonnais ont ouvert leurs portes, les dons de vêtements ont afflué, submergeant les bénévoles qui n’en demandaient pas tant.

      Le maire UDI de Bayonne, Jean-René Etchegaray, est entré dans la danse, arrondissant les angles jusqu’à ouvrir, dès le mois de novembre, un premier bâtiment municipal promis à destruction. L’évêque est arrivé bon dernier, et s’est fait éconduire par des bénévoles peu indulgents avec ses positions traditionalistes, notamment sur l’avortement ou les droits LGBT. Dommage pour le parc immobilier du clergé, que les bayonnais présument conséquent. Mais il y avait ce vaste entrepôt de l’armée, dans l’alignement du quai, qui sera bientôt entièrement requalifié. Sa capacité de 300 lits fait régulièrement le plein, et impose aux bénévoles une organisation rigoureuse, notamment pour assurer des présences la nuit et le matin.
      Pressions de l’État sur les compagnies de bus

      L’inquiétude courrait pourtant en cette fin d’année : les bénévoles risquaient la démobilisation et le centre promettait d’être bondé. En période de vacances scolaires, les prix des billets de bus s’envolent, clouant certains migrants à quai. Dans les dernières heures de 2018 en revanche, les tarifs chutent brutalement et les voyageurs fauchés en profitent pour s’éclipser. Cette nuit du 31 décembre, 40 migrants ont repris la route, laissant le centre investi par près de 140 pensionnaires et une tripotée de volontaires soucieux de porter la fête dans ce lieu du marasme et de la convalescence. Vers 23h, les candidats au départ sont regroupés. Le bus est en bas, la troupe n’a que quelques mètres à faire. L’équipe de nuit accompagne les migrants.

      Il y a quelques semaines, la tension est montée d’un cran lorsque les chauffeurs de la compagnie Flixbus ont exigé les identités des voyageurs, après qu’une vingtaine de sans-papiers aient aussi été débarqués d’un autocar par les forces de l’ordre, au premier péage après Bayonne. Le maire de la ville, Jean-René Etchegaray, est monté au créneau, sur place, pour s’insurger contre ces pratiques. Cet avocat de profession a dénoncé une discrimination raciale, constatant un contrôle qui ne concernait que les personnes de couleur. Il a aussi laissé les bénévoles stupéfaits, voyant leur maire de centre-droit ériger une barricade de poubelles pour barrer la route au bus récalcitrant. La direction de la compagnie a dû dénoncer les faits, et le climat s’est apaisé.

      N’en déplaise au préfet des Pyrénées-Atlantiques qui maintient la pression sur les professionnels, notamment les chauffeurs de taxi, en promettant amende, prison et confiscation de véhicule pour qui aide à la circulation des « irréguliers ». Mais les chauffeurs de bus connaissent leurs droits, et même certains bénévoles, à force de passages tous les deux ou trois jours. En cette soirée du nouvel an, les chauffeurs sont espagnols, et semblent assurés que le monde contemporain est suffisamment inquiétant pour qu’eux mêmes ne se mettent en prime à contrôler les identités. Fraternité, salutations, départ. Les migrants, après quelques sourires gratifiants, replongent inquiets dans leurs téléphones. Retour au chaud et à la fête, qui cette fois, bat son plein.
      « Et c’est peut-être cela qui m’empêche de dormir la nuit »

      Le camping a toutefois des allures d’hôpital de campagne, avec sa piste de danse bordée de lits de camps occupés. Les migrants arrivent souvent épuisés, et la présence d’enceintes à quelques mètres de leurs couvertures ne décourage pas certains à s’y enrouler. Les femmes, plus discrètes, regagnent un dortoir séparé qui leur offre une intimité bienvenue. Dans les lumières tournoyantes, bénévoles et migrants se mêlent en musique. Jessica est venue avec sa jeune fille, après plusieurs jours sans avoir pu se libérer pour donner un coup de main. Aziz est avec sa famille, en visiteur du quartier. Saidou, Baldé, Ibrahima, exultent en suivant les convulsions d’une basse ragga.

      Cyril, bénévole de la première heure, est attablé un peu plus loin et se repasse le film des derniers mois dans le répit de la liesse. Peut-être pense t-il à l’enfant récupéré sous un pont de Saint-Jean-de-Luz, dans une nuit glaciale et sous des trombes d’eau, que les bras de sa mère protégeaient avec peine. Aux trois filles prostrées, qui voyageaient ensemble depuis trois ans et dont deux étaient mystérieusement enceintes. Ou aux trois guinéennes stupéfaites, atterrées et terrorisées, qu’il a fallu convaincre longtemps, dans une nuit glacée, pour enrouler une couverture sur leurs épaules. A celle qui a dû abandonner ses enfants en Guinée et finit par « bénévoler » de ses propres ailes dans le centre, rayonnante dans sa responsabilité retrouvée. A celui qui a perdu sa femme, enceinte, dans les eaux noires de la méditerranée « et c’est peut-être cela qui m’empêche de dormir la nuit », dit-il. Et à tous ceux qui se perdent sur cette route sans fin.
      L’appui de la mairie, qui change tout sur le terrain

      Sur la piste de danse, Nathalie rayonne. Elle a débarqué il y a quelques jours de Narbonne, avec une fourgonnette pleine de matériel de première nécessité. Le problème des réfugiés lui tordait le ventre. Elle a organisé une collecte et souhaitait livrer Gap, dans les Hautes-Alpes, avant d’entendre parler de Bayonne et d’avaler 450 km pour sonner au centre, le 25 décembre, avec des couvertures, de la nourriture, des produits d’hygiène. Elle y est devenue bénévole à temps plein, pendant une semaine, avant de regagner ses théâtres où elle est costumière et perruquière. Mais elle note tout et promet un compte rendu complet aux structures militantes de sa région, à l’autre bout des Pyrénées. Notamment du côté de Perpignan où, dit-elle, « un jour ou l’autre ils arriveront et je ne suis pas sûre qu’ils seront accueillis de la même manière ». « Émerveillée par la solidarité des basques », elle relève surtout l’appui de la mairie aux bénévoles, qui change tout sur le terrain. « Vous êtes extraordinaire » a t-elle lancé au maire quelques jours auparavant.

      Jean-René Etchegaray, maire de Bayonne et président de la Communauté d’agglomération Pays Basque, est aussi venu saluer les migrants ce 31 décembre. Il est justement question qu’il tisse des liens avec d’autres maires qui s’investissent dans l’accueil des migrants, tel Mathieu Carême (écologiste) à Grande-Synthe. Un accompagnement politique qui est aussi, du point de vue de certains habitants, un gage de sécurité et de tranquillité publique. Si Jean-René Etchegaray reconnait avoir reçu « quelques lettres anonymes sur un ton plutôt FN », sourit-il, il constate aussi que, depuis que le centre a ouvert, les plaintes des habitants se sont tues. L’accueil organisé des migrants leur fournit un point de chute, aidant à les soustraire aux circuits de passeurs ou aux appétits mafieux, et à assurer leur propre sécurité. Le contraire de cette « jungle de Calais » que les premiers détracteurs de l’accueil brandissaient, un peu vite, comme une menace.
      Un soutien financier de la communauté d’agglomération, en attendant celui de l’État ?

      Au-delà de la solidarité pour « des gens qui arrivent escroqués et épuisés » et « doivent bien s’habiller quelque part », le premier magistrat de la commune et de l’agglomération se tourne aussi vers l’État pour la prise en charge de ces exilés. Il dénonce une forme de « sous-traitance » de la politique migratoire et de « démantèlement de l’autorité de l’État », tant à travers les pressions exercées à l’encontre des professionnels du transport, que dans le manque de moyens utilisés pour faire face à cette crise. La police se contente bien souvent de raccompagner, en douce, les migrants derrière la frontière, à 30 km de là, comme en attestent de multiples témoignages ainsi que des images de la télévision publique basque ETB. La Communauté d’agglomération Pays Basque a voté à l’unanimité une aide de 70 000 euros par mois pour soutenir le centre Pausa, en particulier pour financer l’équipe de sept salariés recrutée parmi les bénévoles, et fournir un repas quotidien. « Mais il faudra bien que l’État nous aide », prévient Jean-René Etchegaray.

      Dans cette attente, l’édile continue ses tournées d’inspection quotidienne du centre Pausa. Il commence par l’accueil, demande le nombre d’arrivées et de départs, s’assure que le petit bureau d’information sur les départs fonctionne, puis se rend dans la pièce principale, scrutant les lits disponibles, l’état des couvertures, s’assurant que tout fonctionne, échangeant avec les bénévoles et les voyageurs, « des gens remarquables » dit-il, et suivant des yeux, amusé, les évolutions d’un petit groupe de migrants qui passe le balais, preuve que « tout se régule », sourit-il. Au-delà des problèmes de logistique, prestement résolus, Jean-René Etchegaray est en première ligne pour réclamer aux grandes enseignes de sa circonscription des vêtements, des couvertures, de la nourriture ou de petites urgences ponctuelles, comme des gants et des bonnets. Et assurer la fluidité de cette solidarité qui s’organise encore, et prend de l’ampleur chaque jour.
      2500 réfugiés ont déjà transité par la Pausa

      Pour l’heure, le temps s’arrête sur un compte à rebours déniché sur Internet. 3 - 2 - 1 - 0 ! Tout le monde s’embrasse dans la salle, au milieu d’autres corps terrés sous une masse de couvertures. Un élan qui mêle réfugiés et bénévoles pour conjurer le mauvais sort, valider le travail abouti, triompher de cette année qui a bouleversé Bayonne, et appréhender un avenir incertain où, d’un côté comme de l’autre, rien n’est gagné. Mais l’étape est belle. 2500 réfugiés ont transité par le centre Pausa en deux mois. La route du Maroc et de l’Espagne a été empruntée par plus de 50 000 personnes en 2018, à mesure que celle de la Libye se ferme sur des milliers de morts et d’exactions, et l’évacuation de 17 000 personnes par l’Office internationale des migrations.

      Le dispositif du Centre d’accueil de Bayonne est prévu jusqu’au mois d’août 2019, mais rien ne dit que le flux humain tarira. Le maire est en train de prévoir l’ouverture d’une annexe dans le bâtiment militaire voisin. Un stalag II, railleront les bénévoles, qui lui redonneront tout de même un nom plus reposant, des couleurs, et tout ce qui peut revigorer les âmes sans tanière sur leur route incertaine.

      https://www.bastamag.net/A-Bayonne-nouvelle-route-migratoire-l-impressionnante-solidarite-des-habit

  • Le Maroc instaure une autorisation de voyage pour trois pays africains

    En effet, une correspondance entre le Responsable régional de la compagnie nationale Royal Air Maroc (RAM) pour le Gabon et un directeur d’agence de RAM dans le pays. Dans ce courrier, il est annoncé que

    « les autorités marocaines ont instauré à partir du 1er novembre 2018, une #autorisation_électronique_de_Voyage (AVEM) pour les ressortissants du #Mali, de la #Guinée et du #Congo_Brazaville désireux de se rendre au Maroc ».

    Ainsi, à partir de la date mentionnée, les personnes issues de ces pays qui veulent se rendre au Maroc doivent demander leur AVEM au minimum 96 heures avant leur date de départ vers le Maroc, via le portail http://www.acces-maroc.ma. Le site ne peut être consultable à partir du Maroc.

    https://224infos.org/societe-et-people/7852/le-maroc-instaure-une-autorisation-de-voyage-pour-trois-pays-africains.htm
    #Maroc #visas (ou similaires) #fermeture_des_frontières #asile #migrations #réfugiés #autorisation_de_voyage #AVEM

    Commentaire de Elsa Tyszler via la mailing-list Migreurop :

    D’après cet article (et d’autres à peu près similaires trouvés sur le net), les ressortissant-e-s du Mali, de la Guinée (Conakry) et du Congo (Brazza) doivent désormais acquérir une « autorisation de voyage » pour entrer au Maroc.
    Pourquoi ces trois pays ? Des effets de l’externalisation des frontières européennes ? Une mesure qui intervient peu de temps avant la signature du Pacte Mondial des Migrations à Marrakech en décembre...

  • It Takes a Village: Despite Challenges, Migrant Groups Lead Development in Senegal

    For generations, migrants have emigrated from Senegal, particularly from in and around the Senegal River Valley along the country’s borders with Mauritania and Mali. Young people from the Peul (particularly its Toucouleur subgroup) and Soninké ethnic groups first left to pursue economic opportunities around West Africa and Central Africa. Later, migration to France became a popular method for supporting families and improving social status in origin communities, and migrants today contribute a substantial amount in social and financial capital to development in Senegal. Remittances are essential to livelihoods, making up almost 14 percent of the country’s gross domestic product (GDP) in 2017—the fifth-highest share in Africa.

    Widespread Senegalese migration to France first began with temporary workers. As their stays became more permanent, they brought their families to live with them, typically in communities on the outskirts of Paris and other major cities. Once settled in their new communities, they established hometown associations (HTAs), largely to support development back in Senegal.

    Increasing barriers to free movement for current and former French colonial subjects that began in the 1970s—and further restrictions on migration more recently—have made life for West African migrants and would-be migrants more difficult. As a result, migrants and their HTAs have been forced to adapt. Meanwhile, in the face of shrinking income flows, some HTAs have begun to professionalize their operations and work more strategically, moving beyond construction projects to ones that seek to foster economic development.

    This article, based on the author’s Fulbright-funded research in Senegal in 2016-17, explores the impact of policy changes in France on Senegalese migrants and the activities of HTAs, and how these shifts influence development and quality of life in migrants’ origin communities in the Senegal River Valley. As the European Union incorporates support for development into migration partnerships with African countries, in hopes of reducing spontaneous migration to Europe, the work of HTAs holds important lessons for actors on both sides.

    From Colonial Ties to Migrant Arrivals

    France, which colonized large swaths of West Africa starting in the late 1800s, first became a destination for economic migrants from modern-day Senegal during and after the colonial period. For example, West Africans fought for France in both world wars and many remained in France afterwards. After World War II, France recruited migrants from its colonial empire to reconstruct the country and work in its factories. These pull factors, coupled with droughts in the Sahel region during the 1970s and 1980s, accelerated the number of young, low-skilled West Africans migrating to France during the mid- and late 20th century. As of mid-2017, about 120,000 Senegalese lived in France, according to United Nations estimates. France is the top destination for Senegalese migrants after The Gambia, and it is also the top origin for formal remittances arriving in Senegal.

    Economically motivated migration became an important source of income in rural eastern Senegal, with France frequently seen as the ideal destination. Even though migrants in Europe often worked in factories, construction, security, or sanitation, their salaries were substantial compared to those of family members back in Senegal, who generally worked as subsistence farmers or animal herders. As result of remittances, families were able to construct larger, more durable homes, afford healthier diets, and increase their consumption of other goods, particularly electronics such as cellphones, refrigerators, fans, and televisions.

    In addition, from the 1960s onward, Senegalese migrants in France began to form HTAs to support their origin communities. HTAs are formal or informal organizations of migrants from the same town, region, or ethnic group living outside their region or country of origin. These organizations sponsor cultural activities in destination communities, foster solidarity among migrants, and/or finance development projects in hometowns. HTA leadership or traditional authorities in the origin community then manage these funds and related projects on the ground. While migrants from many countries form HTAs, West Africans maintain particularly close social, political, and financial ties with their hometowns through these organizations.

    For West African migrants, social pressures compel HTA participation and members are also traditionally required to pay dues toward a communal fund. Once enough money has been amassed, the organization funds a public goods project in the hometown, such as the construction of a school, mosque, cemetery, health center, post office, or water system. These migrant-led development projects have been crucial to communities across the Senegal River Valley, which are often far from urban centers, markets, or infrastructure such as paved roads, and rarely receive contact from the central government or assistance from local government actors. As a result, migrant projects often fill the void by providing most of the public goods enjoyed by these communities.

    Senegalese HTAs thus contribute immensely to human development and quality of life in communities in this region. The impact of this work, as well as of household-level support provided by remittances, continued motivating young people to leave eastern Senegal for France, as well as regional destinations, during the mid-20th century.

    Policy Changes Drive Migration Shifts

    Beginning in the early 1980s, France began to enact a series of restrictive policies limiting low-skilled economic immigration and creating barriers to naturalization and family reunification. These changes have continued in recent decades, raising questions about the future of the migration and development cycle now cemented in the Senegal River Valley.

    Prior to the mid-1970s, Senegalese migrants freely circulated into and out of France as current, and eventually former, colonial subjects, following independence in 1960. France first introduced limits to Senegalese immigration in 1974 with a law requiring residence permits for all migrant workers.

    Throughout the 1980s and early 1990s, a series of laws including the Bonnet and Pasqua Laws restricted entry, family reunification, and naturalization for many immigrants. Although some of these provisions were later abolished, they led to several high-profile deportation operations targeting West Africans and laid the groundwork for future restrictive French immigration legislation.

    Several bilateral accords between France and Senegal over the years also focused on limiting economic migration and facilitating return for irregular migrants already in France. The evolution of these policies reflects a shift from promoting low-skilled economic immigration to satisfy labor shortages, to emphasizing high-skilled and temporary immigrants such as students.

    During the author’s fieldwork, interviewees cited many of these policies as having substantial effects on migration and development in their communities. The 1990s, the turn of the 21st century, and the presidency of Nicolas Sarkozy were the most common turning points identified when migration and development in eastern Senegal first began to shift (see Table 1). Participants emphasized the introduction of French visas and residence permits for Senegalese immigrants as the first major barriers to migration. Subsequent important political moments for participants included deportation operations in the 1980s and then-Interior Minister Sarkozy’s famous 2005 speech on immigration choisie, the government’s policy of carefully selecting immigrants who would best integrate and contribute to the French economy and society.

    At the same time, external political changes were not the only factors influencing these phenomena in the Senegal River Valley. Many participants also cited social and economic events in France as having negative consequences for Senegalese migrants and their development activities. The global economic crisis beginning in 2008 led to the disappearance of employment opportunities, including across Europe. This downturn thus decreased incomes and the ability of migrants to send money back to families and contribute to HTA projects.

    Participants reported that the mechanization of automobile production and other manufacturing, a source of employment for many West Africans for decades, compounded these effects. In cities such as Paris, with tight and expensive housing markets, these economic conditions created additional challenges to saving money. Individuals in eastern Senegal had traditionally seen France as a promised land offering easy income and employment opportunities to anyone who made the journey, regardless of French skills or education level. However, this view changed for many as challenges became more frequent.

    Beyond economic changes, shifts in attitudes within French society also affected the Senegalese diaspora. Participants noted an increase in Islamophobia and a growing climate of mistrust and intolerance toward migrants in recent years, which have only exacerbated difficulties for West Africans in France.

    Further, political and economic changes in Senegal also affected diaspora-led projects and migration patterns in the region. The administration of President Macky Sall, who took office in 2012, has decentralized development and other administrative responsibilities, delegating them to regional and local authorities. In addition, Sall’s national development scheme, Plan Sénégal Émergent (PSE), aims to provide alternatives to irregular migration from a country with high youth unemployment and a legacy of emigration. Participants cited these domestic shifts as significant, although many agreed it was too early to judge their influence on the quality of life in their communities.

    Migration and Development: Perceptions and Reality

    Study participants said they view these international and domestic political, economic, and social shifts as affecting migration flows and development efforts in their communities. Though views on whether emigration is rising or falling varied, many participants agreed that irregular migration was on the rise. Further, most participants predicted continued interest in migration among young people absent alternative employment options in the Senegal River Valley.

    Whether because of limits on authorized entry into France, difficulties upon arrival, or other motivations, migrants from eastern Senegal have diversified their destinations in recent years. Some migrants have eschewed traditional receiving countries throughout West and Central Africa or France in favor of destinations such as Italy, Spain, the United States, and even several South American countries including Argentina and Brazil.

    Limits on economic migration to France and elsewhere in Europe also impacted migrant-led development in Senegalese municipalities. Interviewees held diverse opinions on whether HTA activities were as frequent or as effective as they had been several years or even decades ago. Some said they observed consistent support for community-wide projects and noted innovative strategies used to combat potential lack of purchasing power or access to funding. However, many study participants who indicated a decrease in HTA support for their villages said they believed that migrants contributed less frequently to community-level projects, instead prioritizing maintaining household remittance levels.

    When asked about specific migrant-funded development activities, many cited completed and ongoing public goods initiatives led by their village’s HTA. When HTAs in this region began their work in the mid-20th century, mosques and water systems were frequent initial projects, with water access evolving from simple manual wells to electric- or solar-powered deep-drill wells connected to taps throughout the municipality. Today, many basic needs have been fulfilled thanks to years of HTA support, and some migrants have more recently turned to renovating and expanding these structures.

    Some HTAs have stagnated in recent years, while others have moved beyond a public goods focus to new innovative strategies of promoting development in their hometowns. Many interviewees cited a need for income- and job-generating projects to promote local economic growth and incentivize young people to remain in their home communities.

    Several HTAs in the author’s study sites piloted this type of project, including the construction of a bakery in one community and a carpentry training center in another. The bakery, built in early 2017 thanks to funds from migrants in France and their French donors, promised to provide the town with affordable, high-quality bread and employment for several people. Meanwhile, the carpentry center offered young men the opportunity to train with experienced carpenters on machines provided by a French donor. This model not only provided professional skills to young people, but also produced locally built furniture for the surrounding community to purchase.

    Within migrant households, participants noted that remittances continued to support consumption and home construction. Beyond the purchase of food, electronics, and health care, remittances also defrayed children’s educational costs, including school supplies and fees. Household members, particularly migrants’ wives, perceived both positive and negative impacts of migration on household-level development. On the one hand, remittances finance the purchase of tools and animals, the construction of irrigation infrastructure, or the hiring of employees to expand the scale of the household’s work and thus its earnings. However, the loss of the migrant’s labor to tend to animals or fields also hurts households without enough adolescents, adult children, or other family members to maintain these activities.

    Nonmigrant households had their own ideas about changes in migrant-led development. Though they did not receive remittances, individuals in these households largely perceived that community-wide development activities benefited them, as public structures built with HTAs’ support were accessible to everyone. However, despite receiving occasional financial gifts from migrant neighbors or friends, some nonmigrant households expressed feeling dissatisfied with or excluded from development happening around them.

    Effective HTA Adaptations and Development Strategies

    Certain HTAs and individual migrants have been able to overcome challenges due to decreased income or barriers to authorized employment in France and other host countries. Individuals in origin communities perceived strategies modifying HTA structures, funding sources, and project types as most effective in continuing development efforts.

    One particularly effective change was the professionalization of these organizations. HTAs that moved from traditional leadership hierarchies and divisions of labor to more formal, structured ones were better able to form financial and logistical partnerships and expand the scope of their projects. Associations with clearly defined goals, leadership, project plans, and project evaluation were able to attract the cooperation of French government entities such as the Program to Support Solidarity Initiatives for Development (PAISD for its French acronym) or other international donors. Thus, despite a potential decrease in income from individuals, many HTAs began supplementing member dues with larger funding sources. Formalized structures also promoted better project management, evaluation, and long-term sustainability.

    Another key HTA adaptation was the idea of becoming community or village associations, as opposed to migrant associations. The frequent use of the term association de migrants can have a top-down connotation, implying that the diaspora unilaterally provides ideas, support, and manpower for development efforts without important input about living conditions from communities in Senegal. For HTAs that started conceptualizing themselves as a unified development organization with a branch abroad and a branch in Senegal, this strategy seemed to improve communication and promote inclusion, thus responding better to current needs and giving the local community more of a stake in projects.

    A gradual trend toward more investment- and training-focused projects has also seen success. The basic human development needs of many communities have been satisfied after decades of hard work; still, conditions are not sufficient to keep the next generation from leaving. While the bakery and the carpentry center are key examples of productive initiatives, more support and focus on this type of project could bring meaningful change to local economies and markets. Many local organizations and collectives are already doing quality work in agriculture, herding, or transportation, and increased funding from HTAs could greatly expand the scale of their existing activities.

    Meanwhile, women’s associations in rural Senegal do not always receive HTA support, representing a potential area for expansion. West African HTAs are traditionally dominated by men, with male leadership at origin and abroad. In Senegal, economic activity is frequently divided by gender and women run many of their own associations, often focused on agriculture or microsavings. However, these structures do not receive much or any support from female migrants in France, who are less likely to be in the labor force than male Senegalese and thus might not be able to send money back to Senegal. Given these conditions, many well-organized and highly motivated women’s agricultural collectives would greatly benefit from increased migrant support.

    Finally, the federalization of community-level HTAs into larger regional organizations is an increasingly common strategy. This approach allows migrants to pool their resources and knowledge to tackle larger-scale development questions, despite economic or administrative challenges they may individually face in their host communities.

    The Future of Migrant-Led Development in Eastern Senegal

    Understanding the complex relationship among emigration, HTA development activities, and political, economic, and social changes in both France and at home is essential to the future of development in eastern Senegal. This study suggests that while HTA activities may be affected by political shifts domestically and abroad, economic changes on the sending and receiving sides are equally important and may be felt more immediately by the population at origin.

    Senegalese HTAs can no longer depend on traditional fundraising and project management strategies. These organizations must adapt to current and emerging economic and political conditions hindering legal employment and income accumulation among migrants in France and across Europe. Inclusive project planning that considers the needs and perspectives of the local population, as well as openness to productive investments and collaboration with outside partners are key steps to sustaining the work of HTAs.

    Current European efforts such as the European Union Emergency Trust Fund for Africa (EUTF) are incorporating development support into partnerships with countries including Senegal to try to stem migration. While the efficacy of migrant-driven projects and even state-led development activities in preventing emigration remains to be seen—particularly given the social pressures and cycle of dependence at play in this region—harnessing the power, expertise, and motivation of the diaspora is essential for the interests of actors on both continents. EU projects and dialogues that do not include African diasporas and their HTAs may not adequately address the phenomena occurring in regions such as rural Senegal. Building on migrant-led development work is a crucial step in changing conditions that contribute to emigration from this region.

    https://www.migrationpolicy.org/article/it-takes-village-despite-challenges-migrant-groups-lead-development
    #Sénégal #développement #migrations #remittances #France #politique_migratoire #associations_locales

  • « Prisonniers du passage » : une ethnographie de la #détention_frontalière en #France

    A partir des années 1980, les conditions d’entrée dans les pays européens deviennent plus restrictives. Amorçant ce qui est désormais devenu la norme en Europe quels que soient les gouvernements, les politiques publiques migratoires se caractérisent par l’arrêt de l’immigration de travail, le durcissement des critères d’attribution de l’asile politique, l’expulsion des étrangers irréguliers ou ayant reçu une condamnation pénale et les modifications du code de la nationalité. Par ailleurs, dans le processus de construction européenne, la gestion des circulations s’organise à travers un régime double et différentiel, de libre circulation des personnes à l’intérieur de l’espace européen, et de construction renforcée des frontières extérieures. Ce cadre européen met en place un espace stratifié et complexe qui saisit les acteurs de la circulation dans un quadrillage de pratiques et de normes. Cet espace est fait de superpositions, de différences nationales, selon la culture et l’histoire de chaque pays européen, et d’homogénéisations – notamment à travers les accords de Schengen en 1985 et 1990 et le règlement de Dublin1 dont la troisième mouture est en vigueur, la quatrième en préparation.
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    Dans ce contexte, le contrôle des voyageurs et des migrants passe couramment par leur enfermement dans des espaces plus ou moins pénitentiaires. En France, la zone d’attente est une zone extraterritoriale de détention où les étrangers refusés à la frontière sont maintenus en attente de leur admission ou de leur « refoulement » pour une période allant jusqu’à vingt jours. Les zones d’attente sont situées dans ou à proximité des zones internationales aéroportuaires, portuaires, routières ou ferroviaires. En tant qu’assistante juridique pour l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), j’ai eu accès à l’intérieur de la zone d’attente, où j’ai mené une observation de 2004 à 20082 . Cette ethnographie d’une forme particulière de contrôle s’offre comme point de départ pour réfléchir sur le régime mis en place en Europe depuis quelques décennies en partant des différents espaces par lesquels ce régime procède.
    « Une frontière, c’est quoi ? Juste une ligne, rien de plus »
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    Comment se retrouve-t-on détenu « à la » frontière ? Que s’y passe-t-il ? Comment en sort-on ? Et qu’y a-t-il de l’autre côté ? La mise au ban dont témoignent les centres fermés aux frontières est une réalité difficile à saisir : les barrières instituées de l’illégalité, les enjeux de clandestinité, d’anonymat, d’identification font qu’en pratique, ce parcours ne se raconte pas et se dérobe face à l’observation empirique. En s’appuyant sur les expériences vécues d’enfermement et de circulation qui se tissent autour du maintien en zone d’attente, il s’agit d’approcher cette réalité en sondant les lieux par où les individus transitent et les techniques qui mettent en branle leur circulation faite de passages, d’immobilisations et de retours. Cette « errance individuelle »3 , dans la rugosité de ses parcours improbables, nous renseigne en retour sur l’évolution de l’espace public, du rapport au temps et au (non-)lieu qui fondent une modalité inédite de l’inclusion dans l’organisation politique étatique. Imaginons donc un parcours fait de multitude de parcours : un collage d’expériences qui fait surgir les nœuds du voyage et trace les possibles, suit les bifurcations, pointe les tensions. Entrons dans le dispositif.

    Kadiatou Fassi est née à Conakry en Guinée il y a seize ans. Son père était venu d’un village pour étudier dans la capitale, qu’il n’a plus quittée. Sa mère a rejoint son mari en ville après le mariage, mais « elle n’a pas duré » : elle est morte un peu après la naissance de sa fille. Le père de Kadiatou tenait un commerce, et la situation n’était pas mauvaise. Lors des grèves de 20074 , alors qu’on avait déclaré l’état de siège et le couvre-feu – Kadiatou préparait le dîner dans la cour – Monsieur Fassi est blessé par balle lors d’une émeute dans la rue commerçante où se trouve sa boutique. Il meurt.
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    Après l’enterrement de son père, Kadiatou rencontre un de ses anciens clients, qui lui propose de l’aider à partir du pays. Kadiatou sait qu’une cousine maternelle est en France, et elle rêve de s’appuyer sur cette cousine pour venir en France elle aussi. Elle explique son projet, pour lequel elle dispose de l’héritage laissé par son père. L’homme répond que cela tombe bien : il doit aussi se rendre en France. Il lui demande où est sa cousine. Elle ne le sait pas, mais elle a son numéro de téléphone. Kadiatou possède cinq millions de francs (CFA). Le client lui demande trois millions et fait fabriquer un passeport pour Kadiatou : il va devoir changer sa date de naissance pour qu’elle apparaisse comme majeure. Kadiatou accepte. Le client vient ensuite chercher le reste de l’argent : 2 millions. Kadiatou Fassi prend l’avion avec le client de son père, qui s’est occupé de ses papiers d’identité, de son billet d’avion, pour lequel il faut présenter un passeport et un visa, et de leur passage aux comptoirs de vérification à l’aéroport de Conakry.
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    Ils débarquent dans un pays dont elle n’a jamais entendu parler : l’Ukraine. Elle ne connaît personne et ne comprend pas la langue ; elle demande au client de l’emmener chez sa cousine. Il lui demande d’attendre. Il la loge à Kiev, à l’arrière d’un restaurant. Il vient la voir parfois. Deux semaines passent : Kadiatou redemande au client de l’emmener chez sa cousine, comme c’était prévu. Les visites du client s’espacent. Puis il revient, accompagné d’autres hommes. Il déclare à Kadiatou qu’elle doit payer le reste de son voyage. Un jour, il lui rend son passeport, le billet de retour et lui annonce qu’elle rentrera seule le mardi suivant. Elle lui répond qu’elle ne sait pas prendre l’avion. L’homme la fait monter dans un taxi et l’accompagne à l’aéroport : il écrit le nom de la compagnie aérienne, avec lequel Kadiatou Fassi embarque sans encombre pour le voyage du retour : Kiev-Conakri avec une escale à Paris5 .

    Jana Fadhil, son mari Iman et son fils de quatre ans sont arrivés de Damas où ils s’étaient installés après leur départ de Bagdad. Celui qui a organisé leur voyage leur demande de l’attendre à la descente de l’avion, le temps d’emmener leurs passeports et leurs formulaires de douane auprès de ses « connaissances » parmi les policiers, pour les faire tamponner. Leur voyage a coûté 13 000 euros, payables en deux fois. Ils ont avec eux 5 000 euros, la deuxième partie de la somme, qu’ils remettent comme convenu à leur accompagnateur dès leur arrivée à Roissy, et quelques centaines d’euros pour leur séjour. Au bout de quelques heures, voyant que l’homme ne revient pas, Iman part le chercher de-ci, de-là dans le terminal : perdus dans l’aéroport, ils tournent en rond et marchent. Ils restent à attendre dans le hall du terminal avant les douanes jusqu’au soir. Jana Fadhil est enceinte de sept mois. Elle et son fils s’allongent sur le sol ; son mari dort sur une chaise. Ils se nourrissent au comptoir snack du terminal : une bouteille d’eau coûte 4,5 euros, un gâteau, 1,5 euro. Le jour suivant, ils ont déjà dépensé 260 euros en nourriture et téléphone et commencent à être à court d’argent. Dans l’après-midi suivant, Jana fait un malaise et prend peur de perdre son bébé : ils se dirigent vers les postes de douane. Ils restent deux heures devant un poste en essayant de capter l’attention des officiers qui vont et viennent. Finalement, l’un d’eux se tourne vers eux ; Iman lui dit en anglais :

    - Un homme nous a laissés ici.

    - Venez avec nous.

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    En escale à Paris, Kadiatou Fassi ne prend pas la correspondance pour Conakry. La police l’intercepte dans le terminal : elle est emmenée au poste pour un interrogatoire. Les policiers la questionnent sur son accompagnateur, lui demandent où il se trouve à présent. Dans l’après-midi, ils la conduisent au prochain vol vers Conakry. Kadiatou refuse de monter dans l’avion : elle dit à la police qu’elle ne sait plus comment vivre chez elle : comme elle a donné son argent pour venir, elle a été délogée de sa maison. Les policiers lui demandent à nouveau de monter dans l’avion, en la menaçant de lui mettre des menottes s’il elle ne le fait pas. Elle a peur et se met à pleurer. Ils la reconduisent dans le poste de police. Kadiatou attend dans une cellule fermée à clé, une vitre donne sur le couloir du poste. Il y a un banc en ciment et un téléphone au mur qui ne marche pas. Sans trop savoir de quoi il s’agit, Kadiatou Fassi se souvient qu’en Guinée, certains disaient qu’« il y a l’asile qu’on demande pour ne pas qu’on te retourne ». Un policier ouvre la porte quelques heures plus tard : elle lui demande de « l’aider à demander l’asile ». Au comptoir du poste, un policier imprime une série de documents, lui demande d’en signer certains et lui tend la pile de ses « papiers de police ». Trois agents la conduisent, en compagnie de plusieurs autres hommes, femmes et enfants, dans le centre de Zapi 3. Une employée de la Croix-Rouge les accueille à l’étage : elle leur donne à chacun des draps et une serviette, et leur montre leur chambre. Kadiatou Fassi a une chambre seule, dans la partie réservée aux « #mineurs_isolés ».

    Djibril Ba attend dans le couloir, assis sur le rebord d’une cabine de douche. En fin de matinée, une voix lui demande en anglais de descendre avec ses papiers de police. Il se rend au bureau de la Croix-Rouge qui se trouve à quelques mètres en disant qu’il vient d’être appelé. Une médiatrice lui dit qu’il doit descendre et sonner à l’interphone dans le hall, la police lui ouvrira. En bas, un policier lui ouvre : « police papers », puis l’accompagne le long d’un couloir au plafond immense jusqu’à une double porte électrifiée qu’il ouvre à l’aide de cartes magnétiques. Il se trouve dans un hall d’attente, dans lequel la lumière du jour entre par une porte vitrée qui donne sur une deuxième salle d’attente, à l’entrée du centre. Deux policiers sont assis à une petite table et discutent entre eux. Le hall donne sur plusieurs pièces : certaines sont réservées aux visites entre les maintenus et leur famille ou leur avocat ; d’autre aux entretiens de demande d’asile avec un agent de la division asile à la frontière. Djibril Ba attend sur les chaises alignées du hall, il est seul avec les deux policiers assis devant le petit bureau. Une porte s’ouvre au fond du couloir, un des policiers appelle Djibril et le fait entrer dans le bureau de l’agent de l’Ofpra. L’homme d’une trentaine d’années est assis derrière un ordinateur, dans un bureau très clair garni d’une grande fenêtre à poignées qui donne sur des haies d’arbustes. L’agent de l’Ofpra laisse d’abord Djibril parler, puis il lui pose quelques questions factuelles. Il fait des photocopies de sa carte de militant et de photos que Djibril Ba a emmenés avec lui. L’entretien dure une heure, puis Djibril est reconduit à travers les sas et les couloirs vers le centre d’hébergement à l’étage. Dans l’après-midi, Djibril Ba entend à nouveau son nom au haut-parleur : on lui demande de descendre avec ses papiers de police. Un policier le reconduit vers les bureaux de l’Ofpra, où l’attend le même agent :

    - Avez-vous un dernier mot à ajouter ?

    - Non, tout ce que je voulais dire, je l’ai dit. Je veux avoir l‘asile, car j’ai des problèmes dans mon pays.

    - Ok. Je photocopie tous vos documents et je les mets dans votre dossier pour le ministère de l’Intérieur. Mon avis est consultatif, mais ce sont eux qui prennent les décisions.6

    Djibril Ba remonte dans sa chambre. Dix minutes plus tard, il est appelé à descendre et il est reçu encore une fois dans le bureau par l’agent qui est accompagné cette fois d’un autre officier. On lui pose de nouvelles questions : Pourquoi a-t-il fui le Mali mais est-il arrivé par la Côte d’Ivoire ? Pourquoi est-il entré dans la rébellion ? À la fin de l’entretien, on lui redemande pourquoi il demande l’asile. Il l’explique à nouveau. Les deux hommes s’interrogent du regard et le second opine : « Ce sera tout merci ». L’entretien dure quelques minutes.

    Le lendemain de son entretien, James est appelé en bas avec ses papiers de police et ses bagages. Il a peur. Il ne veut pas descendre. Il me demande plusieurs fois pourquoi il doit descendre avec son sac. James est petit et coquet, un béret beige sur la tête, des bottines en crocodiles, une valise rigide grise métallisée. Il sent la crème hydratante. Il était syndicaliste à Lagos, au Nigeria. Il a demandé l’asile et attend une réponse. Il a retranscrit son récit d’asile sur quatre feuilles qui traînent sur sa table de nuit. Très peu de Nigérians obtiennent l’asile politique : le Nigeria fait partie des « principales nationalités des déboutés » de l’asile en France entre 2003 et 20077 . Il fait calmement, minutieusement son sac. Il me demande de l’attendre : il va aller aux toilettes. Après cinq bonnes minutes, il finit de boucler sa valise, plie les feuilles et les met dans sa poche. On descend ensemble. Je veux vérifier que sa notification de refus de demande d’asile ne lui sera pas remise au moment où ils vont l’emmener pour un embarquement forcé. Si c’est le cas, il faudra se plaindre à la police, car la notification doit avoir lieu avant l’embarquement. Mais ça ne changera rien pour James. Le problème est que je ne connais pas le nom de famille de James : ça sera difficile de déposer une plainte sans pouvoir donner le nom de famille du maintenu. Je n’ai pas le temps de demander le nom de James ; on est arrivé dans le hall du rez-de-chaussée, James a sonné, un policier a ouvert et lui a demandé ses papiers de police :

    - Oui c’est bon, veuillez me suivre.

    - Excu…

    J’essaie de placer un mot, mais la porte s’est déjà refermée sur moi. Je le laisse partir, je ne peux rien dire. Légalement, il n’y a rien d’anormal à ce qui vient de se passer. Louis, un demandeur d’asile nigérian que j’ai rencontré tout à l’heure nous a suivi dans le hall :

    - Qu’est-ce qui est arrivé à mon collègue ?

    - Je ne sais pas.

    Il me le demande plusieurs fois. Un policier en tenue d’escorte8 passe devant nous. Je lui demande s’il sait « où est parti le Nigérian ». « Quel Nigérian ? Quel est son nom ? Vous avez son numéro de MZA9 ? » Il ne peut pas m’aider s’il ne connait pas son nom ; mais il sait qu’un Nigérian a eu l’asile politique aujourd’hui. C’est rare. Je me demande si c’est James. Plus tard, depuis la fenêtre du bureau, je vois James mettre sa valise grise dans une voiture de la Croix-Rouge. Elle va le conduire au kiosque d’orientation de l’aéroport de Roissy pour ceux qui ont été admis à demander l’asile en France.
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    Au Terminal 1 de l’aéroport, au niveau des arrivées, derrière la porte à deux battants nº 24, accessible par les escaliers réservés au personnel technique, se trouve le bureau de la Croix-Rouge où Halima Seyum a été conduite après avoir été admise à sortir de zone d’attente au titre de l’asile. Une employée de la Croix-Rouge lui a remis une feuille listant les numéros de téléphone utiles pour son parcours d’asile : France terre d’asile, pour la domiciliation, la préfecture de la Seine Saint-Denis, pour le dépôt de sa demande, la Cimade, ouverte tous les mardis matins à partir de 8 h (prévoir d’être sur place une heure avant), si elle a besoin de conseil juridique. L’employée explique à Halima que la police lui a remis un « récépissé » de demande d’asile. Elle doit absolument se présenter à la préfecture d’ici huit jours pour enregistrer sa demande (l’examen en zone d’attente est une présélection qui l’a uniquement admise à présenter sa demande d’asile : la procédure reste entièrement à faire). Elle doit d’abord disposer d’une adresse. À ce sujet, elle devra se présenter à l’association France terre d’asile, qui la domiciliera : elle passera tous les deux jours vérifier le courrier administratif qui lui sera dès lors envoyé à cette adresse. Mais il reste à trouver un hébergement. Je reçois l’appel d’une assistante sociale de la Croix-Rouge à Roissy, de la part d’Halima Seyum. En effet, oui, je la connais : je l’ai aidée à préparer son entretien de demande d’asile (je l’ai « briefée ») et je lui ai laissé mes coordonnées. Halima ne sait pas où dormir ce soir : ils n’ont pas de place pour elle, est-ce que je pourrais l’accueillir ? Je dis que c’est impossible (je loge moi-même chez un ami).

    C’est bien ce que je pensais… On va essayer de lui trouver une place à l’Aftam 93, les foyers pour demandeurs d’asile ; mais tout est plein en ce moment. Au pire, on lui trouvera une chambre d’hôtel pour ce soir.

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    À 6 h du matin, un groupe de maintenus est conduit de la zone d’attente vers le Tribunal de grande instance. En début d’après-midi, les maintenus sont accompagnés par une dizaine de policiers dans la salle des audiences du 35 quater, où un juge des libertés et de la détention examine la légalité de leur procédure de détention, et se prononce sur le prolongement de leur maintien en zone d’attente. Jana Fadhil a été hospitalisée le lendemain de son transfert en zone d’attente ; l’avocat commis d’office présente au juge le certificat médical établi à l’hôpital en insistant sur les problèmes de santé de Jana, enceinte, et d’Iman, diabétique. Le juge décide de ne pas prolonger le maintien de la famille. À la sortie de l’audience, Jana, Iman et leur fils se font indiquer la direction du métro vers Paris.

    La cousine de Kadiatou Fassi est venue à l’audience du 35 quater avec les documents que l’avocat lui a demandé d’apporter : un certificat de naissance pour attester de ses liens de famille avec Kadiatou ; un avis d’imposition qui prouve qu’elle a des ressources suffisantes pour s’en porter garante. Mais Kadiatou n’est pas présentée au juge ce jour-là. Sa cousine appelle la zone d’attente, où un officier lui explique que Kadiatou Fassi a « bien été réacheminée » vers Conakry la veille.

    Djibril Ba a contacté un avocat avec l’aide d’un cousin en France dont il avait les coordonnées. Celui-ci lui a demandé 900 euros d’honoraires et a exigé l’intégralité de la somme d’avance. Durant l’audience, il soulève quelques points de procédure ; le juge décide cependant de maintenir Djibril Ba (comme toutes les autres personnes qui lui sont présentées ce jour-là) en zone d’attente, « attendu que l’intéressé a formé une demande d’asile [qui] est en cours d’examen ».
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    Quatre jours après avoir eu un entretien d’asile, Abdi Hossein est appelé par la police. L’officier qui lui ouvre le fait entrer et l’accompagne jusqu’à un bureau. Un agent imprime deux feuilles, et lui demande de signer en bas de la seconde. Puis on le raccompagne dans le hall.

    Considérant que X… se disant M. Abdi Hossein déclare qu’il serait de nationalité somalienne, qu’il serait né et résiderait à Afgoy, qu’il serait cultivateur, qu’il serait membre du clan minoritaire Sheikhal et du sous-clan Djazira, que le clan Habar Guidir serait majoritaire à Afgoy, que par crainte pour sa sécurité il ne serait pas beaucoup sorti de son domicile, qu’en décembre 2006, son père aurait été assassiné par balle en sa présence, devant la porte de sa boutique, par un groupe armé appartenant au clan Habar Guidir qui voulait extorquer son argent ; que ces miliciens connaîtraient ce quartier, viendraient enlever des personnes et les déposséder de leur bien, que suite à cet événement et en raison de la guerre civile, il aurait décidé de quitter son pays ; qu’un ami de son père lui aurait conseillé de se rendre en France afin d’y solliciter l’asile et aurait organisé son voyage via le Kenya ;

    Considérant toutefois que le récit de l’intéressé qui prétend être de nationalité somalienne et fuir son pays afin de sauvegarder sa sécurité n’emporte pas la conviction, que ses déclarations revêtent un caractère convenu, imprécis et dénué de spontanéité, notamment en ce qui concerne les circonstances dans lesquelles son père aurait été assassiné, en sa présence, en décembre 2006, par des personnes armées appartenant au clan de Habar Guidir, que de plus il reste très évasif à propos de la politique récente à Afgoy où il affirme pourtant avoir toujours résidé et de cette zone géographique – il ignore jusqu’aux noms des principaux quartiers de sa ville, que de surcroît il n’est guère plus explicite s’agissant des conditions dans lesquelles il aurait quitté son pays, qu’enfin il n’apport aucune explication sur son départ du Kenya et se borne à indiquer qu’il aurait suivi le conseil d’un ami de son père lui recommandant de solliciter l’asile en France, que l’ensemble de ces éléments incite à penser que contrairement à ce qu’il affirme, il n’est pas originaire de Somalie, que dès lors, sa demande ne saurait aboutir ;

    Qu’en conséquence, la demande d’accès au territoire français formulée au titre de l’asile par X… se disant M. Abdi Hossein doit être regardée comme manifestement infondée.

    Considérant qu’il y a lieu en application de l’article L.213-4 du Code d’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, de prescrire son réacheminement vers le territoire de la Somalie ou, le cas échéant, vers tout territoire où il sera légalement admissible.

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    Abdi Hossein se rend au bureau de la Croix-Rouge pour comprendre ce qu’il y a écrit sur le document que la police vient de lui remettre. Un employé de la Croix-Rouge lui conseille d’aller au bureau de l’Anafé, au fond du couloir. Lise Blasco, bénévole à l’Anafé, reçoit Abdi et lui explique son rejet de demande d’asile, avec l’aide d’un traducteur bénévole en somali, contacté par téléphone. Elle décide de présenter un recours juridique devant le Tribunal administratif pour contester le rejet de la demande d’asile d’Abdi. À nouveau, elle interroge longuement Abdi Hossein avec l’aide de l’interprète. Puis elle l’accompagne à l’infirmerie du centre, afin que le médecin de garde lui établisse un certificat médical attestant des impacts de balle qu’Abdi dit avoir reçu dans chaque jambe. Ensuite, Lise Blasco ferme la porte du bureau à clé et se met à rédiger le référé qu’elle faxe aux greffes du Tribunal administratif en début de soirée. Quelques heures plus tard, Abdi Hossein est appelé à descendre avec ses bagages.
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    Amadou Mporé arrive ému dans le bureau. Il s’assoit devant moi et sort de sa poche une boule de tissu, un débardeur déchiré, en sang, qu’il pose sur la table.

    À 10 h du matin, je suis appelé en bas avec mes bagages. Je descends avec mon sac et je sonne à l’interphone. Le policier me fait entrer dans une salle d’attente et me demande de patienter. Je reste assis deux heures. À l’appel du repas de midi, le policier me dit d’aller manger en laissant mon sac ici et me demande de revenir sonner après le repas. Il me raccompagne dans le hall où je rejoins les autres qui vont au réfectoire. À table, des gens me demandent ce que je faisais avec la police, où j’étais et pourquoi. Je ne parle pas : je ne les connais pas, et puis un policier surveille le réfectoire. Je reviens dans la salle d’attente vers 12 h 30. Deux policiers en uniforme bleu-marine, avec des Rangers aux pieds, des gants en cuir noir, une matraque à la ceinture, entrent peu après. Il me disent qu’ils vont m’emmener à l’aéroport : ‘Tout se passera bien si tu te tiens tranquille, mais si tu fais des difficultés, on va t’attacher’. Je crie, je ne veux pas qu’on m’attache. Les policiers se dirigent vers moi, ils sont au nombre de six. Ils ont été rejoints par leurs collègues en chemise bleu ciel et képi, qui étaient assis dans la salle d’attente. Ils ont commencé à m’attacher avec des bandes. Je criais : ‘Laissez-moi ! Laissez-moi !’ J’ai pleuré. J’ai enlevé ma chemise, je me suis trouvé en débardeur. Les policiers m’ont pris par le cou et m’ont renversé en avant. Je suis tombé le visage à terre, je me suis ouvert la lèvre. Ils se sont mis à frapper : ils ont piétiné ma jambe avec leurs chaussures, le tibia, le genou gauche, le pied droit. L’un d’entre eux a mis son genou sur ma joue, il a plaqué mon visage contre le sol. La bagarre a duré entre dix et vingt minutes peut-être. Une camionnette de police est venue se garer devant la porte de sortie qui relie le poste de police au parking, mais on ne m’y a pas emmené. Je suis allé m’asseoir. Certains policiers en tenue d’escorte et d’autres en chemise bleue claire ont voulu me donner un verre d’eau. J’ai dit : ‘Non, je ne veux pas d’eau’. J’ai pleuré, pleuré. Le jeune policier qui m’a donné l’eau m’a conseillé :

    - Prends un avocat.

    - Si j’avais volé, vous pouviez me faire ça. Mais je n’ai pas volé. Vous ne pouvez pas me faire ça. Je vais prendre un avocat. Je vais prendre un avocat.

    Les policiers me disent d’attendre. Je leur dis que je veux me laver. Un policier en bleu marine (un métis, costaud) m’a accompagné chez le médecin. Lui n’était pas là en même temps que les autres, il est venu plus tard avec la camionnette ; lui ne m’a pas touché. Dans le cabinet médical, une infirmière prend ma tension, un médecin m’ausculte, il me demande où j’ai mal. Il me donne un comprimé contre la douleur. Non, il ne me donne pas de certificat médical : ce qu’il a écrit, il l’a gardé pour lui. Puis je suis monté directement chez toi ici.

    Six jours après son arrivée en zone d’attente, Djibril Ba est appelé à descendre avec ses bagages. Il est menotté et escorté par trois agents de l’Unité nationale d’escorte, de soutien et d’intervention (UNESI) vers Bamako, où il est remis aux mains des officiers de la police locale.
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    À 23 h 15, Abdi Hossein est placé en garde à vue. Il comparaît deux jours plus tard devant la 17e chambre du Tribunal correctionnel pour « infraction d’entrée ou séjour irrégulier et soustraction à l’exécution d’une mesure de refus d’entrée en France ». Il est condamné à un mois de prison ferme et transféré à la prison de V.
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    Halima Seyum me rappelle depuis un foyer Emmaüs dans le 14e arrondissement de Paris. Elle y est logée pour une nuit seulement, car c’est un foyer d’urgence pour les gens sans domicile. Elle attend d’être placée dans un foyer Aftam 93. Je vais la voir dans son foyer vers 16 h. Il ressemble à une vieille école, un bâtiment qui date du début du vingtième siècle, une esthétique de lieux publique des années 1960 : linoléum gris, meubles en bois véritable dépareillés, chaises d’école aux barreaux gris vert métallisés, odeur de gras. Nous allons boire un café dans le réfectoire, sur des tables longues couvertes de nappes en plastique. Tout est propre et patiné, pas encore aligné sur les matières plastiques et les formes rondes grossières que l’on trouve partout dans le neuf aujourd’hui, et aussi en zone d’attente. Son récépissé de huit jours, dans le délai desquels elle doit faire une demande d’asile à la préfecture, expire le lendemain. Le responsable du centre dit qu’ils enverront d’ici là sa demande d’asile à la préfecture, le cachet de la poste faisant foi.
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    Quelques jours plus tard, le téléphone sonne. C’est un employé de l’hôtel « Première Classe » à D. qui m’appelle à la demande de Halima Seyum. Elle n’a pas eu de place au foyer Aftam, mais elle a désormais une chambre jusqu’au 30 avril dans cet l’hôtel, où l’Aftam a logé, sur le même étage, d’autres demandeurs d’asile n’ayant pas pu être hébergés en foyer. Situé à une sortie du périphérique extérieur, l’hôtel ressemble à un « Formule 1 » de luxe, avec des orchidées sur le comptoir, une salle à manger propre et avenante, des distributeurs de café, de gâteaux et toutes les commodités nécessaires à un service sans personnel. Des cars de touristes sont alignés sur le parking. Halima est inquiète pour la nourriture. À l’Aftam, on lui a donné vingt euros pour la semaine, et la semaine prochaine, on lui donnera encore vingt euros. Ce n’est pas beaucoup. Quand elle est revenue de l’Aftam, elle avait très faim, elle se sentait mal. Alors elle a acheté une part de pizza dans la rue, mais elle a dépensé quatre euros sur les vingt qu’elle possède pour la semaine ! Elle voudrait partir en Angleterre : elle parle l’anglais, mais pas un mot de français, et sa compagne de chambre lui a dit qu’on pouvait travailler là-bas. Demandeuse d’asile renvoyée de Belgique sous le règlement « Dublin II », cette dernière est en Europe depuis quelques années déjà, et connait la ville.
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    Il faut bien réfléchir à cette question de départ vers l’Angleterre. Halima a été admise à la frontière comme demandeuse d’asile, ce qui indique qu’elle a de bonnes chances d’obtenir l’asile – l’examen aux frontières est paradoxalement réputé plus difficile que l’examen de fond de la demande d’asile par l’Ofpra. Nous avons pris du café, nous sommes montées dans sa chambre, nous nous sommes assises sur son lit, dans une belle lumière de fin d’après-midi :

    La guerre entre l’Érythrée et la Somalie a fait beaucoup de morts. La guerre est bête. Nous vivons ici, eux vivent là-bas, et l’on décrète qu’il y a une frontière, là, et pour cette frontière, juste pour une ligne, on va s’entretuer, on va faire la guerre et tuer des milliers de gens. Pour cette ligne. Une frontière, c’est quoi ? Juste une ligne, rien de plus. La Somalie et l’Érythrée se sont disputées pour cette ligne, ils ont envoyé beaucoup de monde à la guerre, beaucoup de gens sont morts. Mes deux frères ont été envoyés à la guerre. Les deux : d’abord un, et puis ils sont venus chercher d’autres jeunes et ils ont pris le deuxième. Mes frères et sœurs avaient peur. On n’a eu aucune nouvelle. On ne savait pas où ils étaient : personne ne disait rien et les nouvelles non plus ne disaient rien. Il y a eu beaucoup de morts. Un jour, un train est arrivé, tout le monde est allé à la gare et l’on attendait les noms : ils lisaient une liste, et ceux qui étaient sur la liste, on savait qu’ils étaient morts. J’avais peur. J’ai attendu dans la peur et quand j’ai entendu le nom de mon frère, j’ai pleuré. Et je restais encore devant la liste. Et puis ils ont dit le nom de mon deuxième frère et je me suis évanouie. Les voisins m’ont ramenée à la maison. Mon père était très malade déjà à ce moment-là… Ah, ce ne sont pas des choses gaies. Excuse-moi, je t’ennuie en te racontant ces choses. Toi tu es ennuyée, mais moi ça me fait du bien, ça me soulage le cœur.

    On s’est dit au revoir en début de soirée. On s’est rappelées plus tard : je partais quelques semaines au Canada. Halima m’a souhaité bon voyage et m’a dit que si l’on ne se revoyait pas d’ici mon départ, elle me disait au revoir. Je suis passée à l’hôtel avant de partir, mais elle m’avait prévenue qu’elle ne serait sans doute pas là, parce qu’elles allaient, avec sa compagne de chambre, à l’Armée du salut pour chercher de la nourriture. Pas encore rentrée ? Déjà partie ? À mon retour du Canada en mai, j’ai appelé Pierre Gilles, du foyer Emmaüs, qui m’a amicalement donné le contact de la personne qui s’occupait de Halima à l’Aftam. Je l’ai appelé pour avoir des nouvelles ; il m’a dit un peu sèchement : « elle a disparu dans la nature ».

    #Confinement et #subjectivation

    Comment le contrôle frontalier fonctionne-t-il au quotidien ? Quelles fonctions garde-t-il dans une perspective à plus long terme de parcours dans le pays d’accueil ? Comment les gestions institutionnelles de la circulation produisent-elles de nouvelles façons de gouverner les non-nationaux, aussi bien « étrangers » qu’« apatrides » : ceux dont le lien à l’État et à la Nation est de fait suspendu ? Voici quelques questions qui se posent au regard des parcours esquissés. Chacun bien sûr entre dans ces apnées administratives avec son bagage : ses connaissances, ses résistances, ses références, ses ressources, ses peurs. Fereydoun Kian mesure deux mètres pour une centaine de kilos : il sera directement placé en garde à vue sans subir de tentative de renvoi sous escorte. Sylvie Kamanzi s’en tient fermement aux connaissances administratives qu’elle a développées au cours de dix ans d’exils successifs entre le Rwanda et la République Démocratique du Congo (RDC) : d’abord, ne pas laisser savoir que l’on est rwandaise ; ensuite, face aux extorsions et aux violences de la police, toujours refuser de se rendre à un interrogatoire et garder le silence. Ces leçons tirées de l’expérience la mèneront très vite à un malentendu indénouable avec l’administration et à son refoulement dans le premier avion du retour.
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    Si les personnes placées dans des centres de rétention administrative (CRA) pour les sans-papiers arrêtés sur le territoire français ont toutes fait l’expérience, quoique différente, d’une vie en France et souvent d’un parcours administratif10 , ceux qui débarquent des avions ne partagent aucune expérience commune. Il n’existe pas de seuil, même minimal, de connaissance partagée de la culture administrative nationale, de la culture matérielle globale qui prévaut dans les aéroports et les nouveaux centres aseptisés11 , des codes moraux et humanitaires de la démocratie occidentale12 ; pas de continent commun, de langue commune ni de formation politique identique. Comment comprendre l’expérience intime du maintien en zone d’attente en s’attachant à des situations et des trajets si variés, dont le vécu s’inscrit dans des grammaires culturelles, un univers symbolique, des savoirs pratiques différents ? Est-ce que le même mot de « maintenus » est suffisant pour conférer une situation commune à ce kaléidoscope d’expériences qui se croisent dans le temps court de la détention frontalière ?

    https://www.politika.io/fr/notice/prisonniers-du-passage-ethnographie-detention-frontaliere-france
    #frontières #rétention #détention_administrative #zone_d'attente #MNA #mineurs_non_accompagnés #disparitions #Guinée_Conakry #aéroport #Zapi_3 #Ofpra #asile #migrations #réfugiés #Croix-Rouge #Aftam_93 #police #violences_policières #Unité_nationale_d'escorte_de_soutien_et_d'intervention #UNESI #hébergement #logement #CRA #débouté #sans-papiers

  • #métaliste (qui va être un grand chantier, car il y a plein d’information sur seenthis, qu’il faudrait réorganiser) sur :
    #externalisation #contrôles_frontaliers #frontières #migrations #réfugiés

    Des liens vers des articles généraux sur l’externalisation des frontières de la part de l’ #UE (#EU) :
    https://seenthis.net/messages/569305
    https://seenthis.net/messages/390549
    https://seenthis.net/messages/320101

    Ici une tentative (très mal réussie, car évidement, la divergence entre pratiques et les discours à un moment donné, ça se voit !) de l’UE de faire une brochure pour déconstruire les mythes autour de la migration...
    La question de l’externalisation y est abordée dans différentes parties de la brochure :
    https://seenthis.net/messages/765967

    Petit chapitre/encadré sur l’externalisation des frontières dans l’ouvrage "(Dé)passer la frontière" :
    https://seenthis.net/messages/769367

    Les origines de l’externalisation des contrôles frontaliers (maritimes) : accord #USA-#Haïti de #1981 :
    https://seenthis.net/messages/768694

    L’externalisation des politiques européennes en matière de migration
    https://seenthis.net/messages/787450

    "#Sous-traitance" de la #politique_migratoire en Afrique : l’Europe a-t-elle les mains propres ?
    https://seenthis.net/messages/789048

    Partners in crime ? The impacts of Europe’s outsourced migration controls on peace, stability and rights :
    https://seenthis.net/messages/794636
    #paix #stabilité #droits #Libye #Niger #Turquie

    Proceedings of the conference “Externalisation of borders : detention practices and denial of the right to asylum”
    https://seenthis.net/messages/880193

    Brochure sur l’externalisation des frontières (passamontagna)
    https://seenthis.net/messages/952016